Une journée spéciale (Terminé)

La remarque de Beck fit naître un sourire sincère sur les lèvres de Jin, un sourire qui n'avait rien d'une façade cette fois. Elle avait ce don, cette manière bien à elle de glisser des piques légères et enjouées, capables d’alléger n'importe quelle atmosphère. Il posa délicatement ses baguettes sur le bord de son assiette, ses yeux d’un brun profond rencontrant ceux de Beck.

-« Un bon disciple, hein ? »

L'homme sourit en hochant la tête, un éclat amusé dans le regard et reprit.

-« Je pense que tu n’as pas tort. Harumi était… exigeante, disons. Je me souviens qu’elle n’hésitait pas à m’engueuler si je ne coupais pas les légumes correctement. Une vraie furrie ! »

Ashina ria doucement à ce souvenir, mais derrière ce rire se cachait une douce mélancolie. Les images jaillirent dans son esprit avec une netteté douloureuse : Harumi, adolescente, penchée sur une planche à découper, ses longs cheveux attachés en une queue de cheval pratique, son sourire déterminé et un peu moqueur lorsqu’il tentait maladroitement d’imiter ses gestes précis. « Si tu veux cuisiner, fais-le bien ou passe ton tour, Jin ! » l’entendait-il encore dire, sa voix vive résonnant dans sa mémoire. Ils avaient éclaté de rire ce jour-là, et il se rappelait encore le goût de leur premier plat réussi : un curry japonais qui lui avait semblé être le meilleur repas de sa vie.

Son sourire se fit plus doux, presque imperceptiblement triste, alors qu’il reprit la parole :

-« Elle m’a appris tout ce que je sais en cuisine. Je crois que, d’une certaine manière, elle voulait que je garde une part d’elle avec moi… même sans le savoir. »

Le professeur baissa un instant les yeux sur son assiette, jouant distraitement avec une tranche de légume. Le souvenir d’Harumi pesait sur son cœur, comme un mélange d’apaisement et de douleur. Mais il releva rapidement la tête, ne voulant pas assombrir le moment. Oribe méritait mieux que ça.

-« Mais tu sais, toi aussi tu as un bon instinct pour la cuisine, apprendre par soi-même, c’est admirable. Je suis sûr que tes plats sont bien meilleurs que tu ne le penses. Et, entre nous, l'instinct en cuisne... C’est exactement ce qu’Harumi prônait. Elle aurait sûrement adoré goûter tes plats. »

L'homme accompagna ses paroles d’un sourire chaleureux, cette fois pleinement tourné vers sa récente compagne. Sa présence avait quelque chose de réconfortant, de lumineux, et il voulait s’accrocher à cette lumière, même si une part de lui restait obstinément tournée vers le passé. Il voulait lui donner, à elle, tout ce qu’il avait peut-être raté avec Harumi : des rires, de la complicité, et surtout cette attention qu’il n’avait pas toujours su offrir à son premier amour.

Lorsque Beck plaisanta sur le jogging matinal, Jin ne put retenir un léger rire, un éclat plus spontané cette fois. Il s’adossa légèrement à sa chaise, croisant les bras dans une posture décontractée.

« Toi ? Courir à sept heures du matin ? »

Il secoua la tête avec un sourire taquin.

-« J’ai du mal à y croire. Mais qui sait ? Peut-être qu’un jour, je tenterai l’expérience. Tu pourrais être surprise de voir à quel point le monde est beau à l’aube. »

Ashina prit une gorgée d’eau, son regard se perdant un instant dans le vide, comme si ses pensées l’avaient brièvement emporté ailleurs. Le monde à l’aube… Il se souvenait des matins où lui et Harumi s’échappaient tôt de la maison pour rejoindre la plage, encore déserte. Ils s’asseyaient côte à côte, partageant un petit déjeuner improvisé, et parlaient de tout et de rien, leurs pieds effleurant le sable humide. Harumi adorait ces moments simples. Il se demandait parfois si Beck les apprécierait autant, si elle aussi pouvait trouver la beauté dans ces petits instants volés à la routine.

« Enfin, ne t’inquiète pas, je ne te forcerai pas à courir. Pas tout de suite, en tout cas. Mais si jamais tu changes d’avis, je suis là. »

Pour une fois, Jin se sentait satisfait, non seulement du plat, mais aussi de l’atmosphère qu’ils avaient su construire ensemble. Ce n’était pas parfait, loin de là, mais c’était réel. Et cela, à ses yeux, avait plus de valeur que tout.

