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Mathéo Takahashi
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Mer 1 Fév 2023 - 22:46

Le temps fond aussi vite que du sucre sur la langue

Samedi 6 Janvier - 14h

Le sol de la bibliothèque craqua timidement sous ses pas décidés. Il n’y avait pas encore grand monde venu se perdre dans ses méandres mais Mathéo savait que cela ne tarderait pas. C’était un habitué des lieux. Il en connaissait chaque recoin, savait quelles tables éviter, quelle place préférer pour être certain de ne pas être dérangé par les allers et venues des autres élèves ou étudiants. Il connaissait tout aussi bien les rayons, disposés par disciplines, catégories, auteurs et thèmes que le nombre de lampadaires. Depuis son arrivée à Kobe, il avait eu à discuter davantage avec la bibliothécaire qu’avec n’importe qui d’autre et les occasions de découvrir les moindres détails de ce lieu silencieux ne lui avaient pas manqué en dix mois. Rares avaient été les jours où il n’y avait pas mis les pieds au moins une heure. Même ses pauses, il les faisait entre ces murs.

En se faufilant entre les étagères garnies de livres, il se fit remarquer à quel point le temps était passé vite. Nous étions déjà en janvier, la fin de l’année approchait dangereusement et il ne l’avait pas vu venir. Dire que quelques saisons en arrière, il détestait ce campus, il détestait l’idée de devoir rester au Japon. Au début, il en avait vraiment morflé pour ravaler sa déception et le profond sentiment d’injustice qu’il avait ressenti lorsque ses parents lui avaient annoncé qu’il ne pourrait pas partir en France. Il avait finit par se faire à l’idée désormais. Parfois, il lui reprenait d’y rêver, de se voir quitter Kobe et sa famille, de prendre le premier train pour le premier aéroport et y décoller pour ne plus jamais remettre les pieds sur le sol japonais… mais ça ne restait que des rêves fous, qu’il s’autorisait encore pour ne pas avoir l’impression de laisser ses parents gagner. Au fond de lui, il savait qu’il n’aurait jamais eu le courage de tout quitter, de partir à l’inconnu… mais c’était plus facile d’en vouloir à ses parents que de le reconnaître. Il attrapa le recueil de poèmes qu’il était venu chercher et le feuilleta pensivement, sans vraiment y prêter attention. Sa première année à Kobe était bientôt terminée… qu'y avait-il fait ? Qu'y avait-il accomplit ? Pas grand-chose. Il s’était fait des connaissances, s’était investi dans ses clubs, s’était hissé parmi les meilleurs élèves de sa promo… Oui, mais ça ne lui semblait pas bien différent de ce qu’il avait toujours fait. Cela ne lui semblait pas satisfaisant du tout. Le temps d’un instant, il eut l’impression d’éprouver une bien lourde tristesse.

Il referma son livre d’un grand coup, faisant sursauter la camarade à quelques pas de lui. « Désolé... » lui chuchota-il, s’inclinant légèrement avant de lui tourner le dos pour fuir jusqu’aux tables. Haaah… Il n’avait pas le temps pour les états d’âmes, il devait travailler.  Il  balaya des yeux l’ensemble des tables libres pour s’y choisir une place et s’en alla vers le fond, déterminé à s’enterrer tranquillement au fin fond de la pièce. Sur le chemin, il hésita néanmoins, repérant un visage familier non loin de lui. C’était Seito, non ?

Il resta planté dans le dos du lycéen quelques secondes. Ils se voyaient souvent au club de littérature et il lui semblait qu’ils ne s’entendaient pas trop mal, mais on ne pouvait pas dire pour autant qu’ils étaient amis. Il n’était donc pas certain de ne pas le déranger s’il s’installait pour travailler à côté de lui. Il tourna discrètement les talons, prêt à fuir un peu plus loin encore mais son indécision eut raison de ses mouvements. Seito était son kohai, il ne refuserait sûrement pas sa compagnie, non ? Sans doute… mais voulait-il réellement prendre le risque de se manger un refus devant tout le monde ? Son camarade n’était pas du genre à avoir sa langue dans la poche, il n’hésiterait certainement pas à lui dire qu’il le dérangeait si tel était le cas. « Argh. Sérieusement, Mathéo. Bouge toi les miches, fais quelque chose, tu perds du temps là ! » s’engueula t-il intérieurement. Il poussa un soupire discret. Bon… Il n’avait pas envie de rester seul, sinon il se serait déjà assit au fond de la salle. Alors, autant essayer de changer légèrement ses habitudes. « Bonjour… Seito-kun. », finit-il par chuchoter en se rapprochant. « … Est-ce que ça te dérange si je m’assoie ? » ajouta-t-il, muni d’un sourire poli. Voilà, ce n’était pas si dur, grand Dieu.




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Jeu 2 Fév 2023 - 22:37
SAMEDI 6 JANVIER 2018



Se lier d'amitié aurait pu l'éloigner de son lieu de prédilection mais il n'en est rien. A croire qu'il est encore trop fragile pour marcher sur le fil de la vie sans filet. Cramponné à ses habitudes, Seito passe le plus clair de son temps à la bibliothèque. Et quand il n'y est pas, il est avec Nolan ou Pablo ou les deux. Il n'y a quasiment jamais d'entre-deux. Rester seul lui est insoutenable. Comme si ses démons intérieurs profitaient de ces instants de stagnation pour lui infliger les pires illusions. C'est la raison pour laquelle il a toujours un livre sur lui. Quelque soit le temps dont il dispose, la lecture est son réflexe premier. Aussitôt plongé entre les lignes, le monde autour disparaît et au plus les pages défilent, au plus sa chrysalide se renforce.

Ce samedi n'échappe pas à la règle. Après chaque séance chez le psychologue, il ressent le besoin viscéral de se ressourcer. Quand bien même il n'aurait échangé que des ondes positives. Seito était rentré des vacances scolaires la veille, invité par ses parents à ne pas rater cette session. Alors il lui avait raconté dans le détail le déroulé de ces deux semaines placées sous le signe de la famille et de l'amitié. Des idéologies somme toute banales mais qui, aux yeux de Seito, revêtaient un changement radical dans sa vie. Il en avait exprimé ses doutes, avait épanché sa joie, s'était confronté à ses peurs. Chaque ressenti avait alors été décortiqué soigneusement puis ré-assemblé en y insufflant une bonne dose de confiance en soi.

Il serait malvenu de considérer la pression sur ses épaules comme un simple poids sans conséquence. Plus les années passent et plus les attentes se multiplient, voire gagnent en intensité. La nouvelle année ne s'accompagne d'aucune autre bonne résolution que celle de réussir son année. Année arrivant à son terme dans seulement trois petits mois. Les examens de décembre avaient confirmé la tendance selon laquelle il rattrapait enfin son retard durement accumulé. Plus assidu, Seito avait manifesté un intérêt réel pour les matières enseignées. Et, bien que certaines conservaient une part de mystère pour son cerveau turbulent, il en tirait une satisfaction amplement méritée quant aux résultats de ses efforts.

Pourtant... Trente minutes que son manuel de mathématiques est entrouvert et toujours rien dans son cahier. Pas un chiffre, pas une seule démonstration. Son style gît à côté, esseulé. La cause en est à cet o-mamori qu'il ne se souvenait pas avoir glissé dans sa trousse. Il se souvient encore de l'insistance exprimée par sa mère à le conserver sur lui à tout prix. Détenteur de bénédiction sur ses études, le tissu glisse entre ses doigts. Ouvrir le pochon pour en laisser échapper l'effet protecteur lui effleure l'esprit. Comme une ultime rébellion pendant laquelle il prouverait qu'il n'a pas besoin d'amulette pour réussir. Son fil de pensée est tranché par le chuchotement intrusif d'un élève. Seito relève vivement les yeux et croise ceux de son senpai au club de littérature. Il incline la tête par respect.

« B-bien sûr... Enfin, je veux dire pas du tout. Tu- » bégaye-t-il avant de réaliser que sa réponse est tout sauf limpide. « Bien sûr que tu peux t'asseoir. » complète-t-il alors en poussant légèrement ses affaires.

C'est qu'il a une fâcheuse tendance à s'étaler. Le japonais range prestement l'amulette dans sa trousse, comme un secret honteux, et s'empare de son stylo. Cependant, après avoir repoussé d'autant ses exercices, quelques minutes supplémentaires de discussion triviale n'y changeront rien. Un sourire se dessine sur ses lèvres alors qu'il demande :

« Tu as passé de bonnes vacances, Senpai ? » Quelques secondes de blanc puis il réalise son impolitesse et se rattrape immédiatement, avec un poil trop d'enthousiasme : « Oh et bonne année ! »




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Ven 10 Fév 2023 - 22:23

Le temps fond aussi vite que du sucre sur la langue

Samedi 6 Janvier - 14h

La réponse de Seito fût… étonnante. Les premières secondes, elle le laissa perplexe. Etait-ce un oui, était-ce un non ? Il ne savait sur quel pied danser. Heureusement, son kohai finit par l’inviter et il put prendre place à ses côtés, mettant fin au malaise qui commençait à s’installer. « Il est mignon » pensa Mathéo en voyant Seito se précipiter pour lui faire de la place. Il n’en demandait pas tant. Sa maladresse vocale aussi était mignonne, à défaut d’être gênante. « Merci » lâcha-t-il, poliment, tandis qu’il sortait ses affaires pour les éparpiller sur la table. Pas de quoi envahir Seito cela dit : son vieil ordinateur portable, deux livres, un carnet de note et une trousse avec très exactement quatre stylos, un porte mine et une gomme à l’intérieur. Rien de plus. Cependant, lorsque Seito commença à le questionner sur ses vacances, il regretta de ne pas y avoir ajouter des dolipranes. Des somnifères même.

De tous les sujets de conversation que son camarade aurait pu tenter de lancer, celui des vacances était le pire. Il n’avait absolument aucune envie d’en parler. Ne pouvait-on pas le laisser tranquille avec cette histoire de vacances ? Pourquoi tout le monde cherchait-il à les faire exister davantage en en parlant pendant des heures ? Des heures qui lui semblaient être des éternités. « Éreintantes, stressantes et difficiles. Je suis content qu’elles soient terminées » aurait-il aimé répondre mais il s’abstenu. A quoi cela servirait-il ? Son camarade essayait seulement d’être poli, il n’en avait sans doute pas grand-chose à faire en réalité. Et puis, il n’avait pas envie de passer pour un rabat-joie. Personne ne souhaite se coltiner la présence d’une telle âme. Heureusement pour lui, la spontanéité du jeune homme le sauva. Celle-ci lui arracha un sourire. Un vrai, sincère, cette fois. « Bonne année à toi aussi, Seito-kun » lui répondit-il, le regard amusé, tout en le gratifiant d’un léger ébouriffage de cheveux. Sans doute celui de trop. Mais, il n’avait pas pu s’en empêcher devant tant d’enthousiasme.

C’était son défaut. Enfin, l’un de ses défauts : une fâcheuse tendance à infantiliser ses Kohai, plus encore lorsque ceux-ci étaient des hommes et davantage encore lorsqu’ils étaient lycéens. Il s’était déjà prit la réflexion en pleine face mais cela n’avait jamais suffit à lui faire changer cette vilaine habitude. Il ne faisait pas exprès, vraiment. Il agissait avant de penser dans ces moments là, de rares moments de non-contrôle. Néanmoins, cette fois-ci, il y avait été plus fort. Ça le surprenait lui-même. Habituellement, il se contentait d’infantiliser les autres avec des mots. Il se dit qu’il exagérait tout de même un peu cette fois. Pourtant, mieux valait infantiliser que prendre le risque de désirer, non ? C’était une habitude défensive comme une autre. Mieux vaut prévenir que guérir, dit-on en français.

