- Yukio OgawaPersonnel ; prof d'histoire-géo■ Age : 28■ Messages : 287■ Inscrit le : 09/05/2021■ Mes clubs :
Mon personnage
❖ Âge : 27 ans
❖ Chambre/Zone n° : 1
❖ Arrivé(e) en : Fin Janvier 2017
Adossé aux pentes glissant des Monts Rokko jusqu'à la mer et à la zone urbaine, la distillerie de Monsieur Sato se confondait dans le paysage, et laissait croire à de faux airs de petite bicoque. Situé sur les bords du district de Nada, empiétant sur les zones escarpées et boisées qui faisaient le bonheur des randonneurs en tous genres, le lieu paraissait presque abandonné. Pourtant, ça et là, malgré les quelques tuiles manquantes et la façade passée de mode, il était possible de remarquer quelques signes qui ne trompaient guère. L'herbe de la petite cour, soigneusement tondue, et l'allée qui la traversait, balayée avec le soin tranquille des anciens. Sortant d'un pan de la toiture, une cheminée en inox, qui détonnait parmi les teintes classiques de l'architecture traditionnelle, laissait échapper une légère fumée blanche, trahissant l'activité réelle du bâtiment.
Empreint de sérénité et de respect, Yukio contemplait avec fascination l'aura de mystère qui entourait les murs de la bâtisse à deux étages, laissant son poursuivant du jour dans la gêne et l'appréhension. Quand, enfin, il eut humé avec tendresse la légère odeur nauséabonde qui caractérisait la présence d'une brûlerie fonctionnelle, et se fut imprégné de l'humeur de la rue déserte qui y menait, il rompit le silence. Sourire au visage, il se tourna vers Mathéo, légèrement plus circonspect que lui:
- Allons allons Monsieur Takahashi, un peu plus d'enthousiasme ! L'odeur n'est certes pas des plus reluisantes, et la route fut longue, mais ce que vous avez devant vous, c'est l'une des distilleries les plus anciennes du district de Nada ! Dites-vous qu'ici, on fabrique de l'alcool, c'est quand même sacrément cool ! Vous vouliez une visite guidée hors des sentiers battus et personnalisée, vous l'avez.
Le professeur d'histoire ne sut pas si son élève était trop terrifié pour réagir, ou s'il était juste apathique au possible et n'avait pas encore compris ce qu'il venait de dire. Dans le doute, il poursuivit en tenant des propos qui se voulaient rassurants:
- Le district de Nada est l'un des principaux centres de distillation d'alcool de riz. On y fabrique près d'un tiers de toute la production japonaise. C'est une tradition profondément ancrée dans la région. Ne dites pas que je vous l'ai dit, mais le fait que ça grouille de yakuzas à chaque coin de rue n'y est probablement pas pour rien. On trouve ici des distilleries de toutes tailles. Celle de Monsieur Sato, que vous avez devant vous, est une des plus artisanales. Le gérant est pour ainsi dire plutôt âgé, il ne produit plus que pour le simple plaisir d'entretenir son art et honorer son métier. Il est un peu sourd, alors il faudra parler fort, mais il est adorable. Vous avez une bouille de gendre idéal, il vous laissera peut-être repartir avec une bouteille, ou avec la main de sa petite-fille, parait qu'elle est très sympathique, elle est à peine moins âgée que vous.
L'enseignant se rendit compte qu'il commençait à dériver, et recentra son propos:
- J'ai connu Monsieur Sato dans des circonstances plutôt cocasses. Si vous êtes sage, je vous raconterai. Aujourd'hui, ce bon Sato-sama va nous expliquer son métier avec patience et passion. J'attends que vous vous imprégniez avec déférence de la sagesse et de l'expérience de notre aîné. Bon, vous verrez, il est un peu particulier, mais il connaît son affaire. Songez qu'à 72 ans, ce vénérable gaillard continue de faire tourner son bazar avec la force de l'abnégation. Bon, en vrai, un jour, il m'a expliqué qu'il préférait passer ses journées ici que chez lui, parce que ça lui permettait de se soustraire au regard incriminant de son épouse. Vous la verriez, une vraie harpie la vieille. On comprend qu'il choisisse la fuite le bougre.
Il recentra à nouveau:
- Bref, vous allez avoir une visite guidée rien que pour vous ! Vous avez de la chance qu'il n'y ait plus grand monde dans le club de traditions, ça me permet ce genre d'excursions en binôme. Alors, z'êtes content ?
- Mathéo TakahashiA l'université ; 2è année■ Age : 30■ Messages : 318■ Inscrit le : 09/12/2022■ Mes clubs :
Mon personnage
❖ Âge : 20 ans
❖ Chambre/Zone n° : U-5
❖ Arrivé(e) en : Avril 2017
Re: Tourisme de précision pour amateurs avertis [Mathéo ft Yukio]


Tourisme de précision pour amateurs avertis
17 février
Un pied après l’autre , une jambe devant l’autre ; le balancement mécanique de ses bras, la lourdeur de ses pas ; Mathéo avançait, suivant le professeur Ogawa sans le moindre état de conscience. L'esprit entièrement dépeuplé, il chercha en vain à provoquer la venue d’une pensée pour s’occuper et ainsi contourner le silence que lui imposait le référent du club des traditions en marchant. Cependant, celles-ci avaient manifestement toutes été évacuées. Il fut contraint de rester seul avec la lourdeur de son coeur et la migraine qui lui barrait les sourcils. La journée allait être longue.
Il prit une grande inspiration, espérant que l’oxygène nouvellement ingéré l’aiderait. Il n’en fut rien. Alors, il se contenta de suivre le professeur, se laissant téléguider par ses pas. Il était de toute façon trop épuisé pour batailler avec lui-même. Sa nuit avait été courte, tourmentée par ses pensées les plus sombres, et les deux précédentes n’avaient pas été meilleures. Il commençait à manquer cruellement de sommeil. Chaque nuit, depuis la st valentin, les paroles du faux bénévole à qui il s'était confié lui résonnaient en tête : contre-nature, détraqué, taré, malsain… les qualificatifs que le jeune homme lui avait accolés ne manquaient de le tourmenter. Depuis leur échange, il n'avait eu aucun jour de répit. Il n’était retourné dans aucun de ses clubs, fuyant les autres comme la peste. Il se sentait trop sale, trop exposé pour leur survivre et même si cela était idiot, il avait une peur terrible de le voir débarquer dans l'un de ses clubs sans prévenir. Si cette sortie du samedi n’avait pas déjà été prévue par Ogawa Sensei et si le club des traditions ne manquaient pas autant de membres et d’occasions d’exister, il serait volontiers resté une journée entière dans son lit. Tel un animal blessé, il avait besoin de se soustraire du monde, de rester caché. Il ne pouvait même plus dire qu’il était triste. A trop pleurer, la tristesse avait fini par le quitter, laissant place à un vide des plus douloureux. Sans doute son corps avait-il besoin d’une pause, ses glandes de Meibomius de repos et ne pouvait-il plus compter sur ses glandes lacrymales pour le soulager de ses émotions envahissantes. « momentanément hors service » devait être notifié quelque part entre ses cils.