Jin posa ses baguettes sur le bord de son assiette, s’adossant légèrement à sa chaise. Le repas était presque terminé, mais il savourait encore les saveurs qui dansaient sur son palais. La voix de Beck, douce et légère, résonnait dans l’intimité de la pièce. Il l’écoutait parler de son père, des souvenirs qu’elle semblait raviver sans tristesse, mais avec une certaine nostalgie.

-« Je vois, j'ai maintenant juste envie de goûter un de tes plats... Tu n'as pas besoin de ça pour que je reste avec toi... »

L'homme baissa les yeux vers son assiette vide, un sourire discret toujours accroché à ses lèvres. Beck avait ce don de transformer un moment simple, comme un repas, en quelque chose de chaleureux. Ashina, qui d’ordinaire ne s’attardait pas sur ces détails, se surprit à apprécier chaque instant passé en sa compagnie. Il posa doucement ses mains sur la table, jouant distraitement avec le bord de son verre.

Quand elle évoqua, presque sur un ton de défi, l’idée de courir avec lui au lever du soleil, il laissa échapper un rire franc et sonore. Un rire vrai, qui faisait vibrer son torse.

-« Toi, courir à l’aube ? Je te connais, Beck. Je te donne trois minutes avant que tu ne maudisses le froid, le manque de sommeil, et… tout le reste ! »

Plaisanta-t-il, un éclat de malice dans les yeux.

-« Mais si jamais tu es sérieuse, je veux bien te voir essayer. On verra si tu tiens plus d’un tour de piste. »

Le veuf l’observa un moment, la tête légèrement inclinée, son sourire s’adoucissant. Oribe avait cette façon unique de mêler spontanéité et réflexion, un mélange qui la rendait fascinante. Jin, pourtant d’un naturel pragmatique, se surprit à penser que peut-être, elle pouvait vraiment le suivre là où il irait. Peut-être qu’il n’était plus seul après deux ans d'égarement douloureux.

Il détourna les yeux vers l’horloge murale, réalisant que le temps s’était écoulé plus vite qu’il ne l’aurait cru. Lorsqu'ils finirent de manger, le japonais se leva, ramassant son assiette et la sienne, comme pour masquer la chaleur soudaine qui lui montait au visage.

-« Il est déjà si tard... Ça te dérange si je reste ici ce soir ? Je sais, je ne devrais pas m’incruster, mais franchement, j’ai pas envie de rentrer tout de suite. »

Il se tourna vers elle, un éclat dans le regard empli de tendresse envers son hôte.

-« En attendant, on pourrait se poser un peu. T’as envie de regarder un film ? Ou on sort la console, si tu veux te mesurer à moi. Mais je te préviens, je serais sans pitié pour toi. »

Il s’appuya contre le comptoir, bras croisés, son sourire toujours présent. La chaleur du repas, la lumière tamisée de l’appartement, la présence de Beck… tout semblait si naturel, si apaisant. Jin se surprit à vouloir prolonger cet instant, à en savourer chaque seconde, comme un répit bienvenu dans le tumulte de son quotidie

21:54:14

Jin s'approcha doucement de Beck alors qu'elle commençait à rassembler les assiettes, un sourire en coin étirant ses lèvres. Il attrapa l'éponge qu'elle tenait, ses doigts frôlant légèrement les siens, avant de la regarder avec une lueur malicieuse dans les yeux.

-« Pas question, c'est ton anniversaire. Laisse-moi m'en charger. »

L'homme se tourna vers l'évier pour faire couler l'eau chaude. Tout en rinçant les assiettes, il jetait des regards furtifs à Beck. Elle était radieuse, ses gestes simples empreints d’une douceur naturelle. Ashina, pourtant habitué à une certaine routine solitaire, se surprit à apprécier ce moment de banalité partagée.

Ses pensées, cependant, dérivèrent vers Harumi. Elle aussi avait cette façon d'insister pour tout faire elle-même, même les jours où il aurait voulu qu'elle se repose. Un pincement au cœur lui rappela à quel point il avait aimé ces instants où elle riait, où elle se débattait avec lui pour une éponge ou un torchon. Pourtant, ce n'était pas la même chose avec Beck. Avec elle, il ne ressentait pas ce poids d'un passé qui l'accablait, mais plutôt une légèreté différente, comme s’il se permettait d’espérer autre chose.

