Ne me déteste pas, encore une fois, s.v.p.

En vrai… Encore aujourd’hui je me demande ce qui m’a poussé à accepter son offre. Je me trouve juste COMPLÈTEMENT débile de l’avoir fait. En plus, je me dis que c’est une mauvaise idée. Je ne sais pas comment ça va se terminer, mais voilà.

Ça fait quelques jours que je dors mal. Non pas que mes études ou les exams me stressent… Si ce n’était que ça… Non, je suis stressée à cause de ce stupide rendez-vous avec le cousin débilos de Meyuki (je t’aime Meyu, mais ton couz’ sérieux). Bref. La journée même, je n’ai pas trop eu le choix de me mettre jolie. Il m’a « imposé » un code vestimentaire. Un truc un peu chic. Il veut m’amener où celui-là (wesh) !? En même temps, pour un rendez-vous, j’allais pas mettre n’imp’ non plus, faut pas exagéré.

Sauf que je ne savais pas quoi mettre. Ça été l’enfer avant de m’entendre pour ce que j’allais porter pour cette soirée. Pire encore, j’ai pris des photos pour les envoyer à Meyuki et Sumire, me disant que ça m’aiderait. J’ai longuement hésité entre deux outfits. Le premier était une jupe noire satinée, avec un pull jaune moutard (j’aurai pu être la colonelle Moutarde !) Sauf que finalement, j’y suis allée un peu plus sobre au final… Enfin, les filles y sont allées avec un ensemble plus sobre. Un chandail à manche longue moulant, une jupe grise assez chaude des collants transparents avec de petits pois noirs. Ensuite, pour sortir à l’extérieur avec ces temps assez frais. C’est pas les -30 degrés des hivers canadiens, mais ça reste assez froid pour que je veuille mettre un manteau bourgogne que j’aime trop et j’opte aussi pour un petit bonnet d’un gris pâle.

Me voilà enfin prête. Un petit sac à main noir et hop, me voilà partie en direction de notre lieu de rendez-vous, un peu d’avance. Je n’aime pas être à l’heure, encore moins en retard. Je n’aime pas faire attendre les gens et de toute façon, je suis tellement stressée, qu’il m’est impossible d’attendre plus longtemps.

J’comprends même pas pourquoi je suis stressée. Il n’y a aucune raison particulière pour l’être. C’est juste un rendez-vous, avec un mec chelou, qui m’offre de la bouffe gratuite ?

J’avais un ami avant qui disait FREE FOOD. Voilà, c’est tout. Il n’y a pas d’autres raisons. Ce n’est pas nécessaire qu’il y ait d’autres explications. Je vais seulement bien manger. S’il y a un problème… J’appellerais quelqu’un pour qu’il ou elle vole à mon secours. J’sais pas qui, mais je suis certaine que je trouverais quelque chose.

Je le vois qu’il arrive et je suis encore plus nerveuse. Genre mes mains sont moites. C’est trop nul quand ça arrive ! J’ai rien demandé, c’est juste un gars banal comme Lawson ou l’autre… Il arrive à ma hauteur et je fais un peu mine style que je ne l’observe pas depuis un bout, genre ah ! Ce qu’il est beau le sol ! Et le ciel aussi… Il est en mode qu’il veut déjà se coucher.

- Euh… Non pas tellement. J’suis juste arrivée plutôt.

Je trouve ça super malaisant. On dirait que je ne sais juste pas quoi lui dire. Le texter c’était plus facile finalement que de lui parler. Je passe une mèche de cheveux rebelle derrière mon oreille. J’suis partagée entre demander où on va ou poser une question débile.

- Ça va ?

C’est la deuxième option qui est sortie de ma bouche.

J’en ai marre de moi-même des fois.




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Lien vers l’ensemble d’Emma : https://i.pinimg.com/564x/cf/04/58/cf04589097ea9e0e7fe63bad69fc6c21.jpg

Naoki commence à aller en une direction et je le suis. Je fais de mon mieux pour être à sa hauteur, mais le vilain à de grandes jambes, ce qui n’est pas des plus facilitant. Je ne dis rien, parce que je ne veux pas passer pour une chialeuse.  