Son corps finit par s’arrêter, l’obligeant à relever ses yeux fatigués vers le professeur Ogawa qui semblait lui parler, le sourire aux lèvres. Il lui fallut quelques secondes pour réussir à revenir du monde des morts et à entendre sa voix circuler entre ses lèvres qui jusqu’à présent lui paraissaient gesticuler sans raison. Il porta ses doigts à son nez pour se le boucher, attaqué par ses propres perceptions réveillées. Qu’est-ce que racontait le professeur ? Il avait encore du mal à se concentrer. Ah, oui, la distillerie de riz, cela expliquait l’odeur. Il jeta un œil devant eux pour observer celle-ci. Elle ne payait vraiment pas de mine… mais il devait lui reconnaître un charme certain. Manquant d’air, il fut tout de même contraint de relâcher ses narines pour en respirer les effluves. De toute façon, cela ne pouvait pas être pire que celle que devait dégager son aura. Si tant est qu’une aura puisse avoir une odeur.
Lorsque le professeur lui avait proposé une expédition de club en duo, il ne s’était vraiment pas attendu à finir devant une distillerie. Ogawa Sensei avait au moins l’art de surprendre ses étudiants. Il tâcha d’écouter ses explications avec attention, regrettant néanmoins ses efforts lorsque ce dernier le qualifia de « gendre idéal » et se mit à divaguer sur la possibilité que le gérant puisse lui offrir la main de sa petite fille. Il grimaça, oubliant momentanément de garder en place sa poker face. S’il y avait quelque chose dont il n’avait pas besoin aujourd’hui, c’était précisément que l’on puisse espérer quoique ce soit de lui et plus encore avec une femme. Heureusement, le bavard référent reprit sur ses explications, plus sérieux. Il aimait bien Ogawa sensei mais ce dernier avait le don de déblatérer plus que nécessaire. Lorsqu’il lui demanda s’il était content d’être là, Mathéo ne pu qu’hocher la tête. Il ne pouvait décemment pas lui avouer qu’il aurait préféré rester au lit. « Oui, j’en suis même honoré. Merci beaucoup, Sensei. Nous n’avons pas tellement l’occasion de nous intéresser à ce type de savoir-faire au club étant donné qu’il comporte des mineurs. Je suis ravi de pouvoir en apprendre davantage aujourd’hui. J’ai hâte de découvrir l’art de monsieur Sato. C’est admirable qu’il soit toujours en mesure de le parfaire à maintenant 72 ans, je suis impatient de le rencontrer » répondit-il. A priori ses capacités de cirage de pompes étaient toujours opérationnelles, elles. « Est-ce que je dois prendre des notes pour le club ? » demanda-t-il en laissant tomber son sac à dos de son épaule, déjà prêt à sortir son calepin. « Oh… et… Professeur. Si vous pouviez éviter de lui parler de sa petite-fille… Cela m’arrangerait. Vous savez, j’essaye de me concentrer sur mes études. Je n’ai pas le temps pour les femmes. », il ajouta, juste au cas où il aurait s’agit de plus que d’habituelles divagations de sa part.
![Tourisme de précision pour amateurs avertis [Mathéo ft Yukio] Seitom10](https://i.servimg.com/u/f50/20/46/79/93/seitom10.jpg)
- Yukio OgawaPersonnel ; prof d'histoire-géo■ Age : 28■ Messages : 287■ Inscrit le : 09/05/2021■ Mes clubs :
Mon personnage
❖ Âge : 27 ans
❖ Chambre/Zone n° : 1
❖ Arrivé(e) en : Fin Janvier 2017
Re: Tourisme de précision pour amateurs avertis [Mathéo ft Yukio]
Le gamin passait la brosse à reluire comme un forcené de la flamboyance. C'était indécent au point que même son accompagnant du jour, roi des dithyrambistes au pays des caudataires, s'en trouvait gêné. Quelque chose n'allait pas. Lustrer les bottes de ses professeurs, voilà qui était de bon ton, mais l'on avait pas idée de leur renverser sur les chaussures tout le pot de cirage. Soit Mathéo manquait définitivement de subtilité dans son art de la génuflexion, soit quelque chose venait perturber l'étalage de son obséquiosité. Yukio fut traversé, furtivement, par de multiples pensées. En premier, il eut envie de signifier au petit qu'on n'apprenait pas à un vieux singe à faire la grimace. Le professeur avait fait une thèse et il était universitaire: en termes de flagorneries hypocrites, ça n'était pas une vingtaine d'années en manifeste gueule de bois émotionnelle qui allait lui expliquer les choses. En second, il eut envie de prendre la voix d'Akiko Nakamura et de se mettre à chanter Amai Sasayaki. D'une voix inaudible, il murmura, en suivant le tempo dans sa tête:
- Parole, parole, munashisugiru sasayaki ne...
Le gamin renchérit, demandant s'il devait prendre des notes. Vil petit bonimenteur. Courtisan cauteleux que ce disciple chafouin. Il essayait de prendre son précepteur par les sentiments. Le genre de questions qu'on posait à un professeur juste pour se faire bien voir. Quel enseignant malade aurait l'idée de répondre qu'il ne fallait rien noter ? Il maitrisait le sous-texte pédagogique le rossard estudiantin. Pirate va ! Avec ses trois poils sous le nez, voilà qu'il se prenait pour Barbe Bleue. Pouvait-on seulement aller plus loin dans les courbettes de chattemites ?
Visiblement, oui, on pouvait. Voilà que le gaillard refusait les propositions matrimoniales au prétexte de se concentrer sur ses études ! Suprême cagotisme empreint de fausseté. Imposture ! Tartufferie ! Basse tactique de pharisien forceur ! Il y avait quelque chose là-dessous. Ce n'était pas l'anguille sous la roche, c'était baleine sous gravillon, à n'en point douter. On ne la lui faisait pas, au Yukio, il savait encore voir les envies fromagères chez les renards aux pieds des arbres à corbeaux.
Tant suspicieux qu'ironique, il invita d'un signe son élève à le suivre vers la porte de la distillerie, tout en lançant, à peine réprobateur:
- Mollo sur la pommade camarade Takahashi, vous avez le cirage au bord des lèvres. Si j'avais eu besoin qu'on me glace les souliers, je vous aurais au moins fourni la brosse. Puisque vous avez l'air profondément passionné par notre activité du jour, vous prendrez des notes, et vous ferez un exposé détaillé aux autres membres du club.
A malin, malin et demi. Le retour de flammes passerait peut-être l'envie à Mathéo d'encaustiquer des mocassins. On ne pouvait pas toujours s'en sortir en frottant du croquenot.