Une voix le tira de ses pensées.

-« Je peux te prêter un tee-shirt et un jogging si tu veux pour dormir. »

Elle avait rougi en prononçant ces mots, et Jin ne put s'empêcher de rire doucement, ce son grave et chaleureux emplissant la pièce.

-« Oribe-chan, sérieusement ? Je vais te déchirer tes vêtements ! Tu crois que je suis une femme à pouvoir entrer dans un de tes joggings taille XS ? »

Le japonais secoua la tête en riant à nouveau avant de continuer à laver. Mais derrière son sourire, Jin sentait cette contradiction qui le tiraillait. Beck le faisait rire, elle le faisait se sentir vivant. Et pourtant, dans un coin de son esprit, Harumi restait une présence constante. Était-il injuste envers Beck de ne pas pouvoir entièrement la laisser derrière lui ?

Lorsqu'il eut fini la vaisselle, il la suivit dans le salon. La lumière tamisée donnait à la pièce une ambiance chaleureuse, les chats déjà installés sur le canapé, comme s’ils attendaient leur moment de tranquillité à partager avec les deux humains. Beck alluma la console, laissant défiler l’écran d’accueil où plusieurs jeux s'affichaient. Jin s’installa sur le canapé, observant Beck avec un regard attendri.

-« Alors, tu veux jouer à quoi ? »

Jin pencha la tête, réfléchissant.

-« Minecraft, ça te dit ? Ou Rocket League ? »

Beck acquiesça avec enthousiasme, mais avant qu’elle n’ait pu se rasseoir, Jin se leva et s’approcha d’elle. Avec douceur, il posa ses mains sur ses épaules, puis la tira doucement contre lui. Son menton effleura ses cheveux, et il inspira son odeur, un mélange délicat de vanille et de savon.

-« Oribe-chan...Je dors où ce soir ? Canapé ou… autre ailleurs ? »

Il avait voulu que la question semble légère, mais une certaine tension transparaissait dans ses mots. Son cœur battait plus vite, partagé entre l’idée de se rapprocher d’elle et celle de franchir une frontière qu’il n’était pas sûr d’être prêt à dépasser. Pourtant, à cet instant, alors qu’elle était contre lui, il ne pensait ni au passé ni au futur. Seulement à elle.

Ashina était assis sur le bord du canapé, concentré, mais pas aussi confiant qu’il aurait aimé l’être. Rocket League n’était pas vraiment son terrain de prédilection, et ça se voyait dès les premières secondes de jeu.

Ses sourcils froncés trahissaient un mélange de détermination et de frustration. Sur l’écran, sa voiture dérapait de manière erratique, ratant le ballon à chaque tentative. Jin soupira en serrant un peu plus fort sa manette. Ce n’était pas censé être aussi difficile. Pourtant, chaque mouvement semblait aller à l’encontre de sa volonté.

-« C’est ridicule… »

Il n’était pas du genre à se décourager facilement, mais il commençait sérieusement à douter de ses compétences. Pire encore, il venait de marquer un auto-goal. Jin s’immobilisa, fixant l’écran comme si sa voiture avait trahi un code d’honneur tacite.
Un rire nerveux s’échappa de ses lèvres.

-« Bravo, Ashina. Si c’était une compétition de sabotage, tu aurais décroché le ballon d’or. »

le japonais relâcha ses épaules, essayant de se détendre. Après tout, ce n’était qu’un jeu, non ? Pourtant, quelque chose en lui voulait faire bonne figure. Ce n’était pas une question d’ego, mais un besoin presque instinctif de prouver qu’il pouvait, pour une fois, être maître de la situation, même dans un contexte aussi trivial.

Jin essaya une nouvelle stratégie. Plutôt que de jouer sérieusement, il se laissa aller à un style de jeu... Bien plus chaotique. Si le ballon semblait insaisissable, il pouvait au moins interférer avec tout ce qui bougeait sur le terrain. Il commença à foncer droit sur le véhicule de Beck, délaissant toute prétention à jouer correctement.