« Mes vacances étaient cool. Le voyage à Hakuba était intéressant et j’ai pu voir ma famille » enchaîna-t-il pour éviter de montrer son auto-gênance, un sourire différent du précédent sur les lèvres. Faux, cette fois-ci. Ses vacances ? Cela avait été l’horreur. Lou lui avait fait la misère durant le voyage et à la maison, de retour au campus il ne lui était arrivé que des galères ; voir ses parents l’avait vidé de toute substance existentielle et même les bons moments passés avec sa sœur Anna, qui lui servaient pourtant de masque à oxygène, n’avaient pas suffit à rattraper le tout. Il avait besoin de se détendre mais ce n’était plus le moment désormais. Il reprenait la fac tendu. « Et toi ? Ça a été ? » demanda-t-il en ouvrant son pc. Le sticker « candies addict » rose fushia et kawaii collé sur le coin de ce dernier manqua de le faire s’évanouir. Cadeau d’Anna, qu’il avait encore oublié de retirer. A croire qu’il l’aimait bien depuis le temps. Que faire ? Avec un peu de chance, Seito n’y prêterait pas attention. S’il cherchait à le retirer en revanche, il était certain qu’il l’apercevrait. Il s’empressa de poser son carnet de note dessus, décapuchonnant son stylo au passage.« A faire » écrit-il en français pour faire croire à un acte naturel. « Ressourcé et prêt pour le dernier semestre ? » demanda-t-il sans y penser. Parler des futurs examens et de la fin de l’année, voilà qui l’amenait déjà plus vers sa zone de confort.




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Mer 22 Fév 2023 - 23:05
SAMEDI 6 JANVIER 2018



Persuadé de se faire rabrouer pour avoir scandé sa bonhomie à la face du senpai, Seito est tout sauf préparé au geste affectueux qui suit le retour de ses vœux. Il faut dire que le japonais est dans un premier temps happé par le sourire que lui sert son homologue. Un sourire franc qu'il a rarement l'occasion de voir sur ses lèvres communément sérieuses. Et bizarrement, ça le rend tout chose. Comme s'il trouvait une perle au bout de la centaine d’huîtres qu'il aurait ouvertes. Mais ce n'est pas le pire. Une pensée imprévue l'effleure. La rigidité ordinaire de Takahashi s'écarte au profit d'un naturel désarmant. Comme s'il retrouvait soudain sa jeunesse. Et pour cela, Seito le trouve beau.

La réflexion s'arrête là. Tranchée net par cet attouchement désinvolte. Auquel il ne s'attendait pas et qui le laisse pantelant. Bien qu'il travaille sur son blocage tactile et qu'il éprouve moins de difficulté à prolonger le contact à son encontre, il n'en reste pas moins novice en la matière. Sans mentionner le fait qu'il ne s'exerce qu'avec ceux en qui il a pleinement confiance. Non pas qu'il remette en question l'autorité de son senpai mais ils ne se côtoient finalement que très peu. En dehors du club de littérature et les quelques échanges à la bibliothèque du fait de leur passion commune, ils ne sont pas proches. Il est donc pour le moins étonnant que Takahashi s'adonne à cette familiarité.

Évidemment, ses joues s'empourprent. Le regard marqué par la surprise, Seito baisse rapidement les yeux. Il ne s'offusque pas. Peut-être parce que cette marque d'affection est en réalité plaisante. La même chaleur que les bras de Nolan, que le parfum envoûtant de Pablo. Tout s'embrouille dans sa tête et il est heureux de reprendre la discussion initiale. Surtout que pour une fois, il peut honnêtement dire qu'il a passé de bonnes vacances. Les demi-vérités sont épuisantes et ont déjà trop rongé son cœur. Le nez sur son cahier entrouvert, il attrape son stylo entre ses doigts et joue avec en le faisant tourner.

« Plutôt bien aussi. J'ai pas foiré mes exams avant de partir en vacances, j'me suis explosé le ventre de mochis au Nouvel An et le voyage au ski était juste ouf tellement c'était trop bien ! Donc ouais, plutôt super bien en vrai. »

Cette énumération ramène un sourire sur son visage et il s'autorise à relever les yeux. Il constate aussitôt que le senpai n'a pas perdu de temps en déployant ordinateur et carnet. Ses yeux s'attardent sur le stylo dans sa main et se braquent dans les siens dès l'instant où il fait état de ce pourquoi ils sont là. En théorie. Son regard se fait alors fuyant et il soupire, calant son dos contre le dossier de sa chaise.

« Je sais pas... »

Il replace machinalement les quelques mèches rebelles que Takahashi a ébouriffées et continue à faire tournoyer son stylo de l'autre main. Ce faisant, la sensation fantôme des doigts du senpai se rappelle à lui. Il s'agite sur sa chaise. Troublé, il se laisse aller aux confidences.

« J'ai peur de tout foirer. Et j'peux pas. J'ai plus qu'une vie et si j'foire, c'est mort. J'pourrais pas recommencer. Ça devrait pourtant pas être si compliqué de passer en troisième année. »

Tout le monde autour de lui y arrive, alors pourquoi pas lui ? Réussir ses premiers examens ne suffit pas. Il lui faut à présent être constant. Et briller suffisamment pour honorer sa place dans la constellation familiale nouvellement retrouvée. Il secoue la tête de droite à gauche, agacé par ses propres propos.

« Ça doit te paraître stupide c'que j'raconte. J'suis sûr que t'as pas eu d'mal à réussir quoi qu'ce soit vu où t'es maintenant. »




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Sam 25 Fév 2023 - 19:16

Le temps fond aussi vite que du sucre sur la langue

Samedi 6 Janvier - 14h

Son coeur se serra lorsqu’il entendit l’apriori de Seito se dévoiler. Etait-ce là l’impression qu’il laissait aux autres ? D’être de ceux à qui tout réussit si facilement que cela en devient indécent ? L’idée fit resurgir tout un tas de pensées et d’émotions, contradictoires et contraignantes, dont il se serait bien passé. Il en avait bavé pour en arriver où il en était aujourd'hui. Au fond de lui, il aurait aimé que les autres s’en aperçoivent. Il aurait aimé que l’on remarque l’acharnement, le sacrifice, la discipline qu’il s’était infligé à coup de massue pour réussir à rattraper son retard et à terminer dans les premiers de la promo chaque année. Il aurait aimé que l’on reconnaisse son travail, sa motivation et sa persévérance. Bien qu'il supposait que tous ses efforts étaient socialement moins lumineux que d’être « celui qui réussit tout facilement ». Seulement, là était sa contradiction. Il en était aussi heureux. Oui, il en était même soulagé car cela prouvait que ses efforts pour se fondre dans la masse n’étaient pas vains. Il était sur la bonne voie, on ne s’apercevait pas d’à quel point cela lui était difficile, on ne voyait pas qu’il peinait et angoissait à l’idée de ne pas savoir comment s’en sortir pour montrer pate blanche aux autres, mais il laissait une image positive. En quelques sortes, il en était aussi valorisé.

Les yeux dans le vague quelques secondes, il resta silencieux. Son cerveau avait besoin d'un peu de temps pour faire un tri rapide dans ce brouhaha d’émotions et de pensées envahissantes. Il attendit d'avoir l'esprit assez clair pour regarder à nouveau son camarade. « Non, je comprends. » commença-t-il pour briser son silence, s'accoudant sur la table en plongeant son regard dans celui de Seito. « Et, je trouve ça bien que ça te préoccupes, ça montre que tu prends ton avenir au sérieux » concéda-t-il. Ses yeux se posèrent sur le stylo hyperactif de son jeune Kohai, l'observant pensivement. Est-ce qu’il y avait plus à dire ? Quelque chose à ajouter ? Que devait-il faire, le réconforter ou bien l’encourager ? Il ne se sentait à l’aise avec aucune de ses deux options. Les personnes qui, comme Seito, avaient déjà pu échanger avec lui par le passé savaient qu’il pouvait rapidement être à court de conversation. Il n’aimait pas parler pour ne rien dire et souvent on ne lui en voulait pas de se taire. On appréciait même plutôt le fait qu'il écoute plus qu'il ne prenne la parole. Ce qui l'arrangeait la plupart du temps car il n’aimait pas avoir à combler le silence ou imaginer des sujets de conversations qui pourraient intéresser ses interlocuteurs. Non, il n’aimait pas ça. Pas du tout même. Cependant, la confession de Seito le touchait et sans s’en rendre compte ce dernier l’avait aussi piqué. Il se sentait obligé d'en dire plus, pour une fois il avait envie de parler, quitte à prendre le risque de parler en vain. Il reporta les yeux sur lui. « Tu sais... Je ne réussis pas tout du premier coup et sûrement pas facilement. J’ai eu à redoubler plus jeune et j’ai du travailler dur pour arriver jusqu’à la fac. Aujourd’hui encore, je travaille beaucoup. » avoua-t-il, sans trop savoir lui-même pourquoi il avait ce besoin de s’en expliquer à son Kohai en particulier. Ce n'était de lui dont il s'agissait. « Le travail finit toujours pas payer, ce n'est pas un mythe. Continue tes efforts, tu es en bonne voie si tu as réussis tes premiers examens. Avoir peur… c’est normal. Tant que tu n’abandonnes pas tes efforts, ce n’est pas grave d’avoir peur, Seito-kun. » tenta-t-il de le rassurer. Il était sincère comme rarement malgré tout. Pour une fois, cela n'était pas de la simple politesse. D'un coup de talon, il pivota pour attraper l’un de ses post-it et gribouilla rapidement quelques numéros avant de lui glisser devant le nez. « Et si tu as besoin d’aide pour travailler, réviser ou t’organiser, je peux t’aider. N’hésite pas, je te passe mon numéro, tiens. » finit-il, un peu gêné tout de même. Il n'y avait pas de quoi en faire toute une histoire, ce n'était qu'un numéro de téléphone offert sans arrière pensée aucune, à un kohai qui pouvait possiblement avoir besoin de l'utiliser un jour... "Pas de quoi en faire un plat !" pensa-t-il malgré l'étrange sentiment coupable qui lui restait en arrière goût. Une sorte de mi-sourire mi-moue s’installa sur son visage. Il avait tellement l'habitude de ne pas être écouté dans ce type de moment, d'être vécu comme un mec chiant et persécutant dès qu'il essayait de parler d'études ou de travail personnel qu'il ne croyait même plus en l'efficacité de ses conseils. « Avec ton travail.. et… un Senpai pour t’aider, tu l’auras ton année. C'est certain.» glissa-t-il convaincu. C'était maladroit, mais sincère.




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Lun 27 Fév 2023 - 17:58
SAMEDI 6 JANVIER 2018



Ses sourcils se soulèvent. Que comprend-il au juste ? S'il s'agit de lui remonter le moral à coup de phrases mantra surannées, il n'est pas certain d'y répondre positivement. Cela n'aurait rien d'original en plus d'être carrément cul-cul la praline. Seito a besoin qu'on le challenge, qu'on l'asticote, qu'on le bouscule pour qu'il se décide à agir et prouver à la face du monde qu'il est capable. Le réconforter en impliquant qu'il peut simplement réussir par la seule force de ses efforts est une perte de temps. Sinon il ne serait pas là à ruminer sur son manque flagrant de confiance en soi. Le regard perçant de Takahashi le perturbe. Il parvient à le maintenir jusqu'à ce qu'il mentionne son avenir. Oh bordel. Ses paupières papillonnent et quittent la lumière hypnotisante. Le bas de son visage s'affaisse sous une moue sceptique.

« Si tu l'dis... » répond-il en haussant les épaules.

