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Mathéo Takahashi
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Mathéo Takahashi
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Lun 9 Sep 2024 - 1:41
La vie t'aimait tellement qu'elle t'a créé.
Samedi 10 novembre 2018


Le froissement du dernier furoshiki sous les doigts, Mathéo contemple l’horizon. La mer est calme en cette fin d'après-midi, l’odeur iodée de l’écume apaise toutes ses inquiétudes et dynamise l’air frais dont il gonfle ses poumons. Quelques heures plus tôt, ses vagues menaçaient d’être bruyantes, il lui est donc reconnaissant de s’être adoucie, persuadé qu’elle a saisit l’importance du moment elle aussi, que les dieux ont entendu son appel pour qu'aujourd'hui tout soit parfait. Une légère brise s'éveille, docile, elle souffle une juste douceur. Ses respirations soulèvent les grains de sable qui parsèment la plage sans les déranger. Mathéo est rassuré, il peut enterrer son présent en toute quiétude. Patient, il ramasse les meutes du sable qu’il a creusé et les laisse retomber sans crainte. Rien ne dévoilera son secret si ce n'est le petit symbole qu'il a tracé à côté plus tôt. Les couleurs rougeâtres du furoshiki disparaissent sous son contentement. Une fois le trou recouvert, il en tapote le dessus pour tasser le sable. Aucune trace de son accomplissement ne doit rester.

Cela lui aura pris toute l’après-midi mais finalement il est prêt. Exit sa crainte que Pablo et Nolan ne lui jouent un mauvais tour en faisant trainer Seito intentionnellement, dissipée la jalousie qui lui dévorait les nerfs hier. Il lève les yeux au ciel, le coeur battant. Une mélodie d’amour sonne à son oreille tandis que le vent soulève quelques mèches de ses cheveux. Peu importe ce que les autres pensent ou tenteraient contre lui, personne ne l'empêchera de passer ce jour précieux avec celui qu'il aime.

Le ciel est encore bleu bien qu’il ne s’assombrisse, les notes oranges du soleil l’embrassent lentement à mesure que ce dernier consent à clore les paupières pour se mettre en sommeil. D’ici une dizaine de minutes, Seito devrait arriver, il espère qu'ils pourront encore profiter du coucher du soleil. Les jours se raccourcissent plus vite ces temps ci. Il ferme les yeux un instant, rassemblant ses idées, son rythme cardiaque tente de se calmer. C’est étrange comme l’amour peut rendre à la fois si serein et si agité. Prenant appuie sur l’une de ses jambes, il se relève. Ses doigts dépoussièrent son jean des grains sableux qui s’y sont logés. Il s’étire, les deux bras en l'air, en se mordant la lèvre. Il espère que cela plaira à Seito….

Consciencieux, il se tourne une dernière fois vers la tente qu’il a planté. Les lumières de la guirlande solaire qu’il a emprunté à Anna ne se voient pas encore, bien qu’elles en ornent toute l’entrée mais lorsque la nuit tombera, elles seront leur principale source de lumière. Il aurait aimé rapprocher leur petite tente du bord de l’eau mais la prudence l'avait obligé à s'installer suffisamment loin pour leur éviter de se retrouver les fesses dans l’eau à l'aube. Trouver le juste emplacement n’avait pas été une mince affaire, il lui avait fallut une bonne heure d’errement et d'hésitation sur la plage avant de statuer sur l'endroit parfait qui tout en les préservant de l’eau, les protégerait de la curiosité des passants.

17H… Seito ne doit plus être loin.

L'étudiant réajuste le carton qui leur servira de table pour la soirée et vérifie que les pierres qui le retiennent sont suffisamment réparties pour tenir leur rôle. Il ne faudrait pas que son gâteau se fasse la malle en son absence, même s’il est protégé dans sa boite pour l’instant. C'est l'esprit rassuré qu'il rejoint le chemin piéton, tout est parfait. Un sourire étire ses lèvres en imaginant Seito se demander ce qu’il doit faire ici. S'il lui avait souhaité un joyeux anniversaire par sms ce matin, Mathéo avait néanmoins attendu midi pour lui donner le lieu exacte de leur RDV. Un café, à 5min de la plage. « Prends un pull chaud dans tes affaires » l’avait-il teasé. Lorsqu’il arrive devant lui, son sourire s’agrandit. S’ils n’étaient pas en pleine rue, il lui fondrait dans les bras mais il doit se retenir. Malicieux, il passe dans son dos tant qu’il ne l’a pas vu et souffle derrière lui : « Joyeux anniversaire, votre majesté ».