-« Si je ne peux pas marquer, personne ne le fera ! »

Il se surprit à s’amuser. Chaque collision provoquait un petit frisson de satisfaction. Bien sûr, il continuait à perdre, et largement, mais au moins, il avait trouvé un moyen d’exorciser un peu de sa frustration. Ses mouvements devinrent plus fluides, moins crispés, et son rire, rare ces derniers temps, résonna doucement dans la pièce.

Malgré tout, le sportif restait un goût amer. Ce n’était pas vraiment le jeu qui le dérangeait. Ce moment léger et simple aurait dû être une bouffée d’air frais, mais une ombre planait au-dessus de lui, invisible mais pesante. Il avait l’impression qu’il ne méritait pas cette légèreté.

Jin posa la manette sur ses genoux après une énième défaite, s’étirant lentement. Son regard glissa vers le canapé, puis vers la porte de la chambre. Il savait déjà qu’il ne dormirait pas beaucoup cette nuit, peu importe l’endroit.

-« Pour ce soir... Le canapé fera l’affaire, si tu le souhaites. »

Il s’enfonça un peu plus dans le dossier du canapé, contemplant le plafond. Ses pensées dérivèrent, comme elles le faisaient toujours dans ces moments de calme forcé. Ashina se demandait s’il avait le droit à ce genre de répit, même si ce n’était qu’une soirée insignifiante.

Un soupir s’échappa de ses lèvres. Il ferma les yeux, tentant de chasser le poids de la culpabilité qui s’insinuait doucement, comme une vague revenant inlassablement à la rive.

Jin posa la manette sur la table basse avec un soupir qui se transforma en un rire. Un rire franc, léger, comme si le poids de sa maladresse virtuelle venait de s’évaporer. Il passa une main dans ses cheveux, ébouriffant ses mèches sombres, tandis qu’un sourire éclatant illuminait son visage.

-« Ravi de voir que tu prends autant de plaisir à m’humilier... » 

Ses mots étaient enduit de taquinerie, accordé à son regard pétillant d’un mélange de malice et de tendresse.
La remarque de Beck résonnait encore dans sa tête. Elle voulait qu’il reste. Pas par politesse ou pour combler un silence gênant, mais parce qu’elle le voulait vraiment, tout simplement. Cette sincérité touchait quelque chose en lui, le désarmant un peu plus à chaque instant qu’il passait à ses côtés.

Il se redressa lentement, s’appuyant sur ses genoux, avant de se lever complètement. Ses épaules s’étirèrent dans un mouvement paresseux, une tentative pour relâcher la tension accumulée dans son corps face à la défaite vidéoludique qui s'était prodilée jusqu'à devenir illéluctable. 
Ashina tourna légèrement la tête vers son hôte, ses yeux plongés dans les siens, et il laissa échapper un nouveau rire, plus doux cette fois.

-« Dormir avec toi ? Bien sûr que je veux. Je n’allais pas te laisser seule dans ta chambre pendant que je me tortille sur ce canapé trop petit où je devrais faire une guerre de territoire avec tes chats. »

Il tendit la main vers elle, ses doigts légèrement écartés, l’invitant à se lever à son tour. Ses gestes étaient simples, presque instinctifs, mais ils trahissaient une certaine attention, un soin qu’il n’accordait qu’à elle depuis le décès de sa première femme.

-« Allez, viens. »

Si elle saisit sa main, il la tira doucement, l’aidant à se lever du canapé. Jin ne lâcha pas immédiatement ses doigts, les gardant dans les siens une fraction de seconde supplémentaire, presque comme s’il cherchait à prolonger ce contact. Il sentit une chaleur familière monter en lui, une sensation qu’il commençait à associer exclusivement à Beck.
Il relâcha enfin sa main et recula d’un pas, croisant les bras devant lui dans une posture détendue.

-« Alors, dis-moi... On attaque le gâteau maintenant ou on attend demain ? Parce que moi, je suis du genre à céder à la tentation, mais c’est ton anniversaire, alors c’est toi qui décides. »

Son sourire restait accroché à ses lèvres, mais dans son regard, il y avait autre chose. Une lueur plus profonde, un mélange de gratitude et de calme.