Arrivé devant la porte, le professeur d'histoire toqua d'une main pleine de gravité, comme recentré par l'appréhension de rencontrer un maître prêt à transmettre son savoir. Malgré la lourdeur de son action, il décida de la doubler. Le vieux n'avait plus l'oreille très performante. Plein d'attente, il en profita pour darder innocemment:
- Vous avez l'air d'avoir quelque chose sur l'esprit. Depuis tout à l'heure, vous regardez les mouches voler comme si elles pouvaient vous sauver de vos turpitudes. On dirait un entomologiste drosophiliaque, et je préfère vous préciser que ce n'est pas vraiment un compliment. C'est quoi le bail ? Vous vous êtes fait briser le coeur ? Vos parents ont découvert que vous fumiez ? Ou bien vous avez juste pris votre premier coma éthylique hier soir et là vous luttez pour ne pas rendre votre repas sur mon costume italien ?
Il allait sûrement falloir lui tirer les vers du nez. Qu'importe, en matière de vers, Yukio se faisait un devoir d'être généreux dans sa prose, et il y avait manifestement un problème avec l'attitude de Mathéo. On ne savait pas trop s'il était triste ou juste complètement détaché, mais dans les deux cas, ça n'était pas tip top l'autostop. Le vieux allait mettre un moment à se pointer, autant en profiter pour crever l'abcès, et tenter de mécher le tout au Dakin, à vif. Ce ne serait sûrement pas très agréable, mais c'était mieux que de fermer les yeux, et laisser les pensées du jeune Takahashi partir à la dérive.
- Mathéo TakahashiA l'université ; 2è année■ Age : 30■ Messages : 318■ Inscrit le : 09/12/2022■ Mes clubs :
Mon personnage
❖ Âge : 20 ans
❖ Chambre/Zone n° : U-5
❖ Arrivé(e) en : Avril 2017
Re: Tourisme de précision pour amateurs avertis [Mathéo ft Yukio]


Tourisme de précision pour amateurs avertis
17 février
Dire qu’il était outré n’aurait pas été correct. Brusqué ? Non plus. Offusqué ? Cela s’en rapprochait. Mathéo brandit des yeux plein d’incompréhension sur le jeune professeur. L’image qu’il venait de lui renvoyer était tout sauf reluisante, elle était même plutôt dégradante. Qu'avait-il fait de si terrible pour mériter de voir son estime de lui-même se faire dégrader de la sorte ? Depuis quand les professeurs s’indignaient-ils des considérations sérieuses d’un élève ?? Toutes aussi pompeuses furent-elles.
Il reçut les mots du jeune homme avec fracas, en ressortant grandement humilié. L’image était si forte qu’il eut à se retenir de nettoyer ses lèvres de la substance que le professeur l’accusait d’utiliser pour lui… quoi… ? Lécher les bottes ? Ogawa-sensei ne pouvait le savoir mais l’idée était doublement perturbante pour lui. Doublement désagréable. Doublement dissonante.
« Bien. » déclara-t-il en recevant ses devoirs, presque insolent de part le ton convaincu de sa voix. La situation n’en devenait que plus gênante. L’enseignant pensait-il le punir en lui assignant cette tâche ? Si tel était le cas, il se trompait grandement. Le club de tradition peinait tellement à garder ses membres et à en recruter de nouveaux qu’il ne lui paraissait pas raisonnable de priver ceux qu’il restait de potins traditionalistes. Prendre des notes et en faire le récapitulatif aux autres de ses camarades était la moindre des choses, du moins pour lui. Il se serait néanmoins passé de sa remarque disgracieuse, il en avait déjà eu son lot pour le mois. Sans un mot de plus, il suivit le professeur jusqu’à la porte d’entrée, se rangeant sagement à ses côtés. Puisque leur présence fut signalée par les coups donnés contre la porte, Mathéo se pensa préservé du pire. Un seau de boue venait de lui être jeté dessus, le référent du club pouvait bien s'en satisfaire pour la journée. C'était sans compter son talent pour le piquer, pile poil là où cela faisait bien mal. Tel un arracheur de dents sans diplôme pour justifier de la souffrance qu'il infligeait aux autres.
Etait-ce parce qu’il était épuisé qu’il le trouvait tout particulièrement désagréable, aujourd’hui ? Le professeur lui avait toujours parut gênant mais la plupart du temps cette gêne lui était amusante, voire même divertissante. Ce jour ci, il ne pouvait s’empêcher d'en être agacé. « Je n’ai pas une vie si passionnante, désolé de vous décevoir, Sensei. » rétorqua-t-il, ne laissant rien paraître de son mécontentement. Qu'y avait-il de si mauvais à se montrer poli et courtois envers son référent ? Et puis, n'avait-il pas le droit d'être de mauvaise humeur ? Est-ce que cela aussi, cela lui était interdit ??
« Est-ce si difficile de croire que je suis fatigué parce que je révise durement pour mes futurs examens ? Ne vous ai-je pas convaincu de mon sérieux depuis le début de l’année ? » demanda-t-il, tout en fixant la porte, le ton plus robotique encore. « Je m’excuse si mon humeur et mon état vous dérangent, je vais faire les efforts nécessaires pour qu’ils n’entachent pas notre journée… Je suis fatigué mais pour autant, je suis sincèrement ravie d’être ici avec vous aujourd’hui ». Ajouta-t-il, pivotant un peu vers lui pour s’incliner brièvement. Pour une fois, il prenait un malin plaisir à en faire trop. Puisqu'Ogawa-sensei était contrarié par sa politesse et avait décidé de s'en montrer insultant, il allait se faire lécheur de pompes professionnel. Mieux encore, il les lui lécherait jusqu'à ne plus avoir de salive !
![Tourisme de précision pour amateurs avertis [Mathéo ft Yukio] Seitom10](https://i.servimg.com/u/f50/20/46/79/93/seitom10.jpg)
- Yukio OgawaPersonnel ; prof d'histoire-géo■ Age : 28■ Messages : 287■ Inscrit le : 09/05/2021■ Mes clubs :
Mon personnage
❖ Âge : 27 ans
❖ Chambre/Zone n° : 1
❖ Arrivé(e) en : Fin Janvier 2017
Re: Tourisme de précision pour amateurs avertis [Mathéo ft Yukio]
Jeune damoiseau pris en défaut avait décidé de se faire courtisan. A la manière d'un sociopathe cauteleux amadouant sa cible pour mieux la poignarder, Mathéo se confondait en courbettes si exagérées et hypocrites qu'elles en devenaient presque insultantes. Le gamin était un étrange mélange de miel et de sel. Il noyait sous des flots sirupeux d'ambroisie les arêtes saillantes et coupantes de son acrimonie. En quelques sortes, c'était mignon. Il y avait dans la démarche du marmouset une approche profondément espiègle de la praxis. Visiblement, l'étudiant avait compris que l'on pouvait faire ployer un système en l'engageant dans la rencontre de ses contradictions internes, et qu'il y avait une certaine ironie à faire s’effondrer des constructions de cette manière plutôt qu'en les balayant sous le poids d'une brutalité simpliste. Yukio ne put s'empêcher de sourire. Il avait lui-même cette malice chevillée à l'esprit, et se faisait toujours un malin plaisir d'user des procédures contre ceux qui les avaient créées.