L’espièglerie assiège son regard tandis qu’il suspend devant le nez de Seito un masque de sommeil. « Il va falloir me faire confiance pour vous guider parce que vous ne pourrez rien voir. Je vous emmène dans un lieu secret » s’amuse-t-il. Il se dépêche de lui bander les yeux avant que ceux-ci ne puissent l'attendrir et lui arracher quelques informations. Jeté dans l'obscurité, Seito se fait voler ses affaires et guider à l’aveugle jusqu’à la plage. Cela attire l’attention  des passants alentours mais Mathéo vain l’embarras en faisant la conversation. « Tu as passé une bonne journée ? »

Seito doit encore braver les champs de sable qui les séparent de la tente avant de recouvrer la vue. Mathéo ne le libère qu'après avoir posé ses affaires à l’intérieur de la tente et retiré la boite cartonnée qui recouvrait le petit gâteau d’anniversaire, sa trouvaille de dernière minute dans une pâtisserie bien difficile à localiser. Difficile de trouver un joli gâteau en si peu de temps. Tout autant de le conserver. Heureusement, il avait pu emprunter une glacière et depuis qu'il l'en avait sortie, les 18 degrés ambiants et le glaçage en protégeaient la qualité. La chance avait été de son côté, les branches de cerisiers dessinés dessus ont de quoi rappeler leur premier rendez-vous, il n’était pas trop mal tombé. « Tu peux ouvrir les yeux »

L'oeil pétillant, il joue le guide touristique. « Voici votre chambre pour la nuit, vos voisins ne seront pas embêtants, ils dorment sous l’eau » commence-t-il avant de l'obliger à faire volte face pour voir la mer. Une contemplation de courte durée puisqu'il attire son attention d’une main, lui désignant les démarcations qu’il a laissé sur le sol un peu plus loin : un carré, un losange et un coeur tracés qui sont plus ou moins restés en place. Chaque figure a un petit bâton de planté à côté, un mot volette au grès du vent dessus. « Il paraît que des trésors se trouvent dans les entrailles de cette terre, c’est une mission pour un héro, ça, non ? » lance-t-il en croisant les bras, tout fier de lui. « Mais avant ça... », doucement, il l’amène jusqu’au gâteau. « Votre repas du soir. Enfin... votre dessert. Le repas, c’est des bentos du Konbini. » avoue-t-il, un peu gêné. On ne se refait pas, la cuisine et lui, cela fait toujours 2.

Le gâteau:

Les cadeaux :

Symbole losange:

Le symbole coeur:

Le symbole carré:
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Seito Mori
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Dim 13 Oct 2024 - 15:18
SAMEDI 10 NOVEMBRE 2018



Je ne mérite rien de tout ça.

C'est à ça que tu penses en ce moment. Plus rien d'autre n'existe à part cette affirmation tonitruante. J'ai beau creuser, soulever terre et mer pour la désincruster, l'empreinte demeure. Gravée au plus profond de ton être depuis plusieurs années, exacerbée par une énième révélation de ta condition la nuit dernière. Mais je suis de nouveau présente à tes côtés. Je ne te lâcherai plus, quand bien même tu me repousserais. Sans moi, tu tiendrais à peine debout. Déjà que tu n'as pas fière allure. La détresse marque toujours autant ton visage quand la vie te malmène. Les mots et leur absence parcheminent ton teint, ternissent tes humeurs. Un rien te froisse et tu oscilles entre le blanc et le noir sans réussir à percevoir l'arc-en-ciel de nuances à portée de main.

Agenouillé sur le sable, la 3DS entre tes mains, le monde s'effrite. Tu retiens tes larmes mais elles finissent par mouiller tes joues, désobéissantes, à ton image. Tu les chasses d'une main rageuse et le souffle court. L'air se faufile difficilement dans ta trachée compressée par ce chagrin disproportionné que suscite l'amour de Mathéo. Tu aimerais être heureux. En vérité, une part de toi l'est. Mais ce n'est pas ce qui ressort d'emblée tant tu aimerais que cet amour soit partagé par d'autres personnes de ta vie que tu juges encore maintenant indispensable à ta survie. Tu ne comprends pas les signaux de l'univers et tu t'escrimes à vouloir tordre l'espace-temps sans réaliser que tu n'es qu'un grain de riz insignifiant. Et tu n'en as jamais autant souffert qu'aujourd'hui.

Dix-neuf ans. Huit ans déjà que je te connais, que je suis chacun de tes pas, que je te relève quand tu trébuches, que je pèse le pour et le contre, que je t'expose la vérité nue et laide que les adultes tentent vainement de te cacher, que je te prends la main quand tu as peur du noir, que je te protège de ce monde qui te veut du mal. Tu t'es senti extrêmement seul mais tu ne l'as jamais été. Depuis que tu as tes amis, Nolan, Pablo, Yulian, depuis que tu es président du club de littérature, depuis que tu vois que les gens te respectent, te supportent et demeurent, je me fais plus petite. Jusqu'au jour où je me suis évanouie entre les mains de Mathéo. Un passage de flambeau sans concertation. Tu étais si certain que jamais plus tu n'aurais besoin de moi.

