- Seito MoriElève ; en 3ème année■ Age : 33■ Messages : 1968■ Inscrit le : 27/02/2021■ Mes clubs :
Mon personnage
❖ Âge : 19 ans
❖ Chambre/Zone n° : L-1
❖ Arrivé(e) en : Fin Novembre 2016
Seito Mori
[FB] [Chez Mathéo, Naoki et Evan] J'veux d'la tendresse, j'veux du ciel bleu, toujours, toujours
Mer 4 Sep 2024 - 21:17
SAMEDI 8 SEPTEMBRE 2018
Co-écrit avec Mathéo Takahashi.
La matinée était passée à une vitesse folle. De cartons en cartons, ils avaient rempli l'appartement. Naoki, Evan et lui emménagent enfin. En se levant ce matin, Mathéo s'en inquiétait encore... est-ce qu'il faisait bien ? Et si la cohabitation était plus difficile qu'il ne l'envisageait ? Et si vivre hors du campus le pénalisait plus encore qu'en travaillant un peu à côté désormais ? De quoi commencer leur nouvelle vie la boule au ventre. Heureusement, le joli minois de Seito avait domestiqué ses peurs ensauvagées. Son petit ami était venu les aider, pour son plus grand bonheur. Même si, depuis le début du mois, le trouble s'était immiscé dans son cœur et qu'il ne sait toujours pas comment lui en parler. Ce matin n'aurait pas été le bon moment de toute façon et si sur le coup il n'y avait pas tellement prêté attention, focalisé sur leurs empilements de cartons, il réalise que Seito avait été très calme. Peut-être même un peu trop calme. Devant Naoki et Evan, il s'avère particulièrement réservé. Alors, forcément, il ne peut s'empêcher de repenser à ce qu'il s'était passé entre lui et Naoki au camping en juin. Seito lui a assuré ne pas lui en tenir vigueur, ni lui en vouloir pour ça et hormis aujourd'hui, il n'y pensait plus lui-même tant cela lui semblait vrai. Mais... peut-être que c'était différent avec Naoki ? Bien qu'à vrai dire... lui-même s'était avéré plus silencieux que d'ordinaire. Il avait ses propres tracas. Ce n'était pas faute que Naoki essaye de le détendre d'ailleurs. En vain. Depuis le début du mois, Mathéo est tendu. La faute à la boîte de Pandore qu'il a ouvert et ne peut plus refermer. Le journal de Pablo est en cela une véritable malédiction qu'il s'est infligé. Page après page, il sème désordre et désarroi dans son cœur. Au delà des éléments sur sa vie privée dont il se serait bien passé ou de ses commentaires désobligeants à son propos, ce qui le perturbe le plus... concerne Seito.
Il n'a pas encore fini de le lire que déjà son cœur et son esprit en arrivent à la même conclusion : Pablo est amoureux de Seito. Ou du moins, il l'a été. Il ne sait plus quoi en penser depuis qu'Emma a pris de la place dans le journal. Même si... au fond, il se demande si elle ne lui sert pas seulement de cache misère, de fuite. Là où il en est dans sa lecture, la question se pose véritablement. Et quel choc que de réaliser que Pablo lui avait craché à la figure le jour de la Saint valentin pour mieux se protéger. L'histoire avec ce garçon rencontré lors d'une danse, les paroles de son père et tous les moments où Pablo s'interroge sur le pourquoi du comment certains événements partagés avec Seito le perturbent autant. Il avait dû stopper sa lecture, c'en était trop pour lui. Une pensée le hante parmi tant d'autres : pourquoi Seito et Pablo s'étaient-ils retrouvés le soir de la Saint Valentin ? Que s'y était-il passé pour que Pablo en soit si troublé ? Et pourquoi, à partir de là, toutes les fois où son petit ami y est évoqué lui semblent être tant de preuves pour justifier sa théorie ? Il lève les yeux sur le petit réveil qu'il vient d'installer sur le bureau de sa chambre. 14h.... Le temps a filé. A ce rythme, lui et Seito auront fini de déballer et ranger les affaires de sa chambre avant qu'il n'ait pu se décider : devrait-il lui en parler ? Et si oui, comment faire ? Ce n'est pas comme s'il pouvait lui dire avoir volé le journal de Pablo. Et il a peur de se trahir en posant trop de questions. Il ne peut pas non plus lui parler de ses craintes... Il le prendrait pour un fou au mieux, au pire il... Sans s'en rendre compte, Mathéo soupire. Au pire, il ouvrirait une porte dont rien n'assure que Seito s'en tiendrait éloigné. Une part de lui se dit que c'est stupide. Même cet abruti de Pablo le notifie dans son journal : Seito est heureux avec lui. Il n'en doute pas. Pas après l'évolution qu'a eu leur relation cet été... mais... certains passages du journal le hantent.
A nouveau, il soupire, plus lourdement cette fois-ci. Perdu dans ses pensées, il range ses affaires de papeterie dans les tiroirs du bureau qu'ils ont terminé de monter tout à l'heure. Tu es stupide Mathéo, se targue-t-il. Ta jalousie te perdra, se prévient-il. Ce n'est pas parce que Pablo peut avoir des sentiments pour Seito que cela efface ceux qu'ils ont l'un envers l'autre. ça ne veut pas non plus dire que Seito partageait ces sentiments de son côté. Ni que les sentiments de Pablo sont toujours d'actualité. Peut-être qu'il a fini par tomber réellement amoureux d'Emma ? Il lui avait toujours semblé sérieux avec elle, contre toute attente. Et, Pablo les avait laissé tranquille depuis que Seito l'avait présenté comme son petit ami. Certes, il ne l'apprécierait à priori jamais mais n'était-ce pas à cause de... Haaah. Nouveau soupire. A cause de quoi ? La Saint Valentin ? Ou à cause du fait qu'il lui rappelle ce qu'il cherche à se cacher ? L'un des tiroirs qu'il referme claque brusquement sous l'élan qu'il lui donne. Ça l'énerve tellement. Quel hypocrite. Bon sang... cette histoire va le rendre fou. Il se tourne vers Seito, sortant de ses pensées. « Excuse moi... je l'ai claqué un peu trop fort. » réalise-t-il.