Dans sa vie, il avait obtenu de la sorte bien des choses. Rien que la semaine précédente, il avait rendu service à sa sœur, et décroché un permis de construire à son profit, en un temps record. Constatant qu'en plus des pièces requises, la procédure permettait de joindre au dossier des justificatifs de toutes natures, il avait noyé le dossier sous une avalanche de paperasses et certificats en tous genres, rendant difficilement localisables les documents réellement utiles. Portant à la mairie une pile de papier de plus de treize kilogrammes, et la déposant avec un grand sourire, il avait vu le préposé à l'urbanisme se décomposer. En définitive, le dossier avait dû être étudié avec une certaine légèreté, et lu en travers, car personne n'avait remarqué qu'il y manquait, sur le fond, un certain nombre de choses. Le système était parfaitement idéal, les hommes qui l’incarnaient ne l’étaient jamais. Qui savait en jouer pouvait déplacer des montagnes ou, plus prosaïquement, se construire une maison.
C’était un peu comme regarder la manière dont les adresses courriel d’une administration étaient construites, puis trouver un organigramme, et croiser les deux pour écrire directement à la tête, en shuntant tous les intermédiaires. Work smarter, not harder…
Le professeur d’histoire sentait naître en lui un certain respect pour Mathéo. Le petit avait compris la vie, il irait loin, mais il devait apprendre que des fois, ça ne marchait tout simplement pas, et que le fait de pouvoir lire le code de la matrice ne garantissait pas toujours de pouvoir la changer, ou même la manipuler.
Constatant avec amusement que son élève s’était décidé à lui baver sur les chaussures jusqu’à s’en évanouir de déshydratation, Yukio décida d’en profiter, et sous des airs d’humilité fallacieuse, se mit à déclamer :
- Vous m’émouvez Mathéo. Je vous sais sérieux, et que vous soyez frappé par la fatigue me conduit malgré moi à des élans de commisération. Et tout cela par pur dévouement à vos études. Vous êtes admirable, vraiment. J’ai vu des mères célibataires en cumul d’emplois moins courageuses. Vous êtes un bourreau de travail, et je m’en voudrais sincèrement si vous en veniez à laisser votre santé être affectée par de trop longues heures à l’étude.
Il fit une légère pause, ménageant son effet de manche, puis reprit :
- Vous avez besoin de vous détendre. Trop de travail tue le travail, et vous méritez bien un peu de repos. J’imagine sans peine que ces nuits entières passées sur les lignes de vos cours ne vous laissent que peu de temps pour sympathiser avec qui que ce soit, et que vous devez vous sentir horriblement seul. Il vous faut du contact humain, sans quoi vous allez vous effondrer sous le coup de l’épuisement. C’est une décision dont vous me remercierez plus tard, mais vous savez quoi ? Nous allons vous introduire auprès de la petite-fille de Monsieur Sato, ça vous fera au moins une fréquentation et ça vous sortira un peu le nez de vos cahiers.
Il écarquilla artificiellement les yeux, comme pour montrer ostensiblement qu’il était impatient que la porte ne s’ouvre, puis il frappa de nouveau, en soupirant d’attente, laissant ses paroles se frayer un chemin jusqu’au cerveau de son élève. Il attendit un peu, juste histoire que ses mots aient provoqué une réaction, puis ajouta, sur un ton redevenu bien moins théâtral :
- Bon. Au-delà des plaisanteries, si vous voulez rien baver de ce qui vous empêche de dormir la nuit, c’est vous que ça regarde, mais dites vous bien que quoi que vous ayez fait, j’ai fait pire. Et pour ainsi dire, quoique vous soyez, j’ai été pire. Si un jour, vous prenez conscience du fait que tout garder pour soi est le meilleur moyen de se rendre malheureux, et qu’il vous faut vous confier, ma porte sera ouverte.
Et comme il parlait de porte ouverte, celle qui leur faisait face se mit à pivoter, tout doucement.
- Mathéo TakahashiA l'université ; 2è année■ Age : 30■ Messages : 318■ Inscrit le : 09/12/2022■ Mes clubs :
Mon personnage
❖ Âge : 20 ans
❖ Chambre/Zone n° : U-5
❖ Arrivé(e) en : Avril 2017
Re: Tourisme de précision pour amateurs avertis [Mathéo ft Yukio]


Tourisme de précision pour amateurs avertis
17 février
Le jeune professeur se lança dans une tirade que Mathéo trouva plus lourde que le poids du manque de sommeil qui lui pendait sous les yeux depuis trois jours. Chaque mot du référent se voulait mielleux à en faire une crise de diabète, cherchait à le flatter sans que cela ne puisse l’atteindre, lui aussi était du genre à être imperméable aux louanges et autres mirages. Sans doute, l’enseignant et lui avaient plus en commun qu’il ne leur semblait. Et, si sa politesse lui éraflait autant les oreilles, il comprenait qu’Ogawa-sensei lui renvoi l’ascenseur après en avoir coupé les cordes. Il s’était rarement senti aussi peu pris au sérieux et insulté.
Fixant toujours la porte d’entrée, Mathéo eu bien du mal à conserver son masque d’impassibilité, s’efforçant de ne pas froncer les sourcils. Mieux valait ne rien répondre du tout et encaisser la tempête à la force des bras plutôt que de prendre le risque d’avoir à perdre son sang froid devant son professeur. Il n’avait jamais apprécié le conflit et quand bien même il rencontrait parfois des élans d’arrogance et d’agressivité passive bien placée, l’étudiant était suffisamment perspicace pour savoir quand se rendre. A ce jeu là, il avait compris qu’il ne gagnerait pas. Il n’avait pas l’énergie pour tenir la distance et chaque nouvelle attaque contre sa personne, toute aussi airbaggisée était-elle, venait ricocher sur les brisures causées par le faux bénévole tout autour de son coeur. Il n’était pas certain de pouvoir en tenir de nouvelles.