Je ne peux pas m’empêcher de ronchonner un peu dans mon coin quand il dit qu’il est en jolie compagnie. J’veux dire, ça va, j’suis pas le top modèle de KHS quoi ! Je suis juste une fille particulièrement banale. Sinon, ça veut dire qu’il ne voit pas trop souvent des blondes aux yeux dans les parages. En tout cas. J’ai mon teint qui vire légèrement dans le rouge, mais je m’épargne bien de le lui montrer. Non mais, je ne vais pas lui laisser ce mérite ! D’un autre côté, je suis méga prête pour du Free Food, comme une connaissance de jadis, naguère dirait. Pendant un moment, je me perds dans ma tête, me demandant s’il lui arrive encore de penser à moi.

À cause de ça, j’échappe légèrement sa question, enfin, ses questions. Je secoue la tête, me réveillant de ce moment d’inattention, clignant momentanément des yeux avant de réaliser tout ce qu’il vient de me dire.

- Oui ! J’ai plutôt hâte de voir où nous allons manger. D’ailleurs, où va-t-on ?

En même temps, c’est comme une façon subtile et bien efficace de s’informer à savoir où je vais. Je pourrais l’écrire aux filles, comme ça, si je ne reviens pas vivante de ce « rendez-vous qui n’est pas une date », elles sauront où chercher en premier.  

Genre dans la chambre du Harada, par exemple.  

J’ai des visions d’horreur qui me popent dans ma tête. Je m’imagine comme être momifiée et qu’il me garde caché. Finalement, ce rendez-vous n’était peut-être pas la meilleure des idées.  

Les allergies. Ah. Ouais.  

- Euh, non, je n’ai pas d’allergies ou intolérances… Quoi que le Natto ce n’est vraiment pas mon fort…

Non mais le Natto c’est comme la vegemite ou la marmite, c’est le genre de trucs que tu veux 1. Ne pas connaître 2. Ne pas sentir 3. Ne pas goûter. Parce que dans tous les cas, tout le monde sait que ce n’est pas bon. J’sais pas exactement pourquoi je sais ce genre d’informations, des fois, il vaut mieux ne pas se poser de questions, Je pense que c’était pour un défi complètement idiot avec une amie, il y a un moment.  

L’autobus pointe le bout de son nez et s’ouvre devant nous au moment où j’ai terminé de lui donner ma réponse. Je m’engouffre dans le bus pas trop bondé et je vais m’installer où le Harada pourra s’installer à mes côtés.

C’est ce genre de moment où je me sens plus ou moins à l’aise. Je me dis qu’il pourrait toujours se passer des tonnes de trucs chelous. Mais j’essaie de me raisonner. Surtout qu’on est au Japon, ce qui est beaucoup moins pire que les rues de Montréal. Je crois que c’est surtout la nervosité qui me gagne et qui me fait surtout penser au pire alors que je sais bien qu’il ne se passera rien du tout.  

Anyway, s’pas une date.

Je regarde l’extérieur et j’ai un élan de nostalgie. Je me dis que la grosse neige canadienne me manque… Même si je me passerais bien des -30 degrés Celsius.

Bon, visiblement, il ne lâchera pas le morceau. Je ne suis pas à veille de savoir où on va aller manger. J’ai à un certain moment donné un petit haussement d’épaule, bien que ça m’intrigue, j’admets que ça m’importe peu au final. Le plus important, c’est qu’il ne se pousse pas en courant au milieu du repas et que je reste pognée avec la facture à la fin. Parce que s’il me fait ça, clairement qu’il va m’entendre pendant un esti de moment. Non mais ça ne se fait pas ses affaires-là.  

Bref. Je ne crois pas que ce soit son genre. Je pense qu’il est quand même assez ratoureux, mais pas au point de partir sans payer. Ça ne me rassure pas pour autant, je dois quand même l’admettre.  

Je suis dans ma bulle et j’entends un peu trop son « hey » qui me fait sursauter. Non pas qu’il était particulièrement fort, c’est surtout qu’il était doux et chaleureux. Je ne peux pas m’empêcher de rougir bien malgré moi. Je ne sais pas pourquoi. J’veux dire, c’est juste un « hey » comme les autres. J’suis bizarre aujourd’hui.  

J’étais juste dans ma bulle, c’est probablement que pour ça.  

Il m’annonce le trajet qu’on a à faire. Rien de bien compliqué. J’hoche de la tête en guise d’accord, tout simplement. Je ne sens pas que les mots sont nécessaires pour l’instant. En même temps, je commence à me sentir un peu mieux, plus que le trajet est parcouru. Le silence n’est pas vraiment gênant… Je suis juste bien. C’est difficile à expliquer.