Seito avait proposé d'aider naturellement. Transporter les cartons des uns et des autres avait pris du temps, certains avaient l'équivalent de deux magasins de vêtements à eux tout seuls. Il s'était demandé ce qu'il emporterait s'il avait à déménager complètement. Est-ce que, finalement, sa chambre ne contenait-elle pas déjà tout ce qui était en sa possession ? Il ne s'était pas attardé davantage car cela lui rappelait ses parents, son matelas au sol dans le bureau et la finalité du mois de septembre. Il avait bondi sur les charges un peu lourdes, avait enchaîné les allers-retours, le tout dans un calme surprenant. Harada et O'Connor imposaient le respect de l'âge et bien qu'ils soient suffisamment amis avec Mathéo pour être en coloc, Seito ne les connaît pas. Le déménagement est un point d'accroche mais il s'était senti intimidé. Après tout, il n'est encore qu'un lycéen. Un enfant à leurs yeux. Son cœur s'était serré en réalisant que Mathéo ne serait plus à portée de bâtiments. Un appartement représente une indépendance qu'il n'a effleuré que par la pensée et bien qu'il reste proche du campus, Mathéo devenait distant. Le tiroir malmené le fait sursauter. Assis en tailleur à même le sol, ses doigts interrompent leur combat contre un morceau de scotch tenace. « Il t'a fait quoi c'tiroir ? Bon, je sais pas qui c'est qu'a vidé le rouleau de scotch sur ce carton mais il était vraiment pas obligé. »
« Rien. » répond-t-il, gêné. « C'est moi qui vient de lui faire quelque chose. » rappelle-t-il. Comme à chaque fois où il se sent trop mal à l'aise, Mathéo joue depuis le rempart de l'humour. « Il viendra sûrement se venger durant la nuit. » souffle-t-il en s'accroupissant près de lui. « Et pour le scotch, je suis sûrement le coupable, désolé. Ce sont des livres à l'intérieur, le carton était lourd, j'ai eu peur qu'il s'ouvre en chemin. » plaide-t-il coupable. Tendres, ses mains viennent chercher les siennes pour les détourner du récalcitrant. Il dépose un baiser sur chacune d'elles. « Si tu t'amuses à les défaire comme ça, tu vas seulement t'irriter les doigts. » Armé d'une clé, il perce le scotch dans sa ligne la plus faible et découpe aisément une ouverture. Le carton est libre. « Tiens, utilise plutôt ça comme ça. » Gentiment, il lui glisse la clé entre les doigts puis se laisse tomber les fesses à côté de lui. « Je suis content que tu sois là, merci d'être venu. » avoue-t-il, en se contorsionnant un peu pour laisser sa tête atterrir sur son l'épaule. « Maintenant que j'ai une chambre seul, ça nous fera un endroit rien qu'à nous. Tu sais que tu peux venir ici quand tu veux, pas vrai ? »
« Ah bah il risque pas de s'ouvrir là. » Faussement ronchon, Seito se fend d'un léger sourire. Ce n'est pas un morceau de scotch qui va l'arrêter. Alors qu'il se remet à gratter pour trouver le début, il est surpris par la douceur de Mathéo. Un regard intrigué dévisage son petit-ami puis il l'observe ouvrir le carton sans difficulté. Oh... Mais c'est super malin comme technique ! Ses yeux s'illuminent. « Mais t'es trop intelligent ! » Tout content, il attrape la clé et regarde autour de lui pour chopper le carton le plus proche et tester lui-même. La tête de Mathéo l'empêche de le tirer complètement vers lui, il abandonne à mi-chemin. A la place, son attention pivote sur l'étudiant. La proposition est alléchante mais... « J'vais pas squatter tout l'temps non plus... Et puis ça soûlerait tes colocs. »
« Si tu veux venir tout le temps, tu peux. Ça ne me dérange pas, au contraire. Et on s'est entendus sur le fait qu'on peut ramener qui on veut tant que ça ne crée pas de perturbations pour les autres. Alors, à moins que tu n'aies soudainement envie de venir faire un concert dans le salon, ça devrait aller. » souffle-t-il, amusé par l'idée. La moitié de sourire qui lui grimpait aux lèvres s'efface rapidement néanmoins. Il ne peut s'empêcher de repenser au journal de Pablo, encore une fois. De tous les passages qui concernent Seito, celui où Pablo raconte qu'ils ont chanté ensemble est l'un de ceux qu'il déteste le plus. Pensif, il se redresse et demande. « Tu aimes chanter... ? »
Seito secoue la tête en soufflant par le nez. Pourquoi viendrait-il faire un concert ici ? Et pourquoi cette question soudaine ? Le japonais se détache de Mathéo et rapproche le carton à lui. « Euh oui... pourquoi ? » Un regard interrogatif puis il s'arme de la clé pour entailler le scotch. Comme un gosse, il s'exclame : « Putain mais ça marche vraiment ! Trop fou ! »
Mathéo ne sait comment accueillir cette affirmation. Une part de lui sent que son cœur se ravit sous la nouvelle. C'est quelque chose qu'il n'aurait jamais soupçonné de la part de son petit ami. S'il n'avait pas lu ce maudit journal... peut-être ne l'aurait-il jamais su ? Un élan doux le pousse à entrouvrir les lèvres, prêt à demander une chanson mais elles se ravisent. Lui aussi aimerait entendre sa voix valser entre les murs de sa chambre... mais le fait que Pablo en ait eu le premier privilège donne à son envie un goût amer de défaite. L'ego étrangle son amour de son bras de fer. « Pour savoir... je me demandais. » répond-t-il, de sa voix plus refermée. Ses yeux attristés sont conquis par la spontanéité du lycée et flanchent, un regard tendre l'effleure. « Tu pensais que c'était une entourloupe de l'Amoureux ? » demande-t-il en se relevant. Ses yeux balayent la pièce encombrée. Le bureau et l'une de ses bibliothèques sont montés mais il leur en reste une et ses étagères à poser. Heureusement, pas besoin de placard avec celui incrusté dans la pièce et il a choisit d'acheter un futon deux places qu'il posera au milieu de la pièce et rangera chaque matin. De quoi gagner en espace la journée et limiter leur bricolage. Il attrape quelques livres du carton et s'en va les ranger. Normalement, ils sont plus ou mois déjà triés par noms d'auteurs, dont l'ordre alphabétique doit être à peu près sauvegardé. « Tu aimes chanter quoi ? Je ne t'ai encore jamais entendu chanter. »