Bien qu'il le cache sous de la nonchalance, son stylo n'est pas dupe et marque la cadence de sa nervosité. Penser à son avenir fait émerger l'image de ses parents et de ce vase de confiance qu'il est miraculeusement parvenu à recoller. Impossible de revenir en arrière à présent. Marche ou crève. Et la crainte que la balance penche du mauvais côté est parfois si pesante qu'elle en devient invalidante. Parviendra-t-il un jour à se libérer des chaînes familiales ? Mieux encore, pourra-t-il évoluer en se détachant de cette impression tenace que, malgré ses efforts, il ne sera jamais assez ? Ce dont il est certain est que la discussion n'ira pas plus loin. Il décolle son dos du dossier et s'avachit sur la table en croisant les bras pour accueillir son menton.

Le stylo roule distraitement contre la table sous la pulpe de son index. Lorsque l'étudiant reprend la parole. Et que sa révélation le transperce de part en part. Sa tête se soulève, dardant son regard charbonneux sur Takahashi. Décidément, le senpai a décidé de le surprendre aujourd'hui. Ce qui n'est pas une mauvaise chose. Mais cela a le désavantage d'être déroutant. Se mélangeant à sa propre débâcle et le plongeant dans un parallèle digne du multivers de Docteur Strange. Une idée que son cerveau s'accapare tandis qu'il assimile silencieusement tout ce que son senpai lui raconte. Et pendant tout ce temps, il soutient son regard, reposant doucement son menton contre le dessus de ses mains.

Bien sûr qu'il est surpris. Non pas qu'il soit impossible qu'un autre ait redoublé mais que lui soit dans ce cas... Sur l'étudiant, il n'y a rien qui dépasse. Seito le voit toujours couvert d'un manteau de bienséance souligné d'une écharpe de perfectionnisme. Alors là, sous ses yeux, il a soudain l'impression de le voir nu. Et c'est aussi troublant qu'intimidant. Ses mots s'appliquent sur ses plaies fraîchement refermées comme une pommade bienvenue. Jusqu'à ce qu'ils résonnent en lui brutalement une fois son prénom prononcé. Ses dents agrippent sa lèvre inférieure, ses pupilles vibrant d'une intensité soutenue. Peut-il réellement partager ses peurs sans risquer un sévère retour de bâtons ? Sans s'en rendre compte, sa main gauche compresse le stylo qu'elle tient dans son poing fermé.

L'air gonfle ses poumons. Il se sent pousser des ailes. Et il n'est pas au bout de ses surprises. Soudain, Takahashi s'agite et griffonne sur un post-it. Son numéro s'échoue devant lui. Seito se redresse promptement, faisant racler les pieds de sa chaise sur le sol en se rapprochant de la table. Ses yeux alternent successivement entre le post-it et l'étudiant. Ce n'est jamais bon signe quand Seito reste aussi longtemps silencieux. C'est qu'il en a des choses à digérer. Autant que du temps pour que son cerveau trouve la solution à cette situation improbable. Bien plus crédible que la simple éventualité que Takahashi souhaite réellement l'aider. Alors, quand enfin il parvient à aligner deux mots, après l'avoir scruté quelques secondes supplémentaires, il lâche :

« T'es mon moi du futur, c'est ça ? Tu voulais pas l'dire pour pas créer une faille dans l'espace-temps ? » Il cligne des yeux et sourit timidement. « Promis j'dirai rien à la brigade des brèches temporelles. Mais... merci d'être passé m'voir. Parce que franchement, j'suis juste paumé là. Mais maintenant que j'sais que j'vais réussir mon année et même réussir à aller en fac de littérature... ça rassure de ouf. »

Sa main relâche le stylo pour attraper du bout des doigts le post-it qu'il contemple avec ferveur avant de sortir son portable pour l'enregistrer. Une bête suite de chiffres suffit à faire battre son cœur plus fort. Les joues légèrement halées, il s'empresse de le remercier comme il se doit et accompagne ses paroles de multiples courbettes de la tête.

« Merci beaucoup Takahashi-senpai. Si j'deviens même qu'un pour cent comme toi, je serais super content ! »




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Mar 28 Fév 2023 - 3:03

Le temps fond aussi vite que du sucre sur la langue

Samedi 6 Janvier - 14h

Seito resta muet comme une carpe. Il posa un silence qui parut durer une éternité à Mathéo. Un de ces silences pesants, lourds d’incertitude, insaisissables. A quoi pouvait-il penser ? Pourquoi ne disait-il rien ? Ils échangèrent un regard puis un deuxième mais rien ne changea de l’épais manteau silencieux qui venait de tomber sur eux. Avait-il était trop loin en lui proposant son aide et son numéro de téléphone ? Est-ce que son geste paraissait plus déplacé qu’il ne l’était réellement ? Son camarade cherchait-il un moyen de lui signifier son plus solennel rejet ?... L’image de Lou envahit son esprit. Une Lou mécontente, qui blasée lui lançait un de ces regards noirs dont elle avait la recette secrète. Une Lou qui lui crachait à la figure à quel point elle le trouvait stupide et chiant, lui rétorquant qu’elle ne lui avait rien demandé et qu’elle aimerait qu’il lui fiche la paix au lieu de venir l’emmerder. Une Lou sauvage qui montrait les crocs de peur de finir en cage quand tout ce qu’il voulait c’était au contraire l’en libérer. Est-ce que Seito le voyait désormais ainsi, lui aussi ? Est-ce qu’il le trouvait lourd et oppressant ? Sa gorge se serra.

On ne lui en voudrait pas d’avoir cherché à aider l’un de ses Kohai, mais l’idée que Seito puisse penser de lui qu’il n’était qu’un abruti qui venait de se mêler de ce qui ne le regardait pas le dérangeait beaucoup. Jusqu'à maintenant, ils n’avaient jamais échangés plus que cela, la plupart de leurs conversations avaient été médiatisées par les livres sur lesquels ils s’étaient exprimés, avaient débattus. Ils se voyaient depuis le début de l’année mais au fond ils ne se connaissaient pas tellement. C'était parfait ainsi.  Jusqu’à présent, il avait eu l’impression que le courant de politesse qu’il avait laissé cheminer entre eux avait fonctionné, que le lycéen n’avait pas une si mauvaise opinion de lui que cela. Seito lui avait confirmé, en lui renvoyant cette image « parfaite » de lui-même, celle qu’il accrochait aux yeux des autres pour mieux se cacher. L’idée d’avoir gâché cela lui noua le ventre. « Dis quelque chose… » pensa-t-il en se redressant sur sa chaise, l’une de ses mains venant torturer l’autre sous la table.

Seito finit par mettre fin à ce silence brumeux qui commençait à lui donner des sueurs froides. L’espace d’un instant, Mathéo en eut le souffle coupé. Il s’attendait à une longue tirade qui servirait à l’envoyer sur les roses, à une tentative d’esquive maladroite dans le meilleur des cas ou à une esquive polie dans le moins pire. Pourtant, il ne fut gratifié d’aucune des trois options qu’il envisagea. Seito lui semblait sortir sa réponse d’un chapeau magique. « Tadam ! » dirait le magicien en en sortant un lapin. Le jeune homme avait préféré en sortir un couplet mystique, qui tendit Mathéo sur sa chaise. Qu’est-ce que… Comment ? Pourquoi ?… Que venait-il d’entendre au juste ? Il ne savait pas comment interpréter cette réponse. Etait-ce ironique ? Il n’en avait pas l’impression… Cela lui semblait même… irréalistement -miraculeusement- positif. Son kohai confirma son impression en le remerciant allégrement. « Je… Je t’en prie », répondit Mathéo par reflexe, toujours stupéfait par ce qu’il venait de recevoir. Pour le coup, c’était sans doute T.R.O.P positif, il n’était pas habitué à recevoir ce genre de compliment. Il n’arrivait pas même à y croire. Ses yeux se baissèrent sur ses mains entrecroisées dans l’ombre du dessous de leur table. Heureusement, la remarque de Seito suffit en elle-même à faire redescendre le contentement un peu trop gênant qu’il ressentait et à calmer les battements de son coeur qui manquaient de lui donner des vertiges. Celui-ci ne l’avait pas prévenu avant de se lancer dans un concert fou. Un vague de tristesse s’empara de son regard et en éteignit la lumière. Seconde après seconde, l’emballement de son coeur devînt une tempette de vide. Un trou noir. Si seulement il savait… S’il savait à quel point il ne fallait absolument pas qu’il devienne comme lui.

«… Tu es très bien comme tu es, Seito-kun » ajouta t-il, pensif. « Ne deviens surtout pas comme moi » aurait-il préféré dire. S’il voyait ce qu’il cachait en coulisse, s’il voyait la noirceur de ses désirs et la pollution dans son esprit… S’il sentait la puanteur de son âme et pouvait ne serait-ce que l’effleurer du doigt, alors il n’aurait jamais prononcé ces mots. Devenir comme lui ? Il ne souhaitait une telle malédiction à personne. Il avait accepté d’être le héro de la tragédie grec qu’il écrivait à l’encre de son sang. D’être ce héro qui se mène à sa perte sans l’aide de personne, qui fait tout pour sauver le monde et s’en sortir mais ne voit pas qu’il creuse un peu plus sa propre tombe à chaque exploit. Victime de lui-même.

Non, vraiment… Il ne souhaitait un tel fardeau à personne. « Si tu savais qui je suis vraiment, tu ne pourrais même pas rester assis à côté de moi » pensa-t-il en reposant les yeux sur son Kohai. Seito se disait perdu mais Mathéo se savait condamné. Il était bien au fait de sa condition puisque qu’il avait bâtit sa propre prison, forgé ses propres chaînes et s’y était enchaîné seul. « … J’ai hâte de voir ce que tu deviendras... » dit-il avec un sourire attendrit bien qu’usé, fatigué d’un coeur qui réalisait une énième fois l’état pitoyable dans lequel il était après s’être tant illusionné. La seule et unique chose qu’il pouvait apporter à quelqu’un comme Seito, c’était sa capacité à étudier et croire en ses capacités pour le faire. Pour ce qui était du reste, il n’y avait rien à voir. Rien à offrir, ni même à garder. Ce n’était que du vent. Un vent brûlant et sec dans lequel n’importe qui prendrait le risque de se consumer. « Et puis.. tu te trompes sur ce que je suis... » lui confia-t-il. Jamais des mots n’avaient été aussi lourds de sens dans sa bouche. Il prit une grande inspiration. Puis, pointant son air sérieux sur Seito, il ajouta : « mais la brigade des failles temporelles nous aurait tués tous les deux si tu avais deviné du premier coup. Alors, restons en là pour cette fois. Fais moi juste confiance. ». Il le gratifia d’un clin d’œil complice.

Cela ne servait à rien de déprimer. Il avait plus important à faire. Rentrer dans le jeu de Seito était un moyen comme un autre de dédramatiser la situation. Pour une fois, il pouvait montrer au moins un pourcent de lui-même. Même si c'était éphémère, même si ça ne résidait qu'en un clignement de paupière. Il devait bien y avoir au moins un pourcent qui n’avait pas encore pourri. Celui qui restait sauvegardé grâce aux pouvoirs magiques de sa sœur Anna, celui qu’elle préservait en lui offrant la possibilité d’être presque lui-même de temps en temps. Bien sûr, il regretta aussitôt, se sentant complétement idiot.




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Mar 28 Fév 2023 - 21:20
SAMEDI 6 JANVIER 2018



Seito use des compliments de la même manière qu'il ferait des câlins. Comme si son corps, plutôt que de se séparer de son aspect tactile, avait effectué le transfert dans ses mots. Il n'est jamais avare d'éloges et peut même se targuer de les délivrer avec sincérité. A aucun moment il ne pense à mal, aussi il lui est impensable que l'autre le perçoive de manière négative. Mieux encore, cela lui vient tellement naturellement que bien souvent il ne réalise pas la teneur de son compliment et de ce fait, il n'en est nullement gêné. Même s'il finit tout de même par se rendre compte de l'embarras du senpai. Et c'est à son tour de se demander s'il est allé trop loin. Cependant, il aimerait réellement lui ressembler. Ses parents seraient ravis d'avoir un bourreau de travail comme lui. Être le cador de sa promo lui assurerait une qualité de vie inégalée. Sans mentionner le fait qu'il n'aurait jamais plus à se soucier de savoir si sa sœur peut faire mieux car il aurait déjà atteint le mieux.