Seule l’évocation d’une rencontre éminente avec la petite-fille de monsieur Sato le poussa suffisamment dans ses retranchements pour lui en faire lâcher son masque d’impartialité et oublier ces mauvais souvenirs. Il jeta un regard catastrophé sur son référent, terrifié de constater que les choses pouvaient se retourner ainsi contre lui. « Ce n’est vraiment pas nécessaire, Ogawa-sensei.» insista-t-il, les muscles crispés jusqu’aux deux pieds, envoyant une multitude de S.O.S à l’univers. Il avait réellement besoin de tout sauf de rencontrer une jeune femme aujourd’hui. Heureusement, l’enseignant avorta sa plaisanterie avant qu’un plus grand malheur ne puisse s’abattre sur le pauvre Mathéo. Ce dernier retrouva de sa constance, s’érigeant de nouveau en piquet face à la porte d’entrée, tachant de se remettre de sa frayeur en écoutant les mots se voulant bienveillants du jeune enseignant. Il gonfla d’air ses poumons en comprenant qu’il cherchait à le réconforter et expira péniblement par le nez. Assurément, Ogawa-sensei n’avait aucune idée de ce qu’il pouvait traverser actuellement. Il n’y avait pas non plus la moindre chance qu’il puisse être pire que lui. « Ce n’est pas aussi simple » aurait-il souhaité répondre, mais la porte s’ouvrit enfin, laissant à découvert un vieux monsieur. « Bonjour, Sato-sama. Merci de nous recevoir » déclara-t-il sans trop réfléchir, s’inclinant bêtement en prime. L’ensemble de ses neurones avaient préféré fuir le plus loin possible. Il jeta tout de même un œil au professeur pour obtenir confirmation qu'il s'agissait bien du vieil homme attendu et pour lui laisser l'occasion de continuer.
![Tourisme de précision pour amateurs avertis [Mathéo ft Yukio] Seitom10](https://i.servimg.com/u/f50/20/46/79/93/seitom10.jpg)
- Yukio OgawaPersonnel ; prof d'histoire-géo■ Age : 28■ Messages : 287■ Inscrit le : 09/05/2021■ Mes clubs :
Mon personnage
❖ Âge : 27 ans
❖ Chambre/Zone n° : 1
❖ Arrivé(e) en : Fin Janvier 2017
Re: Tourisme de précision pour amateurs avertis [Mathéo ft Yukio]
Yukio s'en voulait un peu. Mathéo avait quelque chose sur le cœur, et le tancer n'avait pas provoqué la réaction qu'il aurait souhaité. Taper sur la coquille l'avait plutôt refermée qu'ouverte. Ce n'était pas vraiment le but recherché, et l'étudiant affichait, dans de rares instants d'égarement, pleins de sincérité transperçante, les traits préoccupés d'une personne à la poitrine bien trop alourdie pour se détendre. Aux grands maux les grands remèdes. De manière aussi fugace que sérieuse, le professeur envisagea de charger la dégustation qui suivrait la visite. In vino veritas. L'alcool pourrait peut-être délier la langue de son jeune élève. Le regard légèrement pensif, l'enseignant se ravisa. On lui avait déjà signifié que ce n'était pas correct de provoquer l'ivresse des personnes qu'il avait sous sa responsabilité. Il n'était pas forcément convaincu, mais devant l'éternité, parole donnée ne se reprenait pas. Après tout, il appliquait sans les comprendre nombre de règles absconses, dont il n'avait jamais saisi le substrat profond. Il avait parfois l'impression que la compréhension des implicites ne lui était pas naturelle, qu'elle ne se faisait qu'au prix d'un effort émotionnel constant, d'une analyse consciente aboutissant à l'édiction dans ses fonctionnements internes d'interdits et d'obligations formalisés. Produire cet effort, tant d'analyse que de suivi intentionnel et volontaire des règles internalisées à la manière d'une leçon scolaire, lui était couteux. Le soir, d'avoir trop fréquenté ses prochains, il s'effondrait, épuisé comme un coureur de fond, ne sachant se ressourcer autrement qu'en se baignant dans une solitude réparatrice, éloignée de toute norme sans fondement purement logique.
Bien qu'en apparence parfaitement à l'aise socialement, le rapport peu inné qu'entretenait Yukio aux sous-textes tacitement convenus, le confinaient, sans prise de recul, à des réflexes empreints de premier degré, et à des actes parfois incompréhensibles et erratiques, fruits tardifs d'une lacune dans ses apprentissages conditionnants. Une part de la déroute mentale qu'il infligeait à ses contemporains trouvait ici sa source. Le professeur d'histoire n'agissait jamais de manière inappropriée que parce que personne ne lui avait imprimé dans le cerveau par des paroles qu'il convenait d'agir, dans une situation donnée, d'une manière correspondante.
Incliné devant Sato-Sama d'une manière encore plus déférente que son pupille déjà pourtant porté sur les courbettes, Yukio songeait aux manières de réaliser la quadrature du cercle. Mathéo était recroquevillé dans son humeur, peu désireux de partager quoi que ce fût, couvert de sa tourmente comme d'un manteau, et refusait de s'ouvrir. En y réfléchissant, nul besoin impérieux ne nécessitait de le faire parler, et s'il préférait garder pour lui la moelle de son malheur, insister ne servirait à rien. Il fallait peut-être juste laisser tomber. C'était une des leçons apprises par cœur: parfois, il fallait juste laisser tomber, et attendre que les choses se passent.
Maître Sato, de sa voix malicieuse, les fit entrer. Il se mouvait avec une aisance qui ne correspondait pas tout à fait à ses traits ridés, glissant sur le parquet comme s’il s’était agi d’une patinoire. Connaissant en détails chacun des morceaux de bois, de papier ou de métal qui composaient le bâtiment, il s’y déplaçait sans difficultés, évitant les poutres à hauteur de visage sans même les regarder. Ce n’était pas le cas de Yukio, qui faillit plus d’une fois se lancer dans des contacts brefs et rapprochés avec de perfides étançons, manquant parfois de justesse la percussion.