« Ça aurait pu ! » sourit Seito. Le japonais aime que son petit-ami se soit approprié ce mythe aussi facilement. L'imagination les rapproche, le rassure. Tant que ces mondes parallèles tiennent, il ne craint aucun danger. Il s'agenouille devant le carton précédent et s'empare de plusieurs livres qu'il tend à Mathéo pour l'aider à ranger. Un brin gêné que la discussion s'oriente réellement sur la chanson, ses joues s'échauffent. « J-je- je sais pas. Je chante pas souvent. Au karaoké surtout mais j'ai pas été si souvent que ça. » Le souvenir de la Golden week, l'année dernière, se rappelle à lui. Il se lève et va pour porter d'autres livres à Mathéo. « Te moque pas d'moi mais j'connais surtout les chansons de Mariya Takeuchi parce que ma mère l'écoute... l'écoutait beaucoup. »
Sans s'en rendre compte, l'une des inspirations de Mathéo se fait plus profonde. « Pas souvent... » Cela ne rend ce moment chanson avec Pablo que plus important et bien qu'il s'en doutait ça lui déplaît. Il attrape les livres que Seito lui tend et les range les uns après les autres. Ses yeux dévient sur lui lorsqu'il évoque Mariya Takeuchi. « Pourquoi je me moquerais ? C'est une bonne chanteuse et j'aime bien certaines de ses chansons. » confie-t-il. Il n'est pas du genre à se moquer des chansons un peu vieillottes. D'ailleurs... « Si ça peut te rassurer, je connais la plupart des chansons de Misora Hibari à cause de ma grand-mère qui l'écoutait en boucle lorsque je vivais chez elle. Je peux chanter ou réciter par cœur sa chanson Kawa no nagare no you ni, tellement je l'ai entendu. » Haussant les épaules, il avoue : « Et je crois que je l'aime bien, en plus, à force. »
Bin parce que c'est vieux. Et que Seito ne devrait pas avoir ce genre de vieilles références ou connaître par cœur des chansons du siècle dernier. Et puis, c'est vrai que sa mère a arrêté d'écouter cette chanteuse. Un vestige de son enfance qui le rend soudain nostalgique, mais pas de la bonne manière... Après son aller-retour, il se redresse du carton sans livre dans les mains. « Attends-tends-tends, t'es en train d'me dire que toi aussi t'écoutes de la musique de mamie ? » Sa lèvre disparaît entre ses dents pour ne pas éclater de rire. Jusqu'à ce qu'il se souvienne d'une idiotie qu'il avait sorti à Mathéo. Ses yeux s'écarquillent. « Oh mais c'est vrai ! J'avais oublié que t'étais mon moi du futur ! » En deux pas il a rejoint son petit-ami auprès duquel il s'exclame très sérieux : « Mathéo, qu'est-ce qu'on fout ? On va défoncer l'espace-temps en sortant ensemble ! »
Un sourire s'installe pour de bon sur les lèvres de Mathéo. De la musique de mamie ? Il n'avait jamais envisagé ça comme ça. Pour lui, ces chanteuses font partie du patrimoine culturel. Si des jeunes les écoutent, c'est que leurs chansons touchent toujours autant les cœurs. « Ton toi du futur... mais... » commence-t-il à répondre, la voix rieuse. Il éclate complètement de rire en entendant la suite. Qu'est-ce qu'il va inventer là ?? Sa main atterrit sur son crâne pour le décoiffer. « Ne dis pas n'importe quoi, c'est bizarre ! Hahaha ! » Mais son cerveau suit et il s'entend prononcer : « Remarque... ce serait une bonne storyline pour une version moderne du mythe de Narcisse. » Amusé, il ajoute : « L'espace temps n'a qu'a bien se tenir. Si c'est pour toi, je suis prêt à le "défoncer" de toute façon. »
Mais ça n'a rien de bizarre ! Ce sont les goûts bizarres qu'ils partagent qui sont bizarres ! Seito s'extirpe du décoiffage comme une anguille et plante un bisou sur les lèvres de Mathéo. Le faire rire avec ses bêtises fait pulser son cœur. Ah bah super ! Au moins les gens sauront qui accuser si le monde part en clochettes. Et ce sera bien plus sa faute que celle de Mathéo. Il rigole et remplit ses bras des derniers livres du carton. En revenant vers la bibliothèque, il confirme : « Mais j'avoue c'est super chelou, genre de sortir avec soi-même. N'importe quoi ! En plus, j'me soûlerai, c'est sûr. »
Sourire en coin, Mathéo porte une main à son cœur, jouant d'un faux soulagement. « Alors tout va bien. On est certains d'être des êtres différents. Tu ne me soûles jamais. » lance-t-il avec un petit coup de coude en récupérant les livres. « Et si tu aimes chanter des chansons de mamie, on pourra faire un karaoké spécial maison de retraite un de ces jours. Juste toi et moi, comme ça notre secret sera sauvegardé. » Et il évitera d'avoir à supporter la présence éventuelle de Pablo. Sûrement qu'il l'inviterait avec Nolan sinon. Haah... dire qu'il pensait que Nolan était le plus à craindre.
Les livres que Seito range sont témoins de son sourire. Mais aussi de son fou-rire en réponse à la proposition de Mathéo. Un livre de sa pile reste en suspension entre ses mains tandis qu'il éclate de rire. « Pfffrrrttt, c'est vraiment le rendez-vous le plus nul du monde mais j'accepte ! » Ses dents s'emparent à nouveau de sa lèvre, les pommettes gonflées.