Je me suis sentie un peu bousculée dans le métro, mais rien de bien méchant. Ce n’est pas le transport en commun dans lequel je me sens la plus à l’aise, bien que je l’ai pris de nombreuses fois quand j’étudiais à Montréal.  Bref. Je suis bien soulagée de respirer de l’air frais et je pousse un bon soupir de contentement.  

Harada m’interpelle une nouvelle fois, me demandant si je vais bien. J’ai un nouveau sursaut, comme si je ne réalisais pas tout à fait que je n’ai pratiquement rien dit du trajet. Je m’empresse de lui répondre :

- Ah non, tout va bien ! Pour cinq minutes, ça ne vaut pas la peine qu’on s’assoit. Je me disais juste que les grosses bordées de neige me manquent. Je te suis.

Je pensais à tellement d’affaires différentes qu’il est bien difficile de lui énumérer le tout sans que ça soit embarrassant. Mais c’est vrai que la neige de Montréal me manque beaucoup.  

Pas vraiment le choix de le suivre. Je vois pas mal où nous sommes dans Kobe. J’ai eu le temps de réexplorer un peu la ville depuis mon retour. Il y avait des trucs que je me souvenais, des choses qui ont changé, mais je dois admettre que les bonnes adresses restent bien souvent les mêmes… Sauf quand elles ferment. Ça c’est triste.  

Je me trouve idiote de ne pas savoir quoi lui dire. Je me dis que si je faisais exactement la même chose avec Meyuki, avec Sumire, je suis certaine que la conversation serait interminable… Ou même avec d’autres garçons. Je trouverais très certainement un moyen pour les embêter, leur lancer des piques. Mais là, en ce moment, avec le Harada… J’sais pas.  

J’suis presque drôlement calme. Assez que ça pourrait presque faire peur. Il va probablement me trouver hyper bizarre à ne pas parler plus qu’il faut. Chaque chose en son temps.

- Meyuki m’a dit que ça faisait pas hyper longtemps que tu étais arrivé à KHS, c’est seulement parce que ta couz’ y est ? Ou il y a une autre raison qui t’a poussé à venir ici ?

En même temps, KHS a quand même une réputation qui va jusqu’à l’internationale. C’est peut-être ça qui l’a poussé. Vouloir rencontrer des gens d’un peu partout dans le monde.  Ça peut être une raison assez valable pour y aller. En même temps, il est japonais, choisir une université ce n’est pas quelque chose de trop difficile… Après en trouver une bonne, c’est un tout autre sport. J’me demande il vient de quel coin le Harada.

Finalement, j’ai peut-être une couple de question pour lui.  

Le Harada peut être un vrai moulin à parole des fois. Je le laisse parler sans l’interrompre… de toute façon, ce n’est pas particulièrement poli. Donc, c’est en partie à cause de Meyuki. Je me demande ce qui ne l’a pas poussé à venir plutôt à KHS. Je veux dire, ça fait quand même assez longtemps que Meyuki y étudie. Je suis quand même intriguée de savoir ce qu’il va faire avec des études en musique ou le théâtre.

- Tu sais ce que tu vas faire après tes études ? Tu as raison quand tu dis que ce n’est pas facile de percer dans la musique ou le théâtre. Genre tu voudrais faire des comédies musicales ? Puis faire des concours comme American Idol ou juste faire parti d’un groupe

Genre, en fait, il est peut-être le prochain Adam Lambert et on ne le sait pas. Je ne suis pas hyper sérieuse en lui disant tout ça… Mais d’un autre côté, je me demande sincèrement ce qu’il va pouvoir faire dans un domaine artistique. Trouver du travail dans ça, c’est tellement difficile ! J’aimerais tellement devenir une danseuse pro’ mais les probabilités sont tellement faibles – même si je suis nulle en math, je suis capable de comprendre ça assez facilement – que j’ai préféré mettre mes œufs dans un autre panier.

Harada me demande ce qui m’a poussé à étudier au Japon. Sur le coup, j’ai envie de dire beaucoup de choses, mais je me permets d’y aller un peu plus dans les détails.

- Mmh. Beaucoup de choses. J’avais déjà étudié ici il y a quelques années et ça me manquait. Et j’étais déprimée. J’avais besoin de changer d’air et me retrouver ailleurs. Mes parents m’ont fait ce beau cadeau, de pouvoir revenir à Kobe. Enfin… À condition de repasser les examens et tout ça.

