Lundi 17 Octobre
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Ok à tout à l’heure.》Je raccrochai et glissai mon téléphone dans la poche avant de mon jean. J’avais prévu de rejoindre mon père et de passer l’après-midi avec lui, parce que maintenant que nous vivions dans la même ville, je pouvais en profiter pour essayer de le croiser un peu plus souvent, enfin, seulement quand
monsieur était libre. Je tirai machinalement sur la fermeture éclair de ma veste. Je n’avais pas spécialement froid, mais j’étais tellement stressée de le voir qu’il fallait que je tripote quelque chose.
Je n’avais pas peur de mon père, mais entre nous, il y avait toujours ce malaise à chaque fois que l’on se voyait. Sûrement dû au fait qu’il était très réservé, ne parlait pas beaucoup et qu’il avait un peu oublié de s’occuper de moi quand j’étais petite. Enfin, au moins il faisait l’effort de le faire maintenant. Mais l’absence d’un parent,-voir de deux-, ce n’était jamais quelque chose de bon dans le développement personnel d’un enfant et de ce côté-là, ils avaient bien réussi à me gâter.
Si je passais la plupart de mes grandes vacances chez ma mère en Norvège, j’avais un parent vivant beaucoup plus près de moi, et c’était ironiquement celui avec lequel j’étais le moins proche. Je soupirais en traversant le parc du campus. Il me suffisait de monter dans le bus, arriver chez lui, dire bonjour et lancer le sujet de son travail, parce que là au moins, je savais qu’il parlerait.
Je détestais l’astronomie. Certes, c’était un sujet passionnant. Je ne pouvais pas le nier. Mais quand ton père préfère regarder le ciel plutôt que de changer tes couches sales (dit comme ça, ça en devient presque excusable), tu finis par un peu saturer de l’espace. Bref, je continuais à marcher en ruminant intérieurement, entendant presque la voix grave de ma grand-mère qui me disait “mais ils t’aiment, ils savent juste pas le montrer”, oui, tout le problème était là, justement. C’est bien de se pointer de temps en temps et de dire “au fait, je t’aime” mais faudrait penser à le montrer un jour.
Arrivée devant mon arrêt de bus, je vérifiais les horaires sur le panneau d’affichage. Il ne me restait pas longtemps à attendre et comme je ne voulais pas rester plantée là, à me tourner les pouces en pensant à tout ce qui n’allait pas dans ma vie, je sortis mon casque de mon sac. Rien de mieux qu’un peu de musique pour faire passer le temps. Il ne me restait plus qu’à le brancher à mon téléphone et…
La main glissée dans la poche, je n’attrapai que du vide. Ce qui n’était vraiment pas normal, puisque j’étais persuadée d’avoir rangé mon téléphone dans mon jean. Je touchai l’autre poche, vide elle aussi. Paniquée, j’éventrai mon sac pour en fouiller tous les recoins, mais même après l’avoir tourné, vidé, retourné et revidé, il n’y avait toujours aucune trace de l’objet convoité..
Il ne me restait plus qu’une seule chose à faire : retourner sur mes pas en espérant que le reste du monde soit aussi aveugle que moi et que personne ne soit tombé sur mon portable. Je suivais l'exact chemin que j’avais parcouru, fouillant tous les petits endroits où il aurait pu se glisser, mais en vain, je me retrouvais de nouveau rapidement au parc du campus, toute bredouille.
À deux doigts de pleurer, parce que je considérais ça comme la fin du monde, j’interpellai la première personne qui passait à côté de moi. 《
Excusez-moi, vous n’auriez pas trouvé un téléphone quelque part ? J’ai une coque avec un ninja vert dessus.》demandais-je en croisant les doigts pour ne pas me mettre à chialer devant lui. 《
Je crois qu’il est tombé de ma poche tout à l'heure..》