Le rire de Seito réchauffe le cœur de Mathéo d'une douce chaleur. Il ne dira jamais assez combien il aime l'entendre et le voir rire. Le monde peut bien s'écrouler, menacer d'arriver à sa fin, tant que Seito Mori peut rire, tout lui va. Devant ses pommettes gonflées, il fond littéralement. Le livre suspendu dans la main de Seito se fait alpaguer pour finir sur l'étagère. Lui, se fait capturer les joues. Prises en otage, il lance l'offensive pour libérer sa lèvre de la morsure de ses dents pour l'enrober des siennes. « Marché conclu. » souffle-t-il tout contre. Sa main vient chercher sa nuque pour le retenir encore un peu. Il consent à relâcher ses lèvres après les avoir assaillies de baisers. Son oxygène retrouvé, il appuie son front contre le sien, yeux fermés. « ... Tant qu'on est sur le thème de la maison de retraite, tu ne m'en voudras pas si je me répète, pas vrai ? Qu'est-ce que je t'aime Seito Mori... »
Le livre lui échappe des mains, le japonais se laisse envahir. L'amour s'échoue par vagues et il en ressort essoufflé mais souriant. Cependant, l'épée de Damoclès projette son ombre au tableau. Ses pupilles vibrent, il entrouvre les lèvres puis chasse du regard. Avant de revenir déposer ses lèvres sur les siennes pour un dernier baiser. « Tu radotes l'Amoureux. » Sa voix taquine mais au fond de lui, il s'en veut. Une montée de stress échauffe ses tripes et lui noue la gorge. Il s'empresse de ranger le reste de sa pile et virevolte jusqu'à la porte-fenêtre. « Ça te dérange si... » Il ne sait pas bien comment il fait son coup mais le fait est qu'il se mange l'autre boîte en carton, qu'il a laissé en plein milieu après avoir testé l'arme secrète de Mathéo. Les livres protestent et le condamnent à épouser le sol. « Aouch. » Seito grimace mais s'essaye malgré tout à l'humour. « Je crois que ton sol m'aime bien lui aussi. »
« S-Seito ! » Trop tard, Mathéo n'a pas le temps de le rattraper. Condamné, il est obligé d'admirer sa chute. Heureusement, il l'atteint tout de même rapidement pour vérifier qu'il ne s'est pas fait mal. « Est-ce que ça va ?? Tu ne t'es pas blessé ??? » Soulagé, il soupire. Tout de même amusé. « On va avoir un problème... je ne partage pas et c'est quand même délicat d'avoir son sol comme ennemi. » Il l'aide à se relever, prudent. « C'est mon nouveau super pouvoir, impossible de me fuir trop loin. »
Son coude le lance un peu mais rien qui mérite l'attention de Mathéo. « Nan t'inquiète, j'suis plus solide que j'en ai l'air. » La remarque qui suit le prend de court. C'est étonnant cette possessivité, autant qu'apaisante. Seito comptait rétorquer que ce n'est pas si difficile puisqu'il va le piétiner tous les jours mais à la place, il s'appuie sur Mathéo pour repousser la gravité. Par contre, c'est bien trop vite qu'il contre cet ajout de pouvoir. « J'te fuis pas, c'est toi qui fuis en te prenant un appart'. »
Les yeux de Mathéo s'agrandissent. Qu'est-ce qu'il veut dire par là ? Il balaye tout doute d'un hochement de tête négatif. « Non, je ne fuis pas. » clarifie-t-il. « J'ai décidé de le prendre parce que je me suis dit que ce serait mieux pour nous. Ce sera mieux que d'avoir à attendre que mon coloc s'en aille ou d'avoir peur qu'il ne rentre à l'improviste quand on s'y retrouve. » Pour soutenir son propos, il lui prend la main. « Ce n est pas très loin et tu sais, je serais bien plus souvent sur le campus. Je continue d'étudier là-bas. Et vraiment... tu peux venir quand tu veux. » Avec un sourire, il glisse. « Je vais te manquer ? »
Pour nous. Ces deux mots résonnent très profondément en lui. L'inclure dans un avenir, veiller à son bien, se soucier de ses états d'âme lui est toujours aussi étranger. Seito aimerait y croire autant que ça l'effraie. Pour nous. Mathéo tient vraiment à lui, il le lui a dit, le lui a prouvé. Mais le barrage ne cède pas. Il y a toujours ce blocage, sillons de rouille sur son cœur vérolé. Pour nous. Que pourraient-ils faire de plus qu'ils ne peuvent faire sur le campus ? Nara... Mathéo souhaite que ça se reproduise. Tu peux venir quand tu veux. Encore cette promesse. Il pourrait mais il n'est pas sûr de le faire. Pas quand il veut, il ne veut pas gêner, même si Mathéo lui a dit que ce ne serait pas le cas. La question est soudain personnelle. C'est embarrassant d'étaler ses sentiments yeux dans les yeux. Sa main retrouve sa liberté, des picotements au bout des doigts. « Pourquoi tu poses la question ? » C'est pourtant évident. Seito le contourne et ouvre la fenêtre sans demander à nouveau si ça le dérange - un autre carton pourrait s'en mêler. Il se frotte le coude, la douleur ne s'est pas complètement estompée. Une légère brise lui caresse le visage alors qu'il aventure la tête dehors et qu'il élit domicile contre la rambarde. Le regard vague, il finit par tourner la tête sur le côté. Pas complètement, puis il avoue tout bas : « Bien sûr que tu vas me manquer. »
Sous la simplicité de ces mots, le cœur de Mathéo vrombrit. Il s'attendait à une esquive, du genre que Seito sait si bien mener. Il lui avait laissé la barque de son navire depuis longtemps, ça ne le dérange pas lorsque Seito change de cap alors qu'il lui montre le nord. D'une certaine façon, il s'y est aussi habitué. Alors, chaque fois qu'il embrasse les eaux de ses sentiments, Mathéo se sent sous le point de chavirer. Sans un mot, il le rejoint à la fenêtre. Ses bras passent autour de son ventre pour le serrer précieusement contre lui, son visage s'enfouit dans son cou, rougit d'amour. Comme son cœur cogne fort contre son dos. Pendant quelques secondes encore, les mots se taisent. Lorsqu'il relève la tête, menton calé sur son épaule pour regarder par la fenêtre, ses yeux brillent. « Ça me fait quand même plaisir, si tu le dis. » murmure-t-il. « Promis, je ferais en sorte que tu ne te rendes même pas compte que je n'y suis plus. La journée je resterais étudier là-bas, si je travaille, je reviendrais étudier sur le campus ensuite. Quand on se retrouvera en ville, je te raccompagnerai jusqu au dortoir avant de rentrer. Même en pleine nuit, si tu veux me parler, je viendrais jusqu'au portail. Peu importe l'heure. »
L'étreinte clôt ses paupières. Le vent sur son visage et la chaleur de Mathéo tout contre lui chassent le picotis de ses angoisses. Mathéo a raison, il n'a pas à s'inquiéter. Il ne part pas dans une autre ville, ni pour un autre pays - pas encore. Une centaine de mètres et quelques volées d'escaliers supplémentaires les séparent, rien d'inatteignable. Ses chuchotements lui soutirent un frisson. Seito fait volte-face et l'empêche de poursuivre ce discours loufoque en bloquant ses lèvres de ses doigts. « Tu feras rien de tout ça. » Ce n'est pas un ordre mais une constatation. Ne me fais pas de promesses que tu ne pourras pas tenir, pense-t-il sans oser le verbaliser. Cependant, ses yeux reflètent une forme de pondération. Ses doigts se détachent des lèvres de Mathéo et le repoussent dans la chambre, pression légère sur son torse. « Allez, tes étagères vont pas se monter toutes seules. »
Tenace, Mathéo renverse la force de leur mouvement, obligeant Seito à reculer de nouveau contre la fenêtre. Très sérieux, il plante ses yeux dans les siens. « Je le ferais. Si tu ne veux pas que je le fasse, c'est différent. Je ne veux pas faire quelque chose qui te gênerait au lieu de te faire plaisir. Mais sinon, je le ferais Seito. Si tu ne me crois pas, attends de voir. » répond-t-il, le regard plein de conviction.