Et pendant un temps, j'y ai cru moi aussi. Que l'amour des autres serait assez fort pour te soutenir mais cela n'a jamais été le cas. Bien sûr qu'ils t'aident au quotidien mais qu'en est-il de la longueur ? L'avenir te paraît toujours aussi flou et tu as l'impression d'être revenu à la case Départ. Tout ce chemin parcouru bafoué par un morceau de papier sans âme et un billet de cinq mille yens, risible. Alors qu'en face, tu es couvert de cadeaux. Tu es un roi, tu es un super-héros, tu es un enfant dans un corps de presque adulte, tu es une murène cachée dans ta caverne, tu es du chocolat chaud, un chibi, un cutie, un chocoboom ; alors que tu n'es rien aux yeux de tes parents. Les larmes embuent toujours tes yeux et tu renifles. Maintenant, Mathéo sait que ce silence n'est qu'un subterfuge.

Tes doigts tremblent. Tu aurais dû suivre le conseil de Mathéo et te couvrir avec un pull plus épais. Mais tu as toujours aimé ce pull violet même si la couleur est bien trop voyante. C'est sans doute ça que tu aimes, d'être vu de temps en temps. Comme aujourd'hui alors que tous les yeux se sont braqués sur toi au restaurant, au karaoké et maintenant sur cette plage. Et tu ne sais où donner de la tête. Ces attentions t'effraient autant qu'elles te comblent. Tu ne t'attendais pas à tant. Tout émerveillé que tu étais après avoir été mené sur cette plage, yeux clos, le cœur battant, époustouflé quand tu avais découvert la tente et le gâteau, complètement fasciné quand Mathéo t'avait révélé l'emplacement des cadeaux. Tu aurais dû manger avant, comme il te l'avait suggéré. Mais non, tes enfantillages t'avaient poussé à lui demander si tu pouvais les ouvrir avant.


A vrai dire, Seito se serait contenté du marque-pages, des petits mots avant chaque cadeau. Bien sûr, il avait déterré le cœur en premier. Puis le losange l'avait attiré. La couverture du carnet l'avait monopolisé quelques secondes pendant lesquelles il avait fait pivoter la couverture de sorte que les dorures capturent les rayons du soleil déclinant. Alors, en feuilletant les pages vierges, il avait remarqué la note qui occupait la première et déjà il s'en était ému plus que de raison. Le poème aurait pu contenir n'importe quoi, il était donc plus dévastateur encore en faisant écho à leurs discussions passées. Tout ce qu'il avait pu livrer à Mathéo, absolument tout avait été retenu et plutôt que de s’appesantir dessus, il avait réitéré l'exploit d'insuffler de l'hélium dans les boulets à ses pieds. Son regard avait cherché le sien, ses lèvres s'étaient fendues d'un timide merci, si peu face à l'étendue de ces efforts.

Seito avait voulu l'embrasser mais ils étaient dehors alors il n'avait rien tenté. Et puis un dernier cadeau l'attendait caché sous le symbole carré. Trois cadeaux, une tente, un gâteau, c'était bien trop.

Et tu ne le mérites pas ?

Des grains de sable sous les ongles, il avait griffé le sol jusqu'à extraire une boîte rectangulaire. L'indice l'avait intrigué et c'était sans la moindre idée de ce que contenait le tissu rouge qu'il avait défait le nœud. Ce cadeau est de loin le plus fou. Mathéo avait toujours frappé fort, prônant l'amour qu'il lui portait comme le bouclier le plus efficace contre sa désapprobation. Mais ce coup-là, Seito ne l'avait pas vu venir et il en ressortait complètement déboussolé. Car ce cadeau était bien trop cher et, venant en dernier, il s'ajoutait comme la goutte de trop dans un vase par trop rempli.

D'où les larmes et le rejet. Mais peux-tu vraiment rejeter Mathéo alors qu'il fait parti des seules personnes de ta vie qui se soucient de toi ?

Un non massif s'impose. Seito secoue la tête, incrédule. Il a envie de hurler, de s'enfuir, de se jeter à l'eau, tout et rien à la fois. Les choix se mélangent jusqu'à ce qu'il choppe le premier qui passe par là. Ses doigts se referment sur le col du pull de Mathéo qu'il traîne à l'intérieur de la tente pour s'étaler sur lui, chevelure endiablée, regard survolté.

« T'es fou. Tu sais ça ? T'es complètement fou, putain. »

Assis sur lui, il ramène Mathéo à la hauteur de son visage pour en capturer les lèvres sauvagement. Ses doigts enserrent son pull tandis que sa main gauche se faufile entre les mèches disciplinées de son petit-ami. Entre deux baisers appuyés, ses dents accrochent la lèvre de Mathéo et semblent calmer temporairement le tumulte de ses pensées. Il relâche sa bouche, à bout de souffle.

« Je peux pas accepter tout ça Mathéo. »

Mais il ne relâche pas sa prise sur son col pour autant.



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Dim 13 Oct 2024 - 19:56
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Samedi 10 novembre 2018


À quoi s’attendait-il ? Il ne sait pas vraiment. Un sursaut de joie ? Un enthousiasme timide ? Peut-être à un peu de gêne. Ce qui est sûr,  c'est qu'il espérait lui faire plaisir. Ce qui est sûr, c’est