Alors seulement il pourrait s'allier à cette douce philosophie qui consiste à prendre la vie comme elle vient et à s'accepter peu importe le regard des autres. Comme c'est naïf. Et pourtant si beau. Ses yeux retournent à la contemplation rassurante de son stylo. Seito n'en croit pas un mot. Il ne se braque pas, néanmoins son visage se ferme. Takahashi fait fausse route. Être très bien comme il est ? Quelle douce utopie. Comme si l'enfer était pavé de bonnes intentions. Le bien ne triomphe dans aucun scénario de son histoire pathétique. Une histoire dont il n'est même pas le héros. Il aurait au moins pu être le side-kick, ce personnage comique mais attachant dont le soutien sans faille et l'énergie sans pareille aident le héros à surmonter toutes les épreuves. Mais non, il avait fallu qu'il se la joue mélodramatique. Qu'il épouse le noir jusque dans son âme et qu'il passe la bague au doigt du chaos. Tout plutôt que de rentrer dans le rang.

Briller, même pour les mauvaises raisons, et semer la destruction sur son passage. Se draper d'indifférence jusqu'à tremper dans l'insolence. Seito en est devenu le méchant. Le monstre caché sous le lit dont on craint les griffes sur les pieds hors de la couverture. Il est le grand méchant loup dans la tanière du mouton. Et, même après avoir montré patte blanche, il n'est pas certain de pouvoir se contrôler. Et si ses crocs venaient à quémander de la chair fraîche alors qu'il se persuade d'être végétarien. Et si son instinct subversif réclamait du sang alors qu'il doit se tenir éloigné de tout drama. Et si... Bordel, il doit arrêter d'y penser avant que la machine s'enraye et qu'il ait la possibilité de constater depuis combien de temps le disque est brisé. Mais s'il n'est pas lui et que Takahashi l'est, alors Takahashi est-il lui-même lui ? Sans relever les yeux, il tente une réponse :

« Soit t'es mon moi du futur, soit j'suis ton toi du passé. Dans tous les cas, j'ai l'impression de m'retrouver dans c'que tu dis comme si... »

Mais ne parvient pas à la conclure. C'est trop étrange comme parallèle. Presque insensé. Le japonais a envie de lui poser tout un tas de questions sauf qu'il craint d'être mal reçu. Si l'étudiant n'en a jamais parlé jusqu'à présent, quand bien même il n'en aurait jamais eu l'occasion, c'est sans doute parce qu'il n'en est pas fier. Autant Seito délivre plutôt facilement cette information sur son parcours scolaire, autant il comprend les zones d'ombre qu'il est bon de préserver autour de sa personne. Cependant, au vu de l'honnêteté de son interlocuteur, il ressent le besoin de clarifier à son tour le préjugé dont on l'affuble. Il sourit au clin d’œil du senpai et secoue la tête de droite à gauche.

« Tu te trompes aussi sur ce que je suis. » Même si c'est plaisant de l'entendre. « Je suis pas très bien comme je suis, sinon mes notes et tout c'qui va avec poseraient pas problème. Et j'ai bien une idée de c'que j'veux devenir mais mes parents ont pas le même avis sur la question. »

Manipuler des chiffres ou des lettres ne devrait pas interférer dans son bonheur du moment qu'il manipule quelque chose. Alors pourquoi diable son père s'obstine-t-il à dénigrer sa passion ? Sans pour autant le surnommer gratte-papier comme sa tante, il n'en reste pas moins dubitatif sur ses talents littéraires. Mais comment pourrait-il le savoir alors que le lycéen ne leur a jamais rien fait lire ? En parlant de lecture, Seito a soudain une idée. Il débouche son stylo et prend un ton catégorique pour déclarer :

« Tu sais quoi ? On pourrait aussi se réinventer ! Être tous les deux quelqu'un d'autre. Après tout, ça sert à ça le multivers. Et de savoir écrire ! Qui tu voudrais qu'on soit, t'as une préférence ? »

Une idée lumineuse ne venant jamais seule, au grand dam de ses connaissances, ses yeux pétillent d'une folie enfantine alors qu'il s'exclame :

« Oh mais avant, y'a un test à passer ! Celui qui déterminera si on a une vraie connexion temporelle. Genre LE test ultime. »

Il n'attend pas d'approbation et déjà il se penche vers son sac, mollement avachi contre le pied de la table. Des bruits d'emballage se font entendre, qu'il essaye de contenir dans la mesure du possible. Et finalement, il les trouve !

« Je comptais les manger tout seul mais c'est encore mieux de les partager. » commente-t-il en se redressant.

Une pluie de bonbons emballés s'échoue sur la table, créant un pont entre eux. Un sourire s'empare de ses lèvres alors qu'il plonge son regard amusé dans celui de Takahashi.




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Jeu 2 Mar 2023 - 4:14

Le temps fond aussi vite que du sucre sur la langue

Samedi 6 Janvier - 14h

Le pouvoir qu’un parent pouvait avoir sur son enfant figurait au plus haut de la liste des choses que Mathéo arborait le plus. La confidence de Seito éveilla donc le volcan de colère qui dormait profondément en lui, il ne put s’empêcher de froncer le nez en l’entendant. « On s’en fiche de ce que tes parents pensent, fais ce que tu veux » aurait-il aimé répondre à son Kohai. Il ne comprenait pas. Pourquoi certains parents ne pouvaient-ils s’empêcher d’être une nuisance pour leur enfant ? Qu’est-ce que cela pouvait bien leur faire ce que leur progéniture souhaitait faire de leur vie ? Ils avaient eu la leur, elle était toujours en cours, ils vivaient des merveilleux choix qu’ils pensaient avoir tous menés. Alors pourquoi ? Se vengeaient-ils de leur propre impuissance, de leurs propres échecs ? Aucun humain ne naissait sur terre de son propre chef, chacun d’entre eux venait au monde par la force des choses, sans qu’on ne leur demande leur avis. Ne pouvaient-t-ils pas au moins choisir comment et pourquoi ils continueraient à vivre ensuite ? Vraiment, il ne comprenait pas. Une mer de colère jaillit en lui et il du garder les yeux rivés sur ses mains pour ne pas en montrer l’horizon à Seito.

La confidence de Seito lui rappelait aussi sa propre impuissance à se soulever contre l’autorité parentale, à s’échapper de l’emprise de leurs décisions et à subir le poids de leur incompétence. S’il avait pu se dire ça à lui-même… « ne les écoute pas, fais ce que tu veux, crois en toi », sa vie aurait sans doute été bien différente. S’il avait pu envoyer balader ses parents jusqu’au bout, ne pas donner de crédit à leur opinion, il serait déjà en France. Et, là bas, il aurait été heureux. Là bas, il aurait pu être lui-même. Bien plus qu’en restant au Japon en tout cas. Il n’aurait pas eu à redouter le moment où il ne pourrait plus tenir en apnée, enfermé dans son propre enfer, incapable de respirer. Ses parents ne savaient rien de lui, ils n'avaient jamais été là. Ils ne connaissaient même pas ses goûts et encore moins ses aspirations. Sa grand-mère, qu'il avait seulement rencontré en déménageant au japon à l'adolescence, le connaissait mieux qu'eux. Et pourtant, il avait bu leur inquiétude, leur défaitisme et leur pessimisme, et il avait prit peur. Il les avait écouté, il s'était soumis à leur volonté en venant à Kobe. Il avait abandonné ses rêves par peur de finir comme eux, en looser.

Il s’abstint de répondre quoique ce soit à son Kohai. Il n’avait aucune légitimité à remettre ses dires en question et encore moins à l’encourager à faire différemment. Son coeur en brûlait d’envie mais sa raison le tenait en laisse, tel un garde fou. S’il était à la place du lycée, il n’aimerait pas non plus qu’un quasi inconnu vienne lui dire quoique ce soit d’encourageant à ce propos. Il ne voulait pas non plus donner l’impression qu’il ne comprenait pas en sous-estimant le poids de la difficulté de sa situation. Mieux valait donc garder le silence, même s’il faisait mal tant l’entièreté de son corps voulait protester. Rien ne devait transparaître, pas une once d’émotion, pas même un trait évocateur de sa colère. Il s’obligeait à rester plus impassible que jamais.

Lorsque Seito lui proposa de se réinventer, il eut à se repasser en boucle quelques secondes sa proposition pour la comprendre. Il n’avait pas tellement le coeur à plaisanter… Il n’était pas non plus le meilleur partenaire pour jouer et imaginer des mondes parallèles. Rêver, cela ne lui était pas autorisé. C’était retrouver l’espoir, c’était souffrir davantage. Il se l’interdisait.

Pourtant, l’engouement du lycée le touchait. La lueur innocente et naïve qui traversa son regard mis fin au risque d’erruption volcanique qui menaçait ses organes et son calme. Son corps se détendit, appaisé par l’amusement enfantin de Seito. « Comment est-ce que tu fais ? » aurait voulu lui demander Mathéo. Comment faisait-il pour sauvegarder cette part de lui malgré les angoisses et obstacles qu’il devait traverser ? Il prit une profonde mais discret inspiration. Cette lumière qu’il laissait à voir, elle l’appelait dangereusement.

« Un test ?... » demanda-t-il en jetant un œil rapide sur l’écran de son ordinateur. Il était venu à la bibliothèque pour étudier. Il ne lui semblait pas raisonnable de se détourner autant de son but. Malheureusement pour lui, Seito avait une attaque spéciale pour le vaincre. Une pluie de bonbons ruissela sur la table, ne manquant pas d’attirer son attention. Ses yeux cherchèrent ceux de Seito, aiguisés, prêt à le capturer du regard. « Tricheur » pensa-t-il. Le sourire timide qui se dessina sur ses lèvres avoua sa défaite. Si des sucreries étaient en jeu, il ne pouvait plus gagner. C'était un échec et mat.

« … Je peux… vraiment en prendre un ? » demanda-t-il en s’avançant prudemment vers la table pour observer les fameux vainqueurs.  Ses yeux jonglèrent entre les différents emballages. S’il devait choisir, il en était incapable. Il connaissait très bien ces derniers et aimait beaucoup trop chacun d’entre eux. Il se mordit la lèvre en réfléchissant. Le volcan n’existait plus et son coeur recommençait à s’emballer dans sa poitrine. Il se fit remarquer à quel point cela était ridicule. Des sucreries ne pouvaient décemment pas effacer tout le poids qui lui engluait le corps, ni réchauffer son cœur en si peu de temps ! Et pourtant…

Dans l'un de ces derniers moments de lucidité, il se recula sur sa chaise. « Je t’assure que ce n’est pas raisonnable. Si j’en mange un, je ne pourrais plus m’arrêter. » confessa-t-il, un peu gêné. Et comme pour plaider davantage coupable, il éloigna son carnet de sur son sticker « Candies addict » et désigna ce dernier du menton. Il avait désespérément tenté de le cacher en arrivant, mais si Seito devait découvrir son addiction aux bonbons, il pouvait partager un peu de honte en supplément, il ne serait plus à cela prêt. « Si j’étais dans un monde parallèle, je serais sans doute le Roi d’un pays entièrement fait de sucre. Je serais une sorte de Willy Wonka. Mon château serait construit en pocky, caramel, Watagamu et nougats. Les portes seraient en sucre d’orge et les routes seraient fait en konpaitô. Les meubles en bonbons Haribo et mochi Daifuku. Sauf mon lit et mon trône, là ce serait du Yokan.» se surprit-il à plaisanter. « Il y aurait des mers de ramune, des lacs et rivières de flancs. Des forêts de réglisse et des fleurs en bonbons à la violette et en arlequins. » ajouta-t-il en s’accoudant à nouveau sur la table, un sourire idiot sur la face. C’était stupide mais étonnement plus facile qu'il ne le pensait, et ça ne le dérangeait pas tellement pour une fois, de se sentir un peu bête. Il posa un regard prudent sur Seito, c'était tout de même étrange, il avait peur de s'y brûler les ailes. Un sourire timide s'installa pourtant aux coins de ses lèvres. Parler de sucreries lui faisait oublier ses émotions en vrac et son surmoi qui lui hurlait d’arrêter les conversations inutiles et de se mettre sur son étude de poème. « Mais, je ne sais pas si tu connais le nougat, les bonbons à la violette et les arlequins ? Ce sont des bonbons français. Si tu es sage, je t’inviterais peut-être dans mon royaume pour les goûters».