Son cœur rate un battement. Sourcils relevés, pupilles alertes, Seito n'apprécie pas cette forme d'amour. Les mots de Mathéo pèsent comme une menace dont il se passerait bien. Son visage oscille entre plusieurs émotions et, après quelques secondes d'incrédulité, choisit l'agacement. « T'as pas à adapter ton temps pour moi, c'est tout c'que j'dis. » Il s'extirpe du guet-apens en glissant sur le côté et cette fois-ci, revient vraiment dans la chambre où il cherche du regard les fameuses étagères.
Les yeux rivés sur la rue, Mathéo ne répond pas. L'effervescence dans sa poitrine se sent malmenée. Lentement, il l'oblige à se calmer. Parfois, il a l'impression d'avancer pour mieux reculer et il ne comprend pas pourquoi. Qu'y a t-il de mal à lui proposer ses efforts pour qu'il lui manque le moins possible ? Et s'il veut adapter son temps pour lui ? Pourquoi ne le pourrait-il pas ? Ça lui ferait plaisir à lui aussi, ce n'est pas comme si cela le contraignait. « Si tu ne veux pas, ce n'est pas grave. » finit-il par répondre, en s'en retournant à ses livres. Il reste encore de la place sur la bibliothèque, autant terminer avec elle avant de se lancer sur autre chose. « Mais ne dis pas que je ne le ferais pas. » souffle-t-il, sourcils froncés, en ordonnant ses livres, nouvellement piochés, sur la dernière étagère. Est-ce sa fierté, encore une fois, qui lui joue des tours ? Est-il vexé ? Vexé que Seito ne le prenne pas au sérieux ? Vexé que son amour ne soit balayé d'un revers de main ? Il sait bien que c'est ridicule. Il n'empêche, ça lui fait quelque chose. Il est piqué. C'est sûrement son plus gros défaut que cette fierté mal placée car assurément, elle l'amène toujours sur les sentiers les plus rocailleux. « Être présent pour la personne que j'aime, ça ne me dérange pas. Passer plus de temps avec elle non plus. Ce n'est pas une question de ce qui devrait être ou pas, c'est ma façon de te montrer mon affection. Je ne suis pas du genre à chanter du vent à la guitare. » ne peut-il retenir. Ses doigts se crispent sur la couverture du livre qu'il vient de poser. Comme si la fierté n'était pas suffisante, il fallait aussi que sa jalousie s'en mêle. Il soupire en tournant les talons pour récupérer les derniers livres. « Peu importe... J'ai compris. On devrait parler d'autre chose. »
A mesure qu'il encaisse, Seito serre la mâchoire. Il n'a pas dit qu'il ne voulait pas, il a simplement émis le doute que cela soit réellement possible. Quant à ce qu'il a le droit de dire ou non, il doit se refréner de répondre : Sinon quoi ? Car il sait avec quelle facilité il peut partir en vrille et ce n'est pas comme ça qu'il souhaite quitter Mathéo aujourd'hui. Le problème est que Mathéo insiste. Il aurait pu s'arrêter là mais non, il décide d'étaler ses qualités. Que Seito connaît mais dont il se sent soudain dépourvu alors que son petit-ami en dresse la liste. Le japonais, bras ballants, dévisage Mathéo. Qu'a-t-il compris au juste ? Parce que lui ça le dérange d'être présent pour ceux qu'ils aiment ? Il n'aime pas passer du temps avec eux peut-être ? Et qu'est-ce qu'il fout là au juste ? Porter des cartons n'a rien de divertissant, ranger non plus. Mais ce n'est pas le pire. Le nœud du problème réside dans les mots qu'il ne dit pas. Seito ne comprend pas l'expression finale, n'est même pas sûr que c'en soit une et à vrai dire, il s'en fout. Cela ne l'empêche pas de prendre la pique de plein fouet. Son regard s'abaisse. Incapable de passer à autre chose, il s'entend demander : « Mon affection est pas suffisante ? »
Mathéo relève les yeux sur lui, interloqué par la question. Comment cela peut-il être sa conclusion ? Est-ce qu'il n'est pas assez clair ? Il ne lui a pourtant fait aucun reproche à ce propos. Son cœur se serre, la reçoit de plein fouet. À la force des cuisses, il se hisse sur ses jambes et se plante devant lui, les bras chargés de livres. « Ce n'est pas ce que j'ai dit. Ton affection me suffit. C'est moi qui... » Ses yeux tombent sur le plancher, il soupire. « ...ai l impression que la mienne te dérange. » souffle-t-il, la voix plus basse. Et qu'elle pourrait ne pas peser suffisamment dans la balance si, de l'autre côté, est pesé un beau garçon qui sait jouer de la guitare et chanter il ne sait quelle chanson, se retient-il de dire. Il réajuste sa prise sur les livres qui lui glissent à moitié des bras. « Je voulais seulement te rassurer. A moi aussi, tu me manqueras. Si je te propose de te raccompagner ou de me rendre disponible, c'est parce que ça me ferait plaisir aussi. Si c'est pour te voir ou parce que tu veux me voir, ça ne me dérangera jamais de le faire. » ajoute-t-il. Ses yeux cherchent de nouveau les siens, moins ombragés. « Si tu trouves que c'est trop, je peux le comprendre. Mais, si c'est que tu ne me crois pas, c'est vexant. Parce que je fais toujours de mon mieux pour faire ce que je dis. Surtout quand ça te concerne. Est-ce que j'ai déjà menti sur quelque chose que je t'ai promis ? »
C’est vrai, l’affection de Mathéo est trop prononcée. Il comprendrait s’il avait vécu comme Seito, à quel point il lui est difficile d’accueillir ces élans de gentillesse sans craindre de terribles répercussions. Le japonais n’y est pas insensible, il est juste désespérément prudent. Son regard échoue sur la pile de livres, sur les mains qui les retiennent. Elles sont belles ces mains, tendues dès qu’il est en difficulté. Dans un filet de voix, il répond : « Non, jamais… mais… » Seito inspire, l’orage s’éloigne. « Je suis désolé, je te crois. » Même s’il lui est douloureux de l’admettre. Petite moue sur les lèvres, il s’en veut d’être ce qu’il est.