A pas rapides, le gaillard les guidait déjà vers la première étape de leur excursion, dans des odeurs toujours aussi surprenantes. Tout en sautant de planche en planche comme un vieux singe en mal de grimaces, Monsieur Sato débitait des paroles d’une voix a priori constante et monocorde, mais par brefs moments traversée de haussements de tons incompréhensibles :
" Brasser le saké est une tradition ancestrale ! On appelle un brasseur de saké un « kurabito », et un chef de brasserie un « toji ». Auparavant, nous étions plusieurs à travailler ici, mais les petites productions artisanales ont du mal à rivaliser avec les brassages à échelle industrielle. "
S’arrêtant soudain devant une sorte d’énorme chaudron fumerolant, monté sur un axe basculant, cerclé de cordages, et couvert par une sorte de drap blanc. Il s’égaya avec passion :
" Tout commence avec la cuisson du riz dans cette marmite, ça s’appelle un « koshiki ». Après avoir été patiemment lavé la veille, le riz y est cuit à la vapeur. Il s’agit d’une variété de riz spécifiquement adaptée à la création du saké. Ce koshiki est déjà assez gros, mais dites-vous bien qu’il est en fait assez petit, car je ne pourrais pas m’en occuper seul sinon. Les plus gros chaudrons de la sorte peuvent atteindre des capacités équivalentes à plusieurs centaines de kilos de riz. Le riz cuira dans le koshiki pendant une heure. Le temps de cuisson peut un peu varier, car brasser du saké, ce n’est pas une science exacte. L’expérience du brasseur jouera énormément à chaque étape. Par exemple, il faut avoir l’œil et le nez pour voir à quel moment retirer le riz du trempage, ou pour voir à quel moment la cuisson paraît parfaite. "
Il continua, indifférent au rythme qu’il imposait à toute prise de note de la part de ses visiteurs :
" Pour vérifier la cuisson du riz, on peut aussi en prendre un petit peu entre les deux mains et le malaxer, pour en faire une sorte de mochi. On appelle ça le « hineri-mochi ». Avec le temps, on apprend à reconnaître quelle est la texture que doit avoir le riz en sortie de cuisson. Dès que le riz est cuit comme il faut, on le sort et on le refroidit sur la table juste là. Il faut qu’il redescende en température assez rapidement, pour en quelque sort le figer dans l’état de cuisson où il est. "
Maître Sato s’interrompit assez soudainement, sans autre forme de cordialité. Ce n’est que quelques secondes plus tard que les deux touristes comprirent qu’il avait fini de parler et attendait éventuellement des questions avant de passer à la suite. Le vieux avait le regard dur, comme suspicieux et prêt à les houspiller dans le cas où aucun des deux comparses n’aurait eu la bonne idée d’émettre une interrogation. Plongé dans ses pensées, Yukio avait un blanc dans le cerveau. Il se tourna donc à son tour vers Mathéo, les yeux paniqués, qui criaient à la face du monde :
* Vas-y frère, moi j’ai rien suivi c’est à toi de poser une question. *
- Mathéo TakahashiA l'université ; 2è année■ Age : 30■ Messages : 318■ Inscrit le : 09/12/2022■ Mes clubs :
Mon personnage
❖ Âge : 20 ans
❖ Chambre/Zone n° : U-5
❖ Arrivé(e) en : Avril 2017
Re: Tourisme de précision pour amateurs avertis [Mathéo ft Yukio]


Tourisme de précision pour amateurs avertis
17 février
L’aisance avec laquelle se mouvait monsieur Sato ne manqua pas d’impressionner Mathéo. S’il pouvait surfer ainsi sur le monde à un tel âge, il se dit qu’il s’estimerait sans doute heureux d’avoir réussit sa courte vie. Malheureusement, il eut à faire face au triste constat de la réalité : à tout juste 20 ans, il avait déjà bien du mal à suivre l’énergique grand-père. Se faufilant derrière lui et Ogawa-sensei, il observa ce dernier peiner autant que lui à suivre les pas du vieillard, manquant de se manger des poutres sur son passage, ce qui provoqua en lui une satisfaction quelque peu sadique. Il n’eut pas l’occasion de s’en réjouir bien longtemps néanmoins, rapidement pris de court par le rythme de parole soutenu de l’artisan, qui mine de rien avait un sacré débit. Armé de son carnet et de son stylo, il fit de son mieux pour prendre consciencieusement en note chaque information que leur partageait le maitre brasseur. Ceci fut loin d’être une mince affaire. Il avait rarement eu à écrire aussi vite et son pauvre cerveau eut un mal fou à trier de manière si soutenue les données que sa frêle mémoire tenta de contenir. Son manque de sommeil se fit davantage sentir.
A plusieurs reprises, il fut contraint de laisser quelques trous, comptant sur sa capacité d'après-coup à combler les lacunes évidentes de sa concentration. Les odeurs néfastes des diverses breuvages qui macéraient dans les cuves n’aidaient franchement pas.
Il fallut plusieurs secondes à Mathéo pour comprendre quand lâcher son carnet lorsque monsieur Sato s’arrêta de parler. Le drôle de silence qui leur imposa brusquement l’obligea à relever les yeux sur lui et Ogawa-sensei dont l’expression du visage provoqua en l’étudiant le pire malaise qu’il soit. « Vous abusez Ogawa-sensei ! » le toisa mentalement ce dernier en comprenant qu’il s’en remettait entièrement à lui pour donner le change au vieillard. Un rapide coup d’oeil sur monsieur Sato finit de sceller son destin. Le regard sévère de celui-ci laissait à penser qu’ils finiraient tous les deux dans l’une de ces cuves s’il n’était pas en mesure de le contenter de questions. Le problème étant qu’il n’en avait pas, il n’avait pas eu le temps de réfléchir et de s’en poser. Entre noter et penser, il avait du choisir !
« … hum… Sato-sama…. Du lavement du riz jusqu’à la cuisson et enfin le refroidissement… combien de temps s’écoule-t-il ? » demanda-t-il sur le vif. C'était la question la plus simple et évidente à poser. Il espérait ainsi avoir quelques secondes de répit pour en choisir des plus pertinentes. Ses yeux s’abaissèrent sur ses notes pour en examiner rapidement le contenu, isolant à une vitesse folle les mots-clés possibles qui lui permettraient d’enchainer sur d’autres questions : « Aussi, vous nous avez dit utiliser un riz spécifique. Pouvez-vous nous en dire plus ? Qu’est-ce qui le rend meilleur pour faire du sake par rapport à un riz traditionnel ? ». Et puisqu’il savait que deux n’allait jamais sans trois, il conclut avec une troisième question. « Et enfin, si je peux me permettre une dernière question Sato-sama… Pourquoi l’étape de la cuisson et du refroidissement sont-elles si importantes ? Ce n’est pas seulement la qualité du riz qui donnera son goût au sake ? ». Il envoya un rapide coup d’oeil à Ogawa-sensei. « Vous m’en devez une » dirent ses yeux.
![Tourisme de précision pour amateurs avertis [Mathéo ft Yukio] Seitom10](https://i.servimg.com/u/f50/20/46/79/93/seitom10.jpg)
- Yukio OgawaPersonnel ; prof d'histoire-géo■ Age : 28■ Messages : 287■ Inscrit le : 09/05/2021■ Mes clubs :
Mon personnage
❖ Âge : 27 ans
❖ Chambre/Zone n° : 1
❖ Arrivé(e) en : Fin Janvier 2017
Re: Tourisme de précision pour amateurs avertis [Mathéo ft Yukio]
Tandis que Mathéo posait ses questions, se débattant avec ses notes comme un gamin attaqué par un chat enragé, Monsieur Sato se mit à froncer les sourcils, renvoyant ce qui semblait être un agacement consommé. A l'observation des mimiques attristées de leur guide, Yukio se sentit soudainement soulagé de ne pas lui-même avoir eu à se mettre en avant. Mathéo allait prendre la foudre à sa place, comme un joli paratonnerre à rayonnements ionisants, et pour la crédibilité du professeur d'histoire, mieux valait que les choses se passent ainsi. Comme aurait dit l'autre, des fois, y'a pas le choix, faut sacrifier les jeunes. Les traits légèrement crispés, l'enseignant attendait le déchainement des éléments avec une certaine raideur. Par précaution, et pour faire honneur au sacrifice de son étudiant, il avait reculé d'un bon pas: les plus courageux devant, par dessus le parapet de la tranchée, il serait toujours temps de leur décerner des médailles après qu'ils se se soient faits fauchés par la première rafale de mitrailleuse. A Mathéo, la patrie reconnaissante, ça allait lui faire une belle jambe.