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Jeu 2 Mar 2023 - 22:30
SAMEDI 6 JANVIER 2018



Balayées les angoisses, au placard les parents. Place au concret, à la matière première d'une vie rondement menée, à la dynamite sous le palais ! Seito n'est pas peu fier de son introduction. Même s'il affiche une mine réjouie, il ne peut s'empêcher d'être un brin fébrile. Comme s'il jouait sa vie ici et maintenant. Impossible de savoir comment réagir si Mathéo passe le test avec brio. Toujours est-il qu'il remarque l'intérêt que les bonbons suscitent. Et c'est un premier bon point pour le senpai. Le sourire de Seito s'agrandit alors que l'étudiant considère ses options. Sauf qu'il en demande trop, ce que ne manque pas de lui faire remarquer le japonais.

« Je peux pas te dire. Ça fait parti du test. »

Tout l'intérêt de cette expérimentation est de déterminer leur pourcentage de ressemblance. Et quoi de mieux que des sucreries pour comparer leur séquençage d'ADN ? De ce fait, il ne l'invite pas à se servir. Cependant, il ne le quitte pas un seul instant des yeux et son regard suit lentement le même parcours à mesure qu'il inspecte les différents emballages. Seito n'est pas difficile en nourriture et les bonbons ne font pas exception à la règle. Il y a donc pléthore de goûts sur la table, piquant ou pas, goût chimique à carrément nucléaire. Il suffit de nommer une couleur et aussitôt le choix est fait.

Et alors que l'étudiant semble en proie à l'indécision, Seito est pendu à ses lèvres. Lèvres que le brun aspire entre ses dents et qui plonge le japonais dans un tourbillon de ravissement. Son cœur rate un battement. Et il doit se faire violence pour couper court à cette contemplation indiscrète. Fort heureusement, le mouvement de recul de son camarade l'aide à faire de même. Le regard rivé sur les bonbons, Seito finit immanquablement par revenir s'échouer sur le brun que la raison étouffe. L'illumination le frappe de plein fouet. Soudain ses iris se constellent d'une joie indicible et sa main sur sa bouche, il contient ses gloussements.

« Pas besoin d'aller plus loin, t'as réussi le test haut la main. Tu peux prendre n'importe lequel, plusieurs même ! »

Son regard accroche le sticker que l'étudiant dévoile avec un intérêt non dissimulé. Incroyable. Ils auraient véritablement tant de points en commun ? Alors qu'il s'apprête à le taquiner sur l'affichage public de ce péché mignon, Seito est projeté dans un univers imaginaire fascinant dans lequel Takahashi l'emporte avec passion et moult descriptions. L'imagination du lycéen étant fertile, il ne lui faut pas plus de quelques secondes pour sauter à bord de ce transbordeur temporel et contempler le paysage sacchariné qui se dessine sous ses yeux fascinés. Les coudes plantés sur la table, son menton vient se caler sur ses poings fermés, le positionnant ainsi aux premières loges d'une épopée grandiose. L'eau lui vient à la bouche.

Connexion astrale établie.

Veuillez ne pas faire de mouvements brusques sous peine d'effrayer le troupeau de sentiments qui se repaissent de vos battements de cœur. Évitez aussi de hausser la voix ou vous risqueriez d'être repéré par la meute des convenances. Elles auraient tôt fait de vous faire perdre la raison à vous souffler le droit chemin qu'elles ont tracé pour vous. Dernier conseil et pas des moindres, veuillez garder, en TOUTES circonstances, vos mains bien à l'intérieur de la nacelle temporelle. Il serait regrettable qu'une de vos mains soit effleurée par le poil soigneux de la badinerie ou PIRE, mordue par le serpent de l'amour.

Ce sourire que lui offre le senpai est plus beau encore que les paysages idylliques qu'il dépeint, plus goûteux que toutes ses confiseries qu'il énumère, plus stimulant que l'effervescence suscitée par l'ingestion d'une telle quantité de sucre quotidienne. Ce feu, il l'a déjà expérimenté. La rivière devient torrent et inonde son cœur d'une terrible nouvelle. La guerre du dorayaki s'était soldée par le même échec. Une désertion pure et simple du capitaine, quel qu'il soit, ne pouvant mener qu'à la perte inéluctable du navire. La proposition est jetée à la mer comme une bouée. Il s'y agrippe si vivement qu'il laisse échapper, son regard charbonneux plongé dans le regard noisette de Takahashi :

« Arlequin, clown, bouffon du roi... Du moment que j'peux être dans ton royaume, tout me va...  »




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Sam 4 Mar 2023 - 20:36

Le temps fond aussi vite que du sucre sur la langue

Samedi 6 Janvier - 14h

Ses lèvres s'entrouvrirent, prêtes à laisser s’échapper un son de surprise ou une boutade défensive qui lui laisserait l’occasion de fuir. Néanmoins, il fut bien incapable de dire quoique ce soit, bâillonné par le regard saillant de Seito. Il se laissa capturer par ses yeux bruns. Entièrement, morceaux après morceaux, jusqu’à en oublier sa propre existence. Le temps lui sembla tirer sa révérence.

Il ne comprenait plus rien. Surtout rien de ce qui était en train de se passer. Un coup de tonnerre gronda à l’intérieur, résonnant dans chacun de ses membres. L’électricité qui s’en dégagea lui fila le long de l’échine, parsemant sa peau d’une pluie de frissons qui en plus de lui couper le souffle, lui souleva tous les poils du corps. Depuis quand parler de sucrerie avec quelqu'un provoquait-il un tel effet ? Il se supplia de répondre quelque chose. Il devait s’échapper du regard hypnotisant de son Kohai. C’était bien trop pour lui. Trop étrange, trop surprenant, trop incongru, trop puissant, trop plaisant…. et la liste pouvait encore s’allonger. S’il ne réagissait pas, il craignait que celle-ci ne finisse par tomber jusqu’aux enfers.

« … Si je l’invente… je peux en faire ce que je veux, pas vrai ? » demanda-t-il, les yeux aimantés aux siens, incapable de s’en détacher malgré les battements paniqués de son coeur. Il était temps de quitter cette conversation, il lui fallait trouver le courage de rompre le contact, celui que ses yeux lui imposaient malgré lui et qui lui semblait plus intime qu’une caresse. Ce qu’il ressentait dépassait tout entendement, toute logique, il ne pouvait l’accepter. C’était quelque chose de différent, de plus effrayant encore que tout ce que sa libido avait pu lui faire ressentir à la vue et au contact des hommes et camarades qui avaient finit par hanter ses nuits. Ce n’était ni du désir ni de l’envie et il était certain que la chaleur qui l’étouffait de l’intérieur n’était pas provoqué par une quelconque excitation. C’était le fruit des efforts effrénés de son pauvre coeur, qui roulait tellement des mécaniques qu’il en venait à surchauffer et lui en faire bouillir le sang. Ce n'était pas non plus de ses désirs contre lesquels il pouvait se défendre. C'était lunaire, indescriptible... incompréhensible et cela le terrorisait presque autant que ça lui plaisait. "C'est Seito. Tu sais ? Ton kohai du club de littérature. Celui qui ne t'a jamais fait cet effet là jusque là ! Qu'est-ce qui t'arrives ? Reprends toi." tenta-t-il de se raisonner.  Force était de constater que cette chaleur qui se répandait jusqu’à en conquérir tout son intérieur et qui lui laissait le ventre papillonnant l’empêchait de réfléchir convenablement.

Il se sentait envoûté, appelé par les sirènes baignant dans les eaux sombres des iris de son Kohai. « Je peux choisir les règles donc... Rien ne nous empêche d’être deux Rois.. » osa-t-il, surpris lui-même de la facilité avec laquelle ces mots venaient de glisser sur sa langue. C'était complétement fou comme cet exercice d'imagination pouvait être confortable.

Qu’est-ce… Qu’est-ce qu’il racontait ??

Qu’est-ce… Qu’est-ce qu’il imaginait ?!

Il se mit une gigantesque claque mentale. De quoi le chambouler suffisamment pour qu’il éloigne ses yeux de leur emprise. Ces derniers trouvèrent refuge sur le lit de bonbons laissé sur leur table et il y plongea la main pour en prendre un au hasard. L’heure n’était plus au choix, elle était suffisamment grave comme cela. Pour s’en tirer, il lui faudrait s’en remettre à sa foi, croire pour pouvoir. Il se mordit nerveusement la lèvre inférieur en délestant sa prise de son emballage. « Je veux dire... qu’on peut se le partager, non ? On est jamais assez pour gérer un royaume. » ajouta-t-il pour se dédouaner et ramener un peu de réalité à cette expérience spatio-sensorielle plus que paranormal. Il jeta la boule de sucre collée entre son pouce et son index dans sa bouche et la fit tourner sur sa langue. Il avait eu un bonbon acidulé. Le hasard faisait bien les choses.

L’effervescence de goût et l’explosion de ses papilles provoqué par l’acidité ressemblait profondément à ce qu’il ressentait. Il se rassura en rappelant que l’effet serait passager, tout comme la sensation qui l’envahissait. Il ne pouvait en être autrement, il allait bien finir par se calmer. D’ailleurs, il avait toujours un poème à analyser et plusieurs heures d’études à faire. Il finirait sauvé par le travail si son corps ne se reprenait pas de lui-même.

Au moins, il lui semblait que le temps se relançait enfin. « Qui s’y frotte s’y pique » pensa-t-il. Et ce proverbe français n’eut jamais autant de sens qu’aujourd’hui. Si ce n’est qu’il ne savait pas exactement à quoi il venait de se frotter. Il ne pouvait que constater les dégâts, qu’il en ressortait piqué, placardé de piqûres même. C’était aussi agréable et désagréable que l’acidité sucrée de son bonbon.




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Mer 8 Mar 2023 - 22:32
SAMEDI 6 JANVIER 2018



Le temps n'a plus de repères dans ce parallèle doucereux. Les secondes s'égrainent comme autant de pépites de chocolat tandis que les minutes s'étalent comme de la pâte à sucre.

Et au beau milieu de ce chaos sucré, Seito.

S'il était un bonbon, il serait particulièrement acide. De ceux qui, dès qu'ils sont en contact avec la langue, vous font froncer la bouche et crisper le visage. De ceux que l'on appelle bonbon mais qu'aucun enfant n'apprécie. De ceux encore qui traînent au fond d'une jarre et s'emmitouflent de poussière pour mieux cacher la honte de ne pas avoir été choisi. Seito est un jeune adulte inconscient de son potentiel. A qui l'on a rabâché pendant des années qu'au vu de son comportement il ne ferait jamais rien de bien de sa vie. Et qui s'est persuadé que sa vie ne valait de toute manière pas le coup d'être vécue. Qu'il n'était qu'un parasite à éradiquer, une tâche à effacer, un meuble à donner.

Alors, dès l'instant où qui que ce soit lui accorde un peu de crédit ou se contente de reconnaître son existence, une chaleur enivrante se répand dans sa poitrine et réchauffe son cœur. Et plus il y goûte, plus il a envie d'y retourner. Surtout depuis que ses parents se sont montrés si avenants. A croire qu'il y a anguille sous roche. Mais il refuse de plonger dans ces ténèbres. Parce qu'elles confirmeraient ce qu'il craint le plus au monde. Les tâches de lumière ont clairsemé le noir de sa colère et l'idée-même de s'enfermer à nouveau dans un froid polaire l'effraie. Il n'est plus aussi réfractaire aux marques d'affection. Toujours surpris, il ne peut le nier, mais beaucoup moins véhément.

Deux rois ? La proposition chemine bon gré mal gré dans ses synapses jusqu'à atteindre le point névralgique de la compréhension. Et la première conclusion est naïvement formulée. C'est insensé ! Il ne peut y avoir deux rois pour un royaume. Un régent à la rigueur en attendant que le roi soit en âge de gouverner, mais de deux prétendants au trône ne résulterait qu'une guerre utérine dont l'issue serait actée par la mort de l'un d'entre eux. Tout du moins, c'est ce que narrent tous les livres d'histoire qui les entourent. La confusion calfeutre son regard jusqu'à l'épiphanie. Un court-circuit puis la flamme devient incendie. Serait-ce un sous-entendu ? Il n'a jamais été doué pour ces choses-là. En partie parce qu'il ne s'en est jamais soucié.

Non, c'est impossible. Cela induirait que Takahashi aime les garçons. Et de fil en aiguille, que Seito ne les trouve pas repoussants non plus, si tenté qu'il relie les points sur son tableau de déduction. Mais n'est pas Sherlock Holmes qui veut et il est déjà bien assez troublant de s'envisager roi au côté du roi. Mieux vaut ne pas poursuivre les réflexions sous peine de se casser la dent sur la fève. Ni se focaliser sur les battements endiablés de son cœur. Ni même imaginer qu'il pourrait avoir une relation plus intime que simple kohai et senpai. C'est forcément comme cela qu'il est vu. Un deuxième année un brin invasif mais pas méchant. Anciennement turbulent mais qui rechute trop souvent. Profondément troublé par la vie qu'il mène mais pas troublant pour un sou.

« O-ouais... Il paraît que je suis doué pour la paperasse. » répond-il timidement.

A défaut d'être roi, il peut occuper le poste de gratte-papier. Ainsi la boucle sera bouclée. Seito voit dans les bonbons le repli stratégique auquel se livre l'étudiant et accueille la tactique de dissimulation avec un certain empressement. Cela ne sera sans doute pas suffisant pour endiguer l'embrasement de ses joues. Pourtant, ce n'est pas une mais deux sucreries aux prunes qu'il ingère. Le fou. L'acidité lui décape la bouche, conférant enfin une logique à l'affolement de son corps. La mâchoire crispée, il ferme la paupière droite. Ce mouvement seul ne suffit pas à contrer l'attaque gustative mais a le mérite d'être drôle vu de l'extérieur. Un frisson ébranle sa frêle silhouette alors qu'il reprend doucement contenance à mesure qu'il s'habitue à cette chaleur buccale. Et pour clôturer le spectacle, il énonce l'évidence :

« Wow, ça arrache. Deux, c'était p't'être trop. »

Mais deux rois, non ? Oh bon sang, que cette petite voix assassine se taise. Le lycéen noie l'incendie sous un torrent glacé de bon sens qui a le mérite – ou le désavantage – de lui remettre les idées en place. Il se mord la lèvre et souffle, tout penaud :

« J'vais p't'être te laisser bosser au fait... Pardon si j'suis chiant, faut m'le dire si j'm'arrête pas. J'pourrais continuer à parler de ton royaume pendant des heures mais j'veux pas qu'tu m'en veuilles de te retarder dans tes révisions. »

Son regard se pose sur son manuel de mathématiques et il soupire.




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Jeu 16 Mar 2023 - 21:54

Le temps fond aussi vite que du sucre sur la langue

Samedi 6 Janvier - 14h

Il déposa un regard timide sur Seito, préférant choisir le silence. Il aurait aimé relancer les négociations quant à son rôle de Roi dans ce royaume imaginaire qu’il lui proposait. Seulement… cela ne lui semblait plus approprié. Il ne savait pas quelle mouche l’avait piqué pour qu’il se sente pousser des ailes au point de s’imaginer partager un royaume – tout aussi imaginaire était-il – avec lui, mais ce dont il était néanmoins certain, c’était que s’il ajoutait ne serait-ce qu’un mot à la réponse de son Kohai, il prendrait le risque de tout gâcher. Il ne savait trop quoi mais il en était convaincu. Toutes les bonnes choses étaient censées avoir une fin.

Il se sentait déjà suffisamment stupide. Lui et ses joues roses, lui et son coeur battant, lui et ses papillons dans le ventre. Depuis quand s’était-il transformé en héroïne de Shôjo ? Il s’affligeait lui-même. Seito avait accepté d’être le second Roi d’un royaume inventé sous un coup de folie, dans un chantier d'imagination dont Mathéo n’avait même pas le permis de construire. Il se contentait de lui donner le change, de participer à la conversation. Ce n’était ni une confession, ni une ouverture, ni de la drague, ni rien d’autre du tout. C'était encore lui et son cerveau à l'envers qui y voyaient plus de sens ou plus de subtilités qu'il n'y en avait en réalité. Il ne comprenait vraiment pas pourquoi son corps en faisait toute une histoire. Depuis quand est-ce qu’il se sentait intimidé par son Kohai ? En l’observant manger ses bonbons, Mathéo se demanda pourquoi il lui semblait voir le jeune homme pour la première fois. Depuis le temps qu’ils échangeaient au club de littérature…

On ne développe pas un intérêt soudain pour quelqu'un que l'on connait déjà depuis des mois. Cela n’avait aucun sens.

La drôle de tête que lui servit Seito en dégustant ses deux bonbons lui piqua à nouveau le cœur avec son poison. Peu importait le sens. Peu importait le ridicule. L’effet ne durerait pas et s’il était aussi éphémère qu’une barbe à papa plongée dans l’eau, il lui fallait en profiter le peu que cela durerait. Il se mordit l’index gauche pour masquer son sourire et bloquer toute possibilité d’un rire. La bibliothécaire semblait tolérer leurs murmures pour l’instant mais elle ne tarderait pas à perdre patience si elle les entendait rire. Il eut envie de le charrier pour pousser les choses encore plus loin et avoir le droit à de nouvelles expressions peintes sur son visage. Il le trouvait mignon.

Il n'en eut pas le temps. Contre toutes attentes, Seito les rappela à leurs tâches scolaires, privant Mathéo de toute envie de rire. Son Kohai n’avait pas tord, ils devaient se remettre au travail... Il s'en voulu de ne pas avoir été le premier à leur rappeler le cadre de leur présence ici. C'était son rôle normalement.

Ses yeux se posèrent sur son ordinateur tandis qu’il fourrait un bonbon mou au raisin dans sa bouche. Le problème était qu'il n’était plus tellement motivé pour travailler désormais. Il se sentait suffisamment bien pour espérer avoir quelques minutes de répit supplémentaire, un peu plus de dégustation sucrée partagée. Bien que l’idée ne le rassurait pas tellement. Si Seito était désormais capable de le détourner de son travail, il n’en devenait que plus dangereux.

Le silence s’installa entre eux. Il eut du mal à s’en contenter. Alors, il le brisa. « Tiens... » glissa-t-il en laissant traîner un bonbon au Litchi jusqu’à ce dernier, sans décrocher ses yeux de son écran. « … ça passera mieux si tu en prends un doux derrière. Tu vas t’irriter la langue sinon ». Il savait qu’il le regretterait sans doute mais il ne put s’empêcher de tourner la tête vers lui à nouveau. Maintenant qu’il était lancé, il en voulait définitivement plus. « … Tu ne me déranges pas. On peut discuter encore un peu. 10 minutes ? Tu ne m’as pas dit ce que tu serais, toi, dans ton monde imaginaire... ». Il se surprit même à moyenner sa compagnie : « Je peux t'aider avec tes maths si tu veux après ? ». Les mathématiques n’avaient jamais été ses grands amis, cela avait été un bonheur immense que de s’en débarrasser à l’université, mais il était prêt à se sacrifier.




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Jeu 16 Mar 2023 - 23:56
SAMEDI 6 JANVIER 2018



C'est amusant tout de même cette propension qu'a son corps à réagir de manière excessive aux attentions qu'il reçoit. Et il est d'autant plus fascinant d'observer que ses réactions s'accentuent dès lors qu'elles sont provoquées par les attentions d'un garçon. Comme toujours, Seito n'y prend pas garde. Ou s'il en a conscience, il trouve des milliers d'excuses à ce phénomène électro-magnétique qui dévale sa nuque, hérissant méthodiquement le duvet qui recouvre sa peau. Bien qu'il sache pertinemment que les mathématiques ne sont en aucun cas la cause d'une telle excitation, il s'embarque dans la théorie de la découverte. D'une amitié devenue possible entre ce senpai et lui. Cet étudiant inatteignable, gentil, c'est indéniable, mais terriblement distant. Seito se savait impertinent. Son attitude avait par trop souvent dérangé. Alors quand venait s'ajouter une opinion détartrée, plus aucune attache ne le restreignait et il se sentait plus libre que jamais. Une douce utopie que peu de ses camarades souhaitaient partager à ses côtés.

Sauf quelques perles, savamment cachées entre deux morceaux de coquille où ses doigts maladroits s'étaient écorchés, tremblotant de cette peur débilitante de ne pas suffire. Pire que ça, de ne jamais plaire à qui que ce soit. Mais alors qu'il pensait à mal, son regard avait été happé par leur éclat laiteux. Il les avait récupéré l'une après l'autre, tessons sphériques d'étoiles aux reflets kaléidoscopiques. Dans sa paume elles irradiaient d'une chaleur apaisante. Seito comprenait le concept, y avait goûté étant enfant. Mais il était à présent presque un homme et l'idée-même de se faire des amis à cet âge lui paraissait incongru. Comme si l'amitié ne pouvait être tissée qu'à partir de bobines enfantines et qu'après chaque année s'ajoutait une rangée de mailles. Seules les moires savaient ce qui se tramait et les voilà riant sous cape, insufflant de la témérité à ce senpai que le travail attirait inconditionnellement d'ordinaire.

Ses sourcils se soulèvent, traçant la route à son regard absent dont la vitalité s'empare dès lors qu'il croise à nouveau celui de Takahashi. Cette bienveillance à son égard le touche plus que de raison. Sans le savoir, ce bonbon au litchi devient un token d'amour. S'il n'était pas déjà à terre, la suite le désarçonne proprement et il mange la poussière sans sourciller. Tambour battant, un sourire ingénu ravage ses lèvres. Un regard sur le bonbon, sa main comble la distance, inconsciente du danger que la vitesse du mouvement pourrait induire. Le contact le scie. La pulpe de ses doigts effleure ce corps étranger, ose en apprécier la douceur jusqu'à ce que la conscience de cet accident ne le frappe. Ses doigts se rétractent, tentacules d'une pieuvre craintivement tactile. D'encre rouge, ses joues en sont tachées. Un instant, il hésite à refuser le présent mais revient à la charge tout aussi promptement, persuadé que cela jetterait un froid supplémentaire entre eux.

« Pardon. » Il marque un temps d'arrêt. Reprenant ses esprits tant bien que mal, il ajoute précipitamment en inclinant la tête : « E-et merci beaucoup. »

Le bonbon trouve refuge dans sa bouche et assure qu'il ne se décrédibilise pas plus. Un ange passe. Par habitude, l'humour est un rempart efficace à la gêne alors il rebondit rapidement, ne souhaitant pas donner plus de place à cette tornade d'émotions qui menace d'emporter tout espoir de raison. Calant la sucrerie contre sa joue, Seito reprend la parole :

« Bien sûr qu'on peut discuter. Dix minutes, pas plus par contre parce que tu comprends, j'ai un agenda super chargé et j'ai déjà fait déplacer des tas de rendez-vous importants à ma secrétaire aujourd'hui. A force, elle va m'en vouloir et elle va démissionner comme la précédente. Mais... »

L'amusement plaqué sur son visage d'idiot, ses doigts reviennent jouer avec le stylo qu'il avait abandonné plus tôt, tapotant distraitement le bouchon contre la table.

« … j'en ai p't'être pas besoin si tu m'aides avec mes maths. »

Lentement, son sourire se fait plus appuyé alors qu'il capture – ou se fait capturer par – le regard du brun. De la franchise il en a fait sa force. Il lui est donc naturel de formuler le fond de ses pensées à voix haute.

« Tu sais qu'en début d'année, j'ai eu trop du mal à te parler. T'avais l'air si sérieux... j'avais l'impression de t'emmerder à chaque fois. Pas vraiment qu'on pourrait jamais s'entendre mais qu'on était trop... différents. »

Le stylo se fige. Seito hausse les épaules comme s'il venait d'énoncer une vérité anodine. Et c'est tout aussi banalement qu'il complète, toujours souriant :

« Mais j'suis content de m'être trompé ! »




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Mar 21 Mar 2023 - 21:46

Le temps fond aussi vite que du sucre sur la langue

Samedi 6 Janvier - 14h

Le sourire de Seito relança le feu ardant qui avait flamboyé dans son cœur quelques minutes plus tôt. Il était beau. Il réparait à lui seul des années de sécheresse lourdement subies par cet organe qu’il n’avait que trop longtemps mis de côté. Celui qui était censé briller, illuminer celui d’une autre personne. Celui qui était censé vibrer et le faire se sentir l’homme le plus heureux de la terre, invincible. Cet étonnant organe de l’amoureux dont les raisons étaient ignorées de la Raison elle-même et qu’inlassablement les humains se prêtaient, espérant trouver la personne qui le garderait précieusement et en prendrait le plus grand soin, quitte à se tromper et le récupérer en pièces. Lui, ne s'amusait pas à ce jeu de prêteur sur gage. Il ne l’avait jamais pu. Son coeur était resté une forteresse infranchissable, impénétrable, entouré de murailles plus épaisses et plus grandes que celles de Chine. Il avait prit soin de ne laisser aucune possibilité au prince charmant de l’atteindre. Quiconque s’y frotterait se perdrait dans un labyrinthe des plus ardues. Il s’était protégé de l’amour comme l’on se protégerait de notre pire ennemi, celui capable de nous détruire avant de nous tuer. N’importe qui aurait été bien trop dangereux car n’importe qui n’aurait pu être en réalité qu’un homme, ce qui n’était pas envisageable, ne serait-ce qu’en pensées. Pourtant, il avait suffit à Seito d’un sourire pour percer l'énorme cuirasse des murailles qui protégeaient le château de son coeur. De la fenêtre, encore protégé par ses murs de pierres massives, il pouvait le voir, lumineux comme un soleil en solstice d’été. Il n’avait rien pu y redire, tout c’était passé beaucoup trop vite.

Seito choisit de lui répondre avec humour, relançant leur jeu d’imagination, et au fond il lui en était reconnaissant. La légèreté que prenait leur conversation anesthésiait les nerfs à vifs de Mathéo. Un sourire s’esquissa sur ses lèvres timides tandis que son cœur décidait de quitter le navire. « Un homme à la mer ! » crièrent ses matelots intérieurs. Ses yeux s’abaissèrent sur la main que les doigts de son camarade avaient effleurée, sa peau en tressaillait encore. Vraiment, rien de tout cela n’était raisonnable mais il ne pouvait s’empêcher de boire les mots du lycéen, l’écoutant comme un marin écouterait les derniers mots d'un sirène avant de sauter par dessus bord. Il était fichu.  

« … J’ai l’air si distant ? » demanda-t-il sans même y réfléchir. La spontanéité de Seito aussi était dangereuse, elle le perdait dans une salle des miroirs, se reflétant sur lui quelque soit sa position, le prenant de court à chaque fois.  « En tout cas, tu ne m’as jamais dérangé. Désolé si je t’ai donné cette impression. » précisa-t-il avec un regard plaqué sur lui. A vrai dire, il avait même toujours apprécié échanger avec lui au club de littérature. Seulement, à bien y réfléchir, il était vrai que leurs échanges s’étaient souvent limités aux débats sur les livres lus par le club et comme il prenait très au sérieux ces derniers… il n’était pas impossible qu’il ai loupé plusieurs occasions de sympathiser malgré lui. De son côté, il lui avait semblé que Seito n'était pas particulièrement intéressé pour sociabiliser avec lui... ce qui lui fit se dire que rien n'était jamais simple dans les rapports humains, surtout dès lors que chacun prévoyait à tord les intentions de l'autre. Mathéo eut envie de lui répondre que, lui aussi, était content de s'être trompé mais comme bien souvent il n'en fit rien. L’une de ses mains vînt se poser sur sa nuque pour se la frotter nerveusement tandis qu’il ajoutait timidement : « Est-ce que c’est si dérangeant d’être différents ? ». Car, à coups sûr, il lui semblait qu’ils l’étaient. Le jeune Mori était un beau soleil, certes... mais comme tout soleil, il était inaccessible ou destructeur.




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Mer 22 Mar 2023 - 22:27
SAMEDI 6 JANVIER 2018



Le litchi parfume sa bouche d'une saveur fruitée qui apaise aisément le feu précédent de la prune supra acide. Le japonais est loin d'imaginer que sa remarque pourrait semer le trouble chez son interlocuteur. C'est pourquoi il est surpris par la question, comme un écho perdu de ses paroles. Le sourcil relevé, comme pour marquer l'évidence, il avale posément la sucrerie avant d'énoncer tout haut sa vérité, sans passer par quatre chemins.

« Si t'es distant ? Bah ouais, et pas qu'un peu. Mais c'pas vraiment un problème. On peut pas tous être chiant comme moi. Heureusement ! Parce que j't'assure que ce serait le bordel si c'était l'cas. »

Son ton se veut volontairement dénué de toute méchanceté. Car ce n'est pas le but de la manœuvre. Seito estime qu'il vaut mieux être franc plutôt que de se cacher derrière des faux semblants qui pourraient, à terme, venir entaché la réputation de la personne. S'améliorer, oui ! Mais il faut bien pour cela dire les choses qui fâchent. Et si personne ne s'y essaye alors le monde est voué à la décrépitude. A ses yeux, il n'y a rien de pire que la monotonie du quotidien. Se camoufler derrière un sourire et maquiller sa détresse en mentant est un vice qu'il souhaiterait à jamais éradiquer.

« C'est pas être différent le problème. J'ai aucun problème avec ça. C'est même mieux de pas complètement se ressembler. A part si t'es mon moi du futur et dans c'cas-là, c'est méga cool. Mais, plus sérieusement, j'disais ça en mode on a rien en commun... à part la littérature bien sûr. Mais même pour ça, j'me rends compte qu'on a jamais vraiment parlé de nos goûts à nous. Ou de bouquins autres que ceux qu'on commente. Alors que j'suis sûr que y'a plein d'autres choses qui t'ont fait vibrer, que tu kiffes en c'moment. »

Et il adorerait les connaître. S'il s'écoutait, il lui poserait des milliers de questions pour combler ces lacunes et rattraper le temps perdu. Dire qu'il s'en veut serait démesuré. Néanmoins, il s'étonne de ne pas avoir insisté. Comme si résidait entre eux une réelle barrière. De valeurs, d'attitude, d'âge, qu'en sait-il. Le résultat demeure figé sur cette constatation sans fard : moins que des connaissances, ils sont en vérité des inconnus connus. Seito hoche la tête de droite à gauche.

« J'sais pas pourquoi j'ai jamais été plus loin. C'est pourtant pas difficile de t'parler. T'acceptes même que j't'empêche de travailler alors que t'étais v'nu pour ça à la base. Alors que bon, moi... j'avoue tout, je faisais semblant jusqu'à c'que t'arrives et maintenant j'essaye même plus. »

Il laisse échapper un rire léger et fait courir ses doigts dans ses mèches de cheveux rebelles. Plutôt que de désigner un coupable, le lycéen s'assure de dédouaner complètement l'étudiant. C'est pourquoi il ajoute dans la foulée :

« Et t'as pas à t'en vouloir, tu sais. C'pas ta faute, c'est juste comme ça. Genre on s'voit toutes les semaines, mais on a d'autres potes, d'autres trucs à faire. Et c'est pas grave mais en vrai, c'est con. Si j'avais su avant que t'étais le roi du sucre, j'aurais partagé les miens bien plus tôt. J'crois que j'ai trop l'habitude que les gens m'disent que j'suis lourd. Mais tant mieux si c'est pas ton cas. »

Inutile de spécifier qu'il est ravi de ne pas avoir été un poids pour l'étudiant jusqu'à présent. La mauvaise nouvelle, c'est que cette discussion marque un tournant non négligeable dans leur relation. Impossible de revenir en arrière, il en sait trop pour se taire. Et il se trouve qu'il n'a jamais été doué pour se taire dans tous les cas. Un fait connu de Takahashi mais dont il n'a malheureusement pas encore étudié les répercussions. Peut-être qu'il s'en mordra les doigts. Cela n'effleure pas un instant l'esprit frivole de Seito alors qu'il conclut :

« Par contre, maintenant t'es foutu. J'risque de t'poser plein de questions. Au club et PIRE, en dehors du club. Et j'te raconte même pas pour les bonbons. Genre si j'trouve des nouveaux goûts, tu peux être sûr que j'te f'rai goûter. »

Les lèvres mutines et le regard planté dans le sien, il gobe un bonbon gélifié.




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Mathéo Takahashi
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Jeu 30 Mar 2023 - 22:20

Le temps fond aussi vite que du sucre sur la langue

Samedi 6 Janvier - 14h

Mathéo s’accouda contre leur table pour écouter les réponses de Seito avec attention. L’honnêteté de ce dernier le rassurait étrangement, malgré qu’elle laissait derrière chacun de ses mots une traînée d’amertume autour de son coeur. Il n’avait jamais souhaité paraître distant. Au contraire, il avait toujours espéré que son comportement laisserait à penser aux autres qu’il était ouvert à la discussion s’ils en avaient besoin. Le retour que lui faisait le lycéen lui renvoyait une toute autre image de lui, une image qu’il espérait pouvoir brouiller, comme on pouvait le faire avec un reflet dans l’eau en y jetant une pierre. Elle ne lui plaisait pas.

Néanmoins, Seito avait tout à fait raison : ils étaient différents. Sans doute aussi différent que la lune et le soleil, n’ayant comme seul point commun d’être des astres. Il se demandait si, tout comme eux, ils seraient condamnés à se tourner autour sans jamais se croiser. L’idée ne le réjouissait pas. Il aurait aimé lui objecter quelques accointances pour se défendre. Malheureusement, il n’en trouvait pas. Il y avait chez son Kohai une lumière qui lui faisait défaut, une chaleur qu’il aimerait pouvoir enlacer et une brillance qui menaçait de l’attirer. Il semblait à Mathéo que Seito avait tout à offrir, tout ce dont il pourrait avoir besoin, tout ce qu’il aurait aimé pouvoir désirer et partager. Seulement, lui n’avait rien à lui offrir de similaire. Il n’était qu’un désert aride, une banquise vide, un objet de brocante dont personne ne veut depuis des années tant il était abîmé. D’ailleurs, lui-même ne voulait de personne, bien trop honteux de son état. Alors, lorsque le jeune homme lui avoua vouloir en savoir plus sur lui, il se sentit coupable d’en être heureux et la peur lui noua le ventre. Contrairement à ce que Seito semblait penser, il n’y avait rien qui faisait « vibrer » Mathéo. Si ce n’est lui aujourd’hui, mais ça, il ne pouvait lui dire.

Il esquissa un sourire gêné lorsque le jeune homme se dénonça en grand simulateur qu’il était, dépeignant tout son manque de motivation concernant son travail personnel. Il trouvait ses aveux étonnement adorables, bien que sa morale rigoureuse lui interdit de le soutenir dans ceux-ci. Il ne pouvait être l’excuse de Seito pour se détourner de son travail. L’inverse était déjà bien assez problématique en soit mais il estimait pouvoir en rattraper facilement les dégâts, tandis que son Kohai venait tout juste de lui expliquer ses difficultés. Ce n’était pas raisonnable du tout. Prit d’un excès de conscience, il entre-ouvrit les lèvres pour l’arrêter, prêt à devoir jouer le mauvais rôle, celui qui le rappellerait à la raison. Il s’imaginait déjà la mine déçue de son camarade. Heureusement, les propos de Seito l’en empêchèrent lorsque celui-ci lui confia ses regrets.

Son coeur se jeta dans un looping endiablé en réalisant qu’il était désigné comme « roi du sucre ». C’était là quelque chose de bien stupide, de puéril, mais il ne pouvait s’empêcher de se sentir gratifié par le surnom. La proposition qu’il lui avait fait quelques minutes plus tôt s’imposa de nouveau dans son esprit et ses joues redevinrent roses. « Tu n’es pas lourd du tout... » commenta-t-il. « J’ai toujours bien aimé discuter avec toi, même si c’était pour le club » avoua-t-il à son tour, détournant les yeux en espérant pouvoir ainsi se cacher du regard de Seito. « J’essayerai d’être moins distant… je ne pensais pas l’être autant, désolé. ».

Il osa un instant reposer son regard sur lui, prit d’un irrésistible besoin de vérifier sa réaction, mais il le regretta aussitôt. Ses yeux se posèrent sur ses lèvres, au moment où celles-ci s’activèrent pour aspirer le bonbon gélatineux que le Kohai venait de coincer entre elles. Un tsunami de frissons envahit Mathéo sans prévenir. Il chercha à fuir, mentalement et physiquement, au point d’en arriver à rapprocher sa chaise de la table, s’étouffant à moitié contre pour se recentrer. Il pouvait sentir son sang circuler à vitesse grand V dans l’entièreté de son corps troublé. Voilà qui était nouveau. Sa vision du bonbon gélifié était changée à jamais.

« Je… euh… Si… Enfin. Je... » bafouilla-t-il en attrapant le coin de table avec nervosité, incapable de remettre ses idées en ordre à temps pour espérer articuler quelque chose de cohérent. Pour quel type d’idiot était-il en train de passer ! C’était du grand n’importe quoi ! Il s’arrêta pour respirer un coup, avant de reprendre. « On aura qu’à se voir plus souvent. » réussirent à conclure ses neurones. « J’aimerais bien te connaître mieux aussi. Et… si tu veux savoir quelque chose sur moi, tu peux me le demander. Je ferais de mon mieux pour te répondre… même si, je ne pense pas être très intéressant. J’espère que tu ne seras pas déçu. » ajouta-t-il en se reculant tout de même légèrement de la table, ce qui lui sembait être judicieux s'il ne souhaitait pas mourir asphyxié. Il pouvait sentir son pou s’emballer dans sa jugulaire tant son coeur battait vite et son corps ne savait plus quoi faire de lui-même. « Et... On pourrait se faire une dégustation de bonbons après les examens. Je pourrais amener des bonbons français, si ça te dit. »  




Seito Mori
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Dim 2 Avr 2023 - 23:49
SAMEDI 6 JANVIER 2018



Seito ne se retrouve pas brimé pour ses aveux et il en est reconnaissant à l'étudiant de passer sous silence ses errements. Il n'aurait pu s'empêcher de faire volte-face en affichant une mine déconfite. Car il sait pertinemment qu'il n'est pas l'élève studieux que ses parents espèrent. Sa lumière est encore trop vacillante pour éclairer correctement ses pas et le noir réconfortant dans son dos susurre son nom dès que la faiblesse s'empare de son corps et de son esprit. Il n'est pas fait de la même étoffe que le brun. Le velours ne côtoie pas la toile de jute. Mais d'en avoir caressé les contours suffit à ce qu'il ne se replie pas dans sa tanière. Son cœur bat trop vite, trop fort. Mais cela n'a aucune importance. Seule importe cette promesse. Le sourire qui s'empare de ses lèvres ferait fuir la moindre parcelle de noirceur. Brillant, lumineux et diablement optimiste.

« J'ai hâte de voir ça ! » répond-il joyeusement.

Le bonbon disparaît entre ses lèvres et périt contre ses dents gourmandes alors qu'il réalise l'embarras de l'étudiant. Merde, il a été trop franc. Seito oublie trop souvent qu'une telle spontanéité n'est pas appréciée de tous. Pire, qu'elle a la fâcheuse tendance à intimider son auditoire ou à le scandaliser. Témoin de ses effets dévastateurs, il ne prend néanmoins pas conscience des nombreuses interprétations que l'on pourrait tirer de son enthousiasme. Sans mentionner son incapacité à concevoir que sa bouche puisse être le déclencheur de secousses internes aussi prononcées. Ennuyé, son regard attrape le sticker Candy Addict et il murmure :

« Pardon, j'voulais pas te gêner... »

La contrition est de courte durée. Ses yeux accusent la stupéfaction en se braquant à nouveau sur ses semblables. A chaque nouvelle affirmation, il tombe des nues, toujours plus bas, sans jamais toucher le fond. Jusqu'à la pierre angulaire d'une structure branlante mais miraculeusement toujours debout. Sa tête s'emplit de milliers de questions, d'une flopée d'anecdotes et d'un nombre incalculable de livres pour lesquels il souhaiterait avoir son avis. Il aurait été alors aisé de s'illustrer avec une remarque sensée. Dommage que Seito n'ait pas la lumière allumée à tous les étages. Et qu'il n'applique pas cet adage, pourtant sage, de réfléchir avec de parler.

« C'est un rendez-vous ? » Temps mort. Mais BORDEL, qu'est-ce qu'il raconte ?! Ses joues s'enflamment. « Enfin j'veux dire un objectif, une motivation, une récompense, enfin BREF, tu m'as compris ! »

Sa main met nerveusement en pagaille ses cheveux tandis qu'il dispose correctement cahier et manuel devant lui. Il souffle un bon coup, tentant tant bien que mal de calmer le chaos abyssal dans lequel sa foutue maladresse l'a plongé.

« OK. J'vais travailler. »

Seito se sent gagner par une confiance jamais vue. Il cale son dos contre le dossier, ramène sa chaise contre le bureau pour ne plus s'avachir et saisit son stylo, plus déterminé que jamais.

« Tu vas voir, j'vais les réussir ces examens. J'vais la réussir mon année. Et c'est pas du tout parce que y'a des bonbons en jeu. Encore moins parce que j'les ai jamais goûtés. Et c'est certainement pas parce que j'suis trop refait que tu m'proposes ça. »

Enfin bref, une manière comme une autre d'accepter sa proposition. En toute amitié. Sans aucune ambiguïté, n'en déplaise à cet enthousiasme débordant. Il se mord la lèvre, maquillant un sourire contagieux, hausse un sourcil et plonge son regard charbonneux dans le sien.

« On s'y met ? »




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Lun 3 Avr 2023 - 0:12

Le temps fond aussi vite que du sucre sur la langue

Samedi 6 Janvier - 14h

Le mot « rendez-vous » résonna à travers son corps qui dés lors ne lui sembla être plus rien d’autre qu’une cavité creuse. Son coeur cessa de battre. Ses yeux se plantèrent sur les joues du Kohai, les admirant rougir sans pouvoir s’en détourner, complètement capturé par la scène se dévoilant devant eux. La phrase suivante n’arriva qu’à moitié aux oreilles de Mathéo, ces dernières bourdonnaient si fort qu'il en eut peur lui-même. « Je... » tentèrent de lui faire prononcer ses neurones dans un murmure. Rendez-vous. Il avait dit Rendez-vous.

En était-ce un ? Il ne l’avait consciemment pas envisagé mais maintenant que Seito en avait relevé l’évidence, il hésitait à le regretter. C’était horrible, affreux, monstrueux, une catastrophe, un cataclysme ! Mais, la douce chaleur qui cherchait à rassurer son coeur pour qu’il accepte de se relancer était si agréable qu’il se mit à douter. Un rendez-vous. Il lui semblait qu’il aurait adoré en avoir un avec lui. Seulement, un rendez-vous, cela n’avait rien de raisonnable. Quelques secondes auparavant, ça lui aurait même était inenvisageable. Seito n’avait sans doute pas conscience de ce qu’il disait. Du moins, il ne devait pas en entendre la même chose que lui. Pourquoi est-ce qu’il lui poserait la question avec tant d’enthousiasme sinon ? Il devait l’entendre au sens amical du terme, une projection, une organisation prochaine, un engagement – non, celui là était déjà de trop - « une récompense » répéta-t-il, s’y accrochant comme un marin à la mer ayant trouvé sa bouée de sauvetage. « Oui » confirma-t-il sans même comprendre à quoi il acquiesçait lorsque Seito lui demanda s’il avait compris où il cherchait à en venir.

Son cerveau avait déclaré sa loi martiale, l’obligeant à répondre quoiqu’il advienne, peu importe à quel point son système émotionnel était au bord de la rupture, enflammé de flammes impossibles à faire taire. Il semblait à Mathéo que son corps venait de le lâcher, il n’avait même plus la force de lever les bras jusqu’à son ordinateur pour faire semblant d’être pressé de travailler. C’était pourtant sa seule issue, leur rappeler que les dix minutes qu’ils s’étaient autorisés arrivaient à leur fin. Changer de sujet pour que la pression autour de son pauvre réceptacle ne se détende avant qu’elle ne le broie. Ne plus y penser en se réfugiant dans sa poésie du 19ème siècle pour calmer les battements effrénés de son cœur qui vrombissaient jusqu’au fond de son ventre. Oublier que ce simple mot, cette simple maladresse, cette idée complètement folle et incohérente l’avait rendu heureux. Heureusement, Seito l’aida en déclarant la guerre à ses mathématiques, le sauvant d’une probable crise cardiaque. Il était sauvé.

Il ne comprit pas tout de ce qu’élança le lycéen, encore un peu secoué par ses émotions en pagaille qu’il cherchait à protéger de la brigade des bonnes mœurs internes qui ne demandait qu’à les matraquer avec violence. Il se raccrocha au fait que Seito semblait  trouver dans sa proposition une motivation pour travailler. Cela suffit à le contenter et l'apaiser. Ce ne serait qu’une récompense. Rien de plus. Tout irait pour le mieux. Il ne faisait rien de mal à encourager un Kohai. Oui. Rien de mal.

« Oui, on s’y met » répondit-il en écho. « On a des examens à réussir et des bonbons à manger, mieux vaut s’y mettre maintenant » compléta-t-il en attrapant son recueil de poésie, cherchant à masquer sa gêne derrière son sérieux. Il avait du boulot lui aussi ! « Bon courage » lui glissa-t-il en coin, un sourire sincère dessiné sur les lèvres, soutenu d’un regard tendre, déposé subtilement sur Seito alors qu’il s’installait correctement lui aussi pour se préparer à travailler. Il y avait quelque chose dans ses mots, dans ses mimiques, dans son enthousiasme presque innocent qui lui en faisait oublier ses défenses. C’était dangereux. Réellement dangereux, mais pour le moment, il préférait plonger à pleine tête dans son devoir de littérature que d’y penser davantage.  






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