Sans un mot, Mathéo tourne les talons. Il s'en va déposer le poids qu'il tient entre ses bras sur le carton le plus proche de la bibliothèque. S'excuser ne lui est pas aussi facile que cela semble l'être pour Seito et il est toujours vexé. Toujours incertain du fait que ces excuses ne cachent pas une autre vérité, qu'elles ne sont pas seulement prononcées pour éviter la discussion. Mais alors qu'il commence à ranger ses livres, le visage de Seito se rappelle à lui. Hah... Il déteste le voir comme ça. En grand perdant, il inspire et expire, profondément. Il est toujours vexé et c'est vrai que les excuses ont tendance à lui faire grincer l'âme mais il s'agit de Seito. Tant pis s'il se sent idiot, c'est mieux que de rester fâcher et de prendre le risque de lui faire de la peine. Il abandonne ses livres pour revenir vers son petit ami. Ses bras, prudents, l'enserrent délicatement. Allez Mathéo. Doucement, il articule : « Je suis désolé aussi. Excuse moi, s'il te plait. » L'une de ses mains frotte son dos tendrement. Contre Seito, toute tension se dissipe. « Je sais que tu ne voulais pas être vexant et... que faire confiance, ce n'est pas si évident. Il ne suffit pas de le décider pour que ça fonctionne. Je ne devrais pas me frustrer pour ça. C'est juste que... » tente-t-il de s'expliquer avant de marquer une pause. Ses bras desserrent leur emprise pour retomber le long de son corps, tête baissée, il avoue : « Je n'ai rien d'autres à offrir pour te prouver mon amour. Et... j'ai peur que parfois... il ne t'atteigne pas. Je te le dis souvent. Peut-être trop ? Je ne veux pas que tu penses que ce ne sont que des mots. J'essaye d'être à la hauteur de ce que je ressens. Mais parfois... j'ai peur que ça vaille moins que... »
La beauté d'un gars qui lui chante des chansons à la guitare ? L'attraction d'un amour impossible ? La distance d'un type qui joue les bad boy pour se protéger ? Lui, n'a rien d'attractif et il le sait. Il se demande encore ce que Seito peut bien lui trouver. La sincérité de ses sentiments est la seule fleur qu'il a à offrir. Et, il pensait que ce serait suffisant jusqu'à ce qu'il ne lise le journal de Pablo. C'est ridicule et ça ne lui fait que plus mal de se rendre compte comme ça révèle combien il manque de confiance en lui. Il pensait avoir dépassé ça. Il pensait qu'en arrivant au palmarès des meilleurs étudiants, qu'en se montrant serviable et disponible pour les autres et qu'en brillant de son sérieux, cela suffirait à ce qu'on le considère. A ne plus être laissé sur le côté. Mais rien de tout ça ne plaît réellement à Seito. Il suffit de voir ses amis pour s'en rendre compte. Il suffit d'un potentiel rival pour ébranler toutes ses certitudes. Il déteste cette sensation et il se déteste plus encore parce qu'en y réfléchissant, c'est lui qui se sent être du vent. « Que ça ne suffise pas. » se corrige-t-il, muselé. C'est d'autant plus frustrant que cette fois-ci, il ne peut pas être entièrement sincère. Il ne peut pas lui parler du journal et moins encore du pourquoi les sentiments de Pablo, même s'ils sont lointains, lui font peur.
Seito a merdé. Il ne devrait pas en être étonné, c'est ce qu'il fait tout le temps. Dès qu'il y a un peu de bonheur dans sa vie, il le torpille de la pire des façons. Ici, il piétine les sentiments de Mathéo comme s'ils n'étaient rien d'autre que des faits sans saveur. Voir Mathéo s'éloigner malmène son cœur. Il doit faire quelque chose, n'importe quoi, comme l'enlacer peut-être. Initier un nouveau contact pour lui montrer qu'il n'est pas indifférent à sa présence. Mais il n'est pas assez rapide, Mathéo le devance. Le soulagement est immédiat. Ses bras s'accrochent d'abord à ses flancs puis glissent dans son dos où ses doigts s'agrippent au tissu. Mais l'étreinte est de courte durée. Déjà la tension reprend ses droits et repose sa chape de plomb sur leurs corps distants. Seito déteste que Mathéo lui trouve des excuses. Et peine à dissimuler son anxiété quand il réalise avoir soulevé une montagne de doutes chez son petit-ami. Trop, pas assez, ce n'est qu'une histoire de ressentis et, en aucun cas, Seito ne devrait imposer les siens au risque de pénaliser l'autre. Il refuse que Mathéo se dénigre, il haït la peine qui fait vibrer ses cordes vocales. De ses deux mains, il enserre le visage de Mathéo. Ses paumes lui paraissent fraîches sur ses joues échauffées. Sans dire un mot, Seito dépose ses lèvres sur les siennes. Le baiser est doux, prudent. Quand il se recule, il ne relâche pas ses joues, plonge son regard dans le sien. A nouveau, sa bouche s'empare de sa semblable plus longtemps. Il la relâche pour répondre : « Comment tu peux dire ça alors que y'a que toi ? T'es le seul avec qui je veux faire tout ça. Je... » Il ne le dira pas. Ça sort autrement alors que ses doigts enserrent sa nuque, se perdent dans ses cheveux : « Jamais personne a eu cette place dans ma vie. » L'espace entre leurs lèvres s'évanouit. Seito entrouvre la bouche, espérant une réponse langoureuse à son baiser.