Jin observa Beck avec un sourire en coin tandis qu’elle se levait pour aller chercher le gâteau. Ses yeux suivirent ses mouvements, capturant les petites choses qu’il appréciait tant chez elle : cette légèreté dans sa démarche, la manière dont une mèche rebelle tombait toujours sur son front, son sourire discret mais lumineux. Le japonais se surprit à espérer qu’elle aimerait le gâteau qu’il avait choisi.
Ce n’était qu’un gâteau, après tout, rien d’exceptionnel. Mais Ashina avait pris le temps de choisir quelque chose qui, il l’espérait, lui plairait. Ce détail, insignifiant pour d’autres, était pour lui une manière de montrer à quel point il tenait à Beck. Ce n’était pas tant le gâteau qui comptait que l’intention qu’il portait.

Jin l’entendit ouvrir le réfrigérateur et sortir la pâtisserie avec une précision presque cérémonieuse. Un léger sourire étira ses lèvres alors qu’il croisa les bras, appuyé nonchalamment contre le dossier de sa chaise, observant la scène avec une chaleur silencieuse.
Quand elle revint avec les assiettes et commença à couper des parts, il s’efforça de masquer un éclat de rire. Huit parts pour deux personnes. Elle pense à tout, songea-t-il en secouant doucement la tête. Il se tourna face à elle, croisant les bras sur la table dans une posture décontractée, et la regarda savourer une première bouchée avec une satisfaction visible.
Mais lorsque Beck plongea sa cuillère dans sa part et la tendit vers lui avec un sourire espiègle, il sentit une légère gêne poindre.

-« Fait aaaahh ! »

Son sourire s’effaça légèrement, remplacé par une expression hésitante. Ce geste, aussi charmant soit-il venant de Beck, le ramenait à une autre époque. Il se souvenait d’Harumi, une autre fois, une autre vie. Elle aussi avait essayé de lui donner à manger de cette façon, et il avait refusé. Non pas par manque d’affection, mais parce que cela lui semblait... infantilisant.

-« Hmm... »

Il tendit doucement la main et saisit celle d'Oribe, fermant ses doigts autour des siens avec une délicatesse qui trahissait l’importance qu’il accordait à ce contact. Puis, avec un sourire en coin, il guida sa main pour que la cuillère tombe dans son assiette.

-« Désolé, mais ce n'est pas mon truc... » 

Géné, l'homme laissa échapper un léger rire. Il secoua la tête, l’air à moitié désolé, à moitié amusé.
Il releva les yeux vers elle, ses pupilles sombres brillantes d’une lueur sincère.

-« Même Harumi n’a jamais réussi à me faire ça. Je préfère manger normalement, ça me va mieux. »

Ashina saisit sa cuillère et prit une bouchée du gâteau, relevant les yeux vers Beck comme pour s’assurer qu’elle ne prenait pas mal son refus.

-« Mais il est super bon. Bien choisi, non ? » 

Demanda-t-il avec une pointe de fierté dans la voix, espérant détourner la conversation de son refus.

Jin piqua un petit morceau de gâteau avec sa cuillère et le porta à sa bouche. La richesse du chocolat, adoucie par l’acidité délicate de la cerise, envahit son palais, et il hocha légèrement la tête en signe d’approbation. Ses yeux dérivèrent un instant vers Beck, captivés par la façon dont elle savourait chaque bouchée, presque comme si elle redécouvrait un souvenir lointain.
Il esquissa un sourire en coin, hésitant légèrement avant de répondre à sa question.

-« Je vais être honnête... » 

Commença-t-il, une pointe de gêne dans la voix. Il posa sa cuillère dans l’assiette et croisa les bras sur la table, son regard glissant brièvement vers le gâteau avant de revenir sur Oribe. 

-« J’ai pris ce parfum au hasard. Mais en même temps... je me suis dit que le rouge et le noir, ça te correspondait bien. Tu portes souvent ces couleurs, alors... je sais pas, ça m’a paru une bonne idée. »

Le japonais passa une main dans ses cheveux, un peu mal à l’aise d’avoir confié son raisonnement, mais Beck ne semblait pas du tout le juger. Au contraire, elle lui offrit un sourire sincère qui lui réchauffa le cœur.
Il reprit une bouchée, savourant le silence confortable qui s’installait. Quand elle évoqua ses anniversaires solitaires, il sentit une pointe de mélancolie poindre en lui. Il posa sa cuillère avec précaution, prenant quelques secondes avant de répondre.