Et que mes notes s’améliorent, mais ça, honnêtement, ça n’a pas été quelque chose de difficile. Je « pète » des scores depuis que je suis revenue au Japon. Ça me fait un bien fou. Ok, j’admets aussi que j’ai encore un peu de mal avec mon japonais par moment, mais pour l’essentiel, je m’en sors fort bien et je suis somme toute assez fière de moi.

J’ai passé outre l’histoire du copain toxique qui voulait me pourrir la vie, je n’ai pas trop envie d’en parler au Harada. J’veux dire, il n’a pas besoin de le savoir… Sauf si Meyuki lui a déjà raconté. Mais je ne crois pas que ce soit quelque chose qu’elle aurait fait.

- J’fais histoire-géo, psycho et danse.

Et à chaque fois que j’y pense, je me dis que mon choix de cours est juste vraiment étrange et que j’aurais dû prendre des choses qui vont mieux ensemble. Mais ça, c’est mon problème… Puis, j’aime ça à vrai dire.

Bon, il est plus team théâtre que musique. Bon. Sauf qu’il doit quand même casser les oreilles lorsqu’il se met à jouer. J’dis pas qu’il joue mal, j’en sais absolument rien anyway. Mais disons que bon voilà quoi. Ça doit faire du bruit et tout. Le théâtre c’est moins pire, ou mieux. Personnellement, ça me donne la chaire de poule. Je n’aimerais pas m’exposer devant tout le monde pour dire un texte que j’aurais trop peur d’oublier. C’est vraiment mieux avec la danse, c’est beaucoup mieux. C’est certain que je dois me souvenir de tous les mouvements, mais au moins, ce n’est pas parler. Et puis, si je me trompe, c’est un peu plus subtil disons que si je suis seule, il y a moyen de me rattraper.  

Mais faire des représentations, ce n’est pas forcément ce que j’aime le plus. Ce que je préfère avec la danse, c’est lorsque je suis seule dans une salle et que je peux bien faire tout ce dont j’ai envie, avec la musique que j’ai envie. Danser comme je l’entends au rythme qui me plaît et tout, c’est vraiment du pur plaisir.  Même si j’aime aussi créer, faire des choré avec des personnes du cours ou du club.

Harada me dit que je suis aussi une artiste. C’est vrai. Je n’y avais plus ou moins pensé. C’est vrai que c’est un art… Mais je ne me considère pas tellement comme une artiste. Je me considère juste comme un humain normal, c’est déjà bien assez. C’est pour ça que je lui réponds, mais plutôt pensive, parce que je ne suis pas convaincue :

- Euh oui, quand même, je suis un peu un artiste.  

Au moins, on n’a pas besoin de meubler plus longtemps la conversation, nous arrivons au restaurant. Je dois admettre que j’ai quand même un petit creux et ça va me faire bien plaisir de manger un morceau, ou deux, ou plein. Je ne dis rien pendant que Harada s’arranger avec sa réservation. Il était assez sérieux pour bien vouloir prendre une réservation dans le resto. C’est quand même bien. J’veux dire, il ne fait pas ça à l’arrache. Je suis l’hôtesse et Harada par le fait même et on s’installe à une petite table. Je regarde le menu. Des sushis.

Classique. J’vais pas cracher sur des sushis en vrai, c’est somme tout très, très bon.  J’aime bien les sushis. Je me lasse pas encore de la nourriture japonaise… Même si certains trucs québécois me manquent quand même. Genre une journée comme aujourd’hui, manger un bon pâté chinois, ou une poutine ça fait toujours du bien. Surtout le fromage.

Mais pas de fromage en grain sur des sushis ou dedans. Jamais.

Harada capote vraiment trop pour rien. Il insiste pour qu’on change d’endroit si je n’aime pas les sushis. En vrai, si t’aime pas le poisson, t’es vraiment triste au Japon. C’est juste une réflexion niaiseuse qui me passe par la tête.  Je roule légèrement des yeux avant de lui dire :

- Non mais ça va, relax. C’est bon des sushis. Pas besoin de bouger.  

Je regarde les sushis, mais en vrai, il y en a tellement que je ne sais pas ce que je vais prendre. Je sais que ça va être bien et tout, mais euuuh. Avec une bonne carte, je ne sais pas ce qui me plaît le plus.  

Je me déteste parce que je suis une éternelle indécise lorsque vient le temps de prendre des trucs à manger.  Je me gosse. Ça me rend nerveuse de devoir

- Toi y’a des trucs qui te tente ? C’est la première fois que tu viens manger ici ?

J’serai pas surprise s’il me dit qu’il y amène toutes les filles qu’il date en vrai.