Le nœud qui lui nouait l'estomac se détend sous le courant électrique que lui envoient les lèvres de Seito. Ses mains sont fraîches contre ses joues, elles refroidissent ses états d'âmes volcaniques. Tout ce qui passe dans ce regard qu'ils échangent un court instant et ses lèvres qui s’échouent de nouveau contre les siennes... le tout suffit à panser la blessure qui lui pinçait douloureusement le cœur. Les lèvres humides du lycéen désinfectent ses plaies d'une lotion inoffensive qui soulage et apaise ses maux les plus écorchés. Une précaution nécessaire pour espérer que Mathéo ne survive à la suite. Lorsque Seito reprend la parole, c'est un énorme coup de massue qu'il fait tomber contre sa poitrine. Un gong retentit, celui de l'amour. Il résonne et répand la nouvelle dans l'entièreté de son corps, en fait trembler le moindre de ses os et porte à ébullition l'ensemble de son système sanguin. Des frissons galopent sur sa nuque, là où les doigts de Seito tracent leur passage. Il en a le souffle coupé.
"Y'a que toi"... "jamais personne a eu cette place dans ma vie"... entend-t-il en échos jusque dans les cavités les plus minces de ses veines. Seito l'embrasse de nouveau, un électrochoc nécessaire pour lui rappeler qu'on ne peut vivre sans respirer. Contre sa bouche, Mathéo prend une grande inspiration. Il va lui falloir tenir en apnée longtemps maintenant que ses émotions se transforment en océan. Il en est submergé. Tant pis... Il n'avait besoin de rien d'autre que ces trois phrases. Alors, tant pis si elles l'amènent à sa perte. Tant pis s'il en meurt de bonheur. Le nœud qui lui ciselait l'estomac se défait, emportant dans sa défaite les craintes et les doutes qui le dévoraient pourtant jusqu'à la moelle. Fougueuse, sa main attrape Seito par la nuque pour le ramener à lui. Et puisqu'il lui entrouvre la voie, Mathéo glisse sa langue entre ses lèvres pour trouver la sienne. Amoureusement, elle en caresse les contours. Il s'avance, réduit le peu de distance qui sépare encore leurs corps. Ses lèvres capturent celles de Seito, sa langue quitte la sienne et vient dessiner une ligne qui relie les deux lèvres de son petit ami entre elles. Lentement, il avance encore un peu. Sa main remonte jusqu'à sa mâchoire. Index et majeur encerclent son oreille. Sous la chaleur de leurs souffles embrasés, il continue son avancée. Sans doute les dieux cherchent-ils à leur rappeler qu ils ne sont pas seuls dans l'appartement, ils vacillent et tombent à la renverse. Dans leur chute impromptue, le carton derrière eux récupère les fesses de Seito et l'un des genoux de Mathéo, qui tente de se rattraper comme il le peut. En semi équilibre, perché au dessus de Seito, il reprend son souffle.
« D-Désolé. Est-ce que ça va ? » demande-t-il, inquiet de lui avoir fait mal. Heureusement, le carton est rempli de vêtements, il a de quoi amortir le poids du lycéen. Mais Mathéo ne se sent pas moins gêné de s'être laissé ainsi emporté par le flux des vagues qui bercent tendrement son cœur. Vaincu, il se laisse tomber à genoux sur le sol. Son visage et sa honte s’engouffrent contre le ventre de Seito tandis que ses bras l'enserrent par la taille. « Désolé... » répète-t-il en chuchotant. « Désolé d'être un idiot. »
Seito ne sait pas si ça va mais ce dont il est sûr est qu’il est parvenu à lever la brume qui engluait le cœur de Mathéo et il en ressent la plus grande satisfaction. Ainsi il est capable de désamorcer la bombe qu’il a lui-même armé. Le japonais se laisse assiéger, répond au baiser du mieux qu’il peut mais ne prévoyait pas un tel déferlement d’amour. Encore des excuses et bêtement il rit. C’est la situation toute entière qui est idiote, pas simplement Mathéo. « Pardon c’est pas drôle. » bafouille-t-il. Mais c’est plus fort que tout, il glousse à nouveau. « Mais je crois que c’est ton carton qui m’aime bien, pas le sol. » L’amusement déride entièrement son visage. Le même coude s’est mangé un choc. Il le plie et le déplie pour en dissiper l’électricité. Et sans prévenir le présente à Mathéo. « J’ai besoin d’un bisou magique. »
Le rire de Seito déferle sur le crâne de Mathéo et en chasse les dernières pensées parasites. Il peut rire, même si c'est de lui. Même s'il pourrait mal le prendre venant de n'importe qui d'autre. Ce rire lui est si précieux qu'il peut accepter d'en être l'idiot provocateur. Embarrassé, il relève doucement le menton pour mieux voir Seito. Plus de colère, plus d'anxiété sur son visage, Mathéo en est rassuré. Lui aussi, finit par rire. Le sol, le carton... cela commence à lui faire bien trop de rivaux dans son propre repère. À la demande de Seito, Mathéo s'exécute. Délicat, il soulève son bras de quelques doigts et ferme les yeux pour un baiser solennelle. Ses lèvres restent quelques secondes accolées à sa peau, le temps qu'il puisse activer les pouvoirs de guérison qu'il n'a pas, ne sait-on jamais. « Vos désirs sont des ordres, mon Roi. » souffle-t-il, relevant sur lui ses yeux amoureux. En grand chevalier, il passe ses mains sous ses fesses pour le soulever. Sauvé des griffes du carton, il se laisse retomber assis au sol, Seito sur lui. D'une main, il lui tient le dos. De l'autre, il tapote le carton avec compassion. « Désolé, carton-san je comprends votre amour mais cet homme est déjà pris. Je suis le seul sur qui il peut tomber. »