-« Merci à toi de m’avoir invité, Beck. Ça fait du bien... de ne pas être seul pour une fois. »

Il inspira profondément, ses épaules se levant légèrement avant de se relâcher.

-« Tu sais, depuis... le décès d’Harumi, je passe mes anniversaires seul. C’est comme si... je savais pas vraiment quoi en faire. Je décline les invitations aussi... Mais là, ce soir, ça m’a fait plaisir. De te voir heureuse, de pouvoir... te donner un peu de bonheur. »

Ses mots étaient simples, mais sa voix trahissait une sincérité profonde. Il n’était pas du genre à s’épancher sur ses émotions, mais ce moment partagé avec la psychologue l’avait touché plus qu’il ne voulait l’admettre.
Une fois le gâteau terminé, Jin s’appuya contre le dossier de sa chaise, observant Beck un instant, puis détourna les yeux vers l’horloge murale. Il était tard, et la fatigue commençait à alourdir ses paupières. Il se redressa, se passant une main sur la nuque.

-« Il se fait tard, et je commence à être fatigué. Est-ce que ça te dérange si je prends une douche avant de dormir ? » 

Demanda-t-il, sa voix adoucie par une pointe de fatigue et de gratitude.
Il la regarda avec une tendresse discrète, conscient qu’elle avait ouvert sa porte et son cœur à lui ce soir. Un sentiment qu’il espérait honorer, à sa manière.

Jin suivit Beck jusqu’à la salle de bain, la remerciant d’un léger hochement de tête et d’un sourire discret. Ses yeux observaient les détails de l’appartement, son regard effleurant les cadres accrochés aux murs et les petites touches personnelles qui faisaient de cet endroit un véritable refuge pour elle. Une chaleur douce s’installa dans son esprit à l’idée d’être accueilli ici, dans un espace si intime.

-« Merci de m’héberger, Beck. Ça compte beaucoup pour moi, vraiment. »

Sa voix était basse, presque un murmure, mais son ton trahissait une sincérité profonde.
Il pénétra dans la salle de bain et referma la porte derrière lui. Pendant un instant, il resta immobile, s’appuyant contre la porte. L’atmosphère paisible de l’appartement semblait maintenant lui peser légèrement, comme si le calme lui laissait enfin le loisir de penser.
Ashina secoua la tête, se déshabilla lentement et entra sous l’eau tiède. La sensation de l’eau glissant sur sa peau fatiguée le soulagea, chassant les tensions accumulées tout au long de la journée. Mais derrière cette détente physique, son esprit se perdait dans des pensées plus sombres.

Harumi. Son image, son rire, ses yeux hantèrent Jin tandis qu’il passait une main sur son visage ruisselant. Il avait l’impression d’être pris dans un étau. Partager ce moment avec Beck, ces sourires, cette complicité naissante, le faisait se sentir vivant d’une manière qu’il n’avait pas ressentie depuis longtemps. Pourtant, une culpabilité lourde lui nouait l’estomac.
Était-ce une trahison ? Était-il en train d’oublier Harumi, ou pire, de piétiner sa mémoire ?
le veuf inspira profondément, se forçant à apaiser ses pensées. Harumi n’était plus là. Elle ne reviendrait pas. Et pourtant, il lui parlait encore dans son esprit, comme si elle pouvait l’entendre.

-« Désolé, Harumi... Je sais pas ce que je fais. »

Sa voix trembla légèrement, se mêlant au bruit de l’eau qui coulait.
Après quelques minutes de silence, il ferma l’eau et attrapa une serviette. Il s’enroula dans le tissu chaud et moelleux, tentant de repousser ces pensées pour se concentrer sur le présent. Il quitta la salle de bain, ses cheveux encore humides collant légèrement à son front.

En traversant le couloir pour rejoindre la chambre, le japonais sentit un poids se lever légèrement en voyant Beck endormie. Elle semblait paisible, son visage détendu, presque enfantin dans la lueur tamisée de la pièce. Il se glissa sous les draps avec précaution, ne voulant pas troubler son sommeil.
L’oreiller accueillit sa tête, et la fatigue accumulée tout au long de la journée le submergea presque immédiatement. Alors que ses paupières se fermaient, il murmura dans un souffle :

-« Merci, Beck... »

Quelques secondes plus tard, Ashina sombra dans un sommeil profond, laissant derrière lui ses doutes et ses tourments, ne serait-ce que pour une nuit.