Cependant, et contre toute attente, du moment où le brasseur se mit à ouvrir la bouche, ses traits se décontractèrent, trouvant un air tout à fait affable, tandis qu'il s'engageait dans des paroles tout à fait paisibles et riantes:
" Je vois que vous êtes tout à fait intéressé et que vous avez écouté avec attention jeune homme, si vous saviez comme ça me fait plaisir. "
L'espace d'une moitié de seconde, Yukio se vit interloqué, mais, retombant rapidement sur ses pattes, il refit un pas en avant, se replaçant discrètement et innocemment aux côtés de son élève. Monsieur Sato, de son côté, était déjà parti dans des réponses envolées:
" Du lavement du riz jusqu'à son refroidissement, je dirais qu'il s'écoule bien moins de 24 heures. Comme j'ai pu le dire, ce n'est pas vraiment une science exacte, et c'est l'expérience du brasseur qui saura faire la différence. Pour ce qui s'agit des variétés de riz, il y en a en fait plusieurs qui peuvent servir pour le brassage du saké. On les appelle " sakamai ". Ces variétés sont issues de croisements ou d'hybridations qui permettent d'obtenir un riz plus favorable au procédé. Les variétés de riz sakamai ont plusieurs particularités, mais l'idée globale est qu'elles produisent des grains de riz plus gros, plus riches en amidon, et absorbant mieux l'eau. S'agissant de l'amidon, c'est lui qui sera transformé en glucose par les enzymes et micro-organismes à l’œuvre lors du procédé de brassage. Il faut donc un riz suffisamment riche en amidon et dont l'amidon saura se mélanger de manière "homogène" au brassin. La qualité du riz revêt donc, évidemment, une importance première, mais le riz n'est que le papier sur lequel le brasseur saura inscrire sa poésie. "
Il fit une légère pause avec un air inspiré, puis reprit:
" Comprenez bien, la cuisson va permettre de "détendre" les chaines moléculaires de l'amidon. Il ne vous aura pas échappé que digérer du riz non-cuit est assez compliqué. Pour les micro-organismes que nous allons utiliser pour produire le saké, c'est un peu la même chose: le fait d'avoir un amidon déjà attendri par la cuisson va leur permettre de le transformer plus facilement. Le saké, c'est un peu entre la chimie et l'artisanat. Dans ce cadre, le koji, qui est un champignon que nous allons utiliser pour transformer le riz, a une température de croissance optimale. Il faut donc refroidir le riz, puis le placer dans une pièce dont la température est régulée, et dans lequel nous pourrons "cultiver" le koji sur le riz en le plaçant dans les conditions favorables à son développement. Notre prochaine étape est donc le kojimuro, veuillez me suivre. "
Et il repartit en trottinant.
Le professeur glissa à Mathéo, sur un air magnanime et chevaleresque:
- Et bien, heureusement que j'étais là pour nous sauver la mise. On aurait eu l'air fins sinon.
- Mathéo TakahashiA l'université ; 2è année■ Age : 30■ Messages : 318■ Inscrit le : 09/12/2022■ Mes clubs :
Mon personnage
❖ Âge : 20 ans
❖ Chambre/Zone n° : U-5
❖ Arrivé(e) en : Avril 2017
Re: Tourisme de précision pour amateurs avertis [Mathéo ft Yukio]


Tourisme de précision pour amateurs avertis
17 février
Ils venaient d’échapper au pire, sauvés in extremis par ses capacités cognitives. Durement entraînées tout au long de l’année, celles-ci avaient su outrepasser l’épuisement de son corps et le stress généré par la couardise de son enseignant, traitant les informations avec rapidité et rigueur, isolant les données pertinentes pour mieux les recracher, mâchées et transformées, en questions pour le vieil artisan à l’œil intransigeant. Alors, quand Ogawa sensei plaisanta sur son implication chanceuse, Mathéo en perdit son impassibilité. Il n’était pas même convaincu qu’il s’agissait là d’une plaisanterie. Tout, même un culot sans nom, lui semblait possible avec le professeur. Un lourd soupire exorcisé, des yeux lasses et tout à fait jugeants, une légère courbette pour soutenir son référent dans sa tentative de ne pas perdre la face et il tourna les talons, poursuivant Monsieur Sato, sans un mot. Vraiment… Il ne manquait pas d’air ! « Un merci, ce n’est pas si difficile à dire... » ronchonna-t-il intérieurement.
Les conditions climatiques de la pièce suivante lui firent néanmoins lâcher toute rancœur. Il y régnait une chaleur étouffante, digne d’un mauvais jour d’été. L’humidité ambiante n’arrangeait rien, lui collant à la peau pour mieux le débarrasser lui-même de tout liquide aqueux. Quelques secondes passées à écouter le vieux Sato fanfaronner de nouveau et il était déjà en âge. Cette fois, il du sacrifier de sa concentration, le temps de retirer sa doudoune. L’idée de finir lui-même consommable en bouteille ne l’enchantait pas.
« Le passage du riz dans le kojimuro est des plus importants. La salle doit être chauffée à 35 degrés et maintenir une humidité constante, sans quoi le koji-kin ne proliféra pas. Mais tout le riz n’y passe pas, nous n’en prélevons qu’une partie, 20 % tout au plus. Comme vous pouvez le voir ici, celui-ci est étalé puis saupoudré de Koji-kin équitablement. On le laisse reposer ainsi environs 48h. Si les conditions sont bonnes, ces champignons créeront des enzymes qui permettront de briser l’amidon du riz et de le transformer en sucre. On appelle ce procédé la saccharification. Lorsqu’on le récupère, il ressemble davantage à cela, une sorte de bouillie. C’est cette préparation qu’on appelle le Koji. »
Mathéo, qui s’efforçait désespérément de prendre le tout en notes malgré sa gorge et ses narines attaquées par la lourdeur de l’air, jeta un œil à Ogawa sensei, l’intimant du regard de bien suivre cette fois. Rien ne garantissait qu’il leur sauve de nouveau la mise dans ces conditions, il leur faudrait bien deux cerveaux déssechés pour espérer ne pas froisser le Toji. D’autant plus que Monsieur Sato ne semblait lui pas le moins du monde affecté par la chaleur, il vadrouillait aux quatre coins de la pièce avec la même aisance et rapidité que tout à l’heure.
« L’étape suivante est celle du shubo. On prépare un pied de cuve, comme voici, dans lequel nous mettons un peu de Koji, du riz cuit et de l’eau. On y ajoute également des levures qui vont aider à la fermentation. Ce sont les levures qui feront tout le travail, elles vont transformer le sucre du Koji en alcool. Il faut bien laisser macérer le Shubo pendant deux semaines ensuite. »
Le vieil homme se mit subitement de nouveau en route, sortant de la pièce sans prévenir. Mathéo échangea un regard circonspect avec son professeur, prit de court par la soudaine disparition du petit bonhomme. Il lui fit signe de s’activer, se précipitant pour traverser la porte que l’artisan venait de refermer derrière lui. Quelque chose lui faisait se dire qu’il serait tout à fait capable de continuer la visite sans eux s’ils ne se pressaient pas. Heureusement, la pièce suivante retrouvait des températures et un taux d’humidité plus supportables. Il y faisait tout de même encore un peu trop chaud pour le pauvre Mathéo qui du essuyer son front d’un coup de manche pour ne pas dégouliner sur son cahier.
« Dépêchez, dépêchez ! » les toisa sévèrement Monsieur Sato en tirant sur sa moustache, avant de reprendre: « Ce sont ici que sont entreposées nos cuves. Elles servent toutes à l’étape du moromi. Pendant plusieurs jours, l’alcool y fermentera. Le premier jour, on dispose le shubo dont on double le volume en ajoutant du riz cuit et de l’eau. ». D’un air malicieux, il leur fit signe de s’approcher de l’une des cuves, tendant l’oreille vers elle. « Au deuxième jour, on peut entendre la douce mélodie du riz qui danse… Écoutez donc, rapprochez vous. » leur dit-t-il en chuchotant, fermant les yeux pour profiter pleinement de l'émerveillement de ses sens. Mathéo se gratta la nuque, gêné à l’idée que le vieil homme puisse avoir perdu la tête mais il se prêta tout de même au jeu, encourageant des yeux Ogawa sensei à en faire de même. Ce n’était pas le moment de vexer le brasseur. « … C’est… agréable à entendre... » tenta Mathéo. Il entendait bien un léger crépitement mais de là à parler d’une douce mélodie… « N’est-ce pas, Ogawa-sensei ? » jeta-t-il le bébé dans les bras du jeune enseignant. Monsieur Sato releva des yeux attentifs sur le pauvre bougre, s’attendant à recevoir ses critiques les plus qualitatives.
![Tourisme de précision pour amateurs avertis [Mathéo ft Yukio] Seitom10](https://i.servimg.com/u/f50/20/46/79/93/seitom10.jpg)
- Yukio OgawaPersonnel ; prof d'histoire-géo■ Age : 28■ Messages : 287■ Inscrit le : 09/05/2021■ Mes clubs :
Mon personnage
❖ Âge : 27 ans
❖ Chambre/Zone n° : 1
❖ Arrivé(e) en : Fin Janvier 2017
Re: Tourisme de précision pour amateurs avertis [Mathéo ft Yukio]
Yukio n'en revenait pas. Cette saleté de mioche impertinent venait de jeter son professeur sous le bus sans une once de compassion, à la manière d'un félin grognon filant un coup de patte à son éventuel colocataire d'arbre à chats, précipitant son congénère dans le vide avec un regard méprisant. Le professeur réprima un sourire. Il aurait eu beau jeu de faire les gros yeux, il adorait ça. En dépit de ses airs empreints de verticalité respectueuse, l'irrévérence lui plaisait, en particulier lorsqu'elle se faisait subtile. L'insolence était un art difficile à manier pour qui voulait le pratiquer sans y laisser des plumes, et Mathéo avait encore un joli duvet aviaire. L'enseignant aurait bien eu envie de tapoter sur la tête de son apprenti pour le féliciter, à la manière d'un maitre gratifiant son disciple d'un contact aussi bienveillant que fraternel, mais l'heure n'était pas encore aux cérémonies monastiques.
Les yeux du vieux Sato étaient rivés sur lui, remplis d'attentes désireuses de se voir comblées, le fixant avec la puissance propre aux poursuivants d'un prophète. En cet instant, pour le brasseur comme pour le fils prodigue, pour la canne comme pour la plume du scribe, il était l'élu. Il lui revenait d'apporter l'équilibre dans la Force, et d'assouvir par la pureté de son homélie les désirs d'éternité de la parcimonieuse assistance. Il était investi d'une mission aux accents divins, et il comptait bien s'en montrer digne. Ouvrez grand les mirettes jeune Takahashi, soyez témoin, il est temps pour le messager du ciel d'exalter le cœur des fidèles.
Yukio prit une inspiration des plus mystiques, fermant les yeux pendant quelques instants, à la manière d'un esthète plongé dans une profonde réflexion, puis il parla, étoffant sa voix d'une pulpe lyrique et passionnée:
- Le riz, Monsieur Sato, je l'entends. Je l'entends qui instille dans l'air le rythme de sa propre transformation. C'est à la fois doux et pétillant. Lorsque l'on abandonne son oreille toute entière à l'ambiance de l'instant, on le sent qui imprime sur l'atmosphère ses vibrations les plus infimes, à la manière de cordes glissant leurs harmonies dans l'éther. Le riz, Monsieur Sato, il ne danse pas, il chante, il psalmodie, il ânonne des mantras comme un chœur de moines en transe, il récite comme un millier de talmudistes, il prie, avec déférence, comme suspendu de recueillement face au poids de son propre avenir. C'est si beau, c'en est presque troublant. C'est comme si votre création savait rendre hommage, par barcarolles et cantilènes, aux siècles qui habitent ce lieu, faisant résonner dans l'acoustique des traditions millénaires qui peuvent l'habiller des incantations prosodiques. Ce n'est plus seulement beau, c'est à la fois tragique et magnifique, c'est émouvant, et bouleversant. Il coule dans l'air la musique ineffable de l'éternité, lavée du superflu, et c'en est proprement saisissant.
Il prit un air affecté, cérémonieux, donnant l'impression d'avoir été sonné par une expérience poignante à même de changer son existence. Le regard fixe, dans le vide, la cornée humide, il donnait l'apparence d'être encore noyé dans un désarroi des plus désarmants.
Face au calme tissé de gravité qui s'était installé, Monsieur Sato finit par rompre le silence:
" Oui enfin c'est juste des petites bulles quoi. "
Tout en maintenant ses yeux précipités dans le vide, le professeur eut un petit mouvement d'acquiescement, répété, à la manière d'un accidenté en état de choc, et il murmura, sans cible précise, comme s'il s'agissait d'un aphorisme des plus conceptuels:
- Des bulles, juste des bulles...
Le brasseur paniqua légèrement des lignes de mires, cherchant à se rassurer dans celles de Mathéo, et lui lança avec gêne, sur un ton volontairement entendu:
" Bon, c'est pas tout ça, faut qu'on avance hein. "
- Contenu sponsorisé
Re: Tourisme de précision pour amateurs avertis [Mathéo ft Yukio]
|
|