Seito ne croit pas une seule seconde être aussi attirant mais c’est soit ça soit la gravité est plus forte dans cette chambre. Peu importe la bizarrerie de la pièce, elle lui permet d’obtenir un de ses caprices et il en est ravi, aussi puéril soit-il. Ses pupilles se dilatent légèrement lorsque Mathéo revêt le statut de Roi et le pare de cette couronne qu’il lui a si simplement octroyé. Un frisson le parcourt, il y a des territoires qui sur son corps nécessitent encore de la prudence. Mais une fois sur Mathéo, Seito relâche sa lèvre. « J’vais essayer de pas te tomber dessus trop fort quand même. » rétorque-t-il malicieux. Il jette alors un regard alentours. « Y’a encore masse trucs à ranger n’empêche. Je pensais pas que t’avais autant de livres. »
« J'apprécie. » s'en amuse Mathéo. L'amour n'est pas obligé de frôler la douleur d'une côte fêlée. Invité par la curiosité de Seito, il souligne sa nouvelle chambre du regard aussi. « J'ai passé beaucoup de temps à lire depuis que je suis au Japon... J'ai eu le temps d'en accumuler. Heureusement, j'en ai laissé chez mes parents. Si un jour étudier m'ennuie, je pourrais toujours ouvrir une librairie. » plaisante-t-il, en l'enlaçant de ses bras pour un câlin. Son odeur anesthésie ses peurs de l'avenir, son cœur retrouve une douce sérénité. « Tu sais... pour être honnête, j'ai toujours détesté le Japon... Je m'y suis fait, depuis le temps, mais vivre ici m'a toujours semblé lourd et trop long. Ce qui est sûrement idiot... parce que je sais que si je retournais vivre en France, je serais devenu bien trop japonais pour apprécier y vivre aussi. » confie-t-il, le nez emmitouflé dans son T-shirt. C'est là sa malédiction, être contraint de vivre entre deux mondes, dont l'un n'est d'ailleurs plus qu'illusion puisqu'il appartient au passé. « Mais grâce à toi, ma vie ici me semble moins difficile, je n'en changerais pour rien au monde. Si un super-héro me proposait de retourner dans le temps pour changer mon destin et rester vivre en France, je refuserais. Ça valait le coup si c'était pour te rencontrer. Merci d'être là. » souffle-t-il, soudain pris d'émotions.
Il en a donc plus ? C'est assez fou de posséder autant. « T'auras qu'à reprendre la librairie où t'as bossé cet été, la dame avait l'air de bien t'aimer. » répond-il sur le même ton joueur avant d'être surpris par cette confession. Seito se recule pour mieux observer Mathéo dans son ensemble. La vie est étrange. Le japonais a toujours détesté la sienne et pourtant il se surprend à en apprécier les virages et nids de poule. Ce qui l'amène à avouer une chose impensable. « Tu peux remercier ma sœur. C'est à cause d'elle que j'me suis fait renvoyer, enfin pas vraiment à cause d'elle mais... t'as compris quoi. »
« Hm. » se contente d’acquiescer Mathéo. Une étrange pensée le traverse : il aimerait bien la rencontrer, la terreur qui crée tant de fracas dans la vie de son Roi. Il se demande comment elle est et à quoi elle ressemble. Est-ce qu'elle lui ressemble ? Si c'est le cas, elle doit être mignonne. La curiosité lui chatouille les narines alors il demande, prudemment : « ... Est-ce que je peux connaître son prénom ? »
Son regard s'accroche à Mathéo, moment de flottement. Prononcer le prénom de sa sœur la fera exister pleinement dans la tête d'un autre et c'est dangereux. Mais son petit-ami sait déjà qu'elle existe. Il inspire, ses yeux dévient. « Megumi. »
Megumi. C'est joli, a-t-il envie de répondre mais Mathéo s'abstient, conscient qu'il lui faut avancer avec précaution. Il tire sur ses abdos pour se redresser et laisse ses mains tomber sur le sol pour se retenir. Avec un sourire, il hoche la tête en posant les yeux sur Seito. « Merci. Je prierais pour elle la prochaine fois que j'irais au temple. Je demanderais aux dieux de la remercier pour moi. Tant que c'est compliqué entre vous, je suis de ton côté, je ne peux pas la remercier directement. » Il prend appuie sur un bras pour venir l'embêter et lui pincer le nez.
Ce n'est pas compliqué entre eux, c'est compliqué du côté de Seito uniquement. Il est le seul et unique fautif de tout ce drame. Plus que la spirale de la tornade, il en est l'œil. Derrière lui subsistent les ruines de sa relation familiale. En fin de mois, Megumi aura six ans. La Chose n'est plus, elle a un prénom, Mathéo le connaît, il n'y a plus de retour en arrière possible. Seito ne peut s'empêcher de penser que prier pour sa sœur reviendrait à souhaiter qu'il ne fasse pas parti de sa vie. Elle s'en porterait mieux, ses parents aussi. Petit escargot tout chaud, la taquinerie de Mathéo lui fait rentrer le cou. Il clôture ce moment intime en se relevant. Mais à mi-chemin, il se ravise. Son silence est remplacé par un baiser qu'il ponctue d'une voix douce : « C'est gentil de penser à elle. » Après quoi il se redresse complètement et s'étire de tout son long, bras en l'air.
Sans ajouts, Mathéo se lève également, frottant doucement ses mains entre elles pour se débarrasser de la légère poussière que les cartons ont saupoudré sur le sol et qu'il a balayé de ses paumes. Il dépose un baiser furtif sur la joue de Seito en guise de conclusion. Il ne sait pas si c'est gentil. C'est surtout naturel. Puisqu'elle est sa sœur, Megumi a le droit à un traitement privilégié malgré tout. « On monte les étagères et la dernière bibliothèque ? On pourra tout ranger comme ça. » propose-t-il en lui caressant le haut du crâne. Entre toutes ces émotions, le travail les attend. Ils sont loin d'avoir terminé à ce rythme. Mathéo enjambe les cartons, en pousse d'autres. Il déblaie un passage pour leur moment bricolage. Il ne peut pas révéler à Seito la raison de ses inquiétudes actuelles, il ne peut pas parler du journal de Pablo et encore moins des finalités qu'il en tire. Y penser lui laisse le même goût amer dans la bouche... mais il se sent apaisé, rassuré. Peu importe le danger qu'il perçoit, il décide de faire confiance aux sentiments de Seito.
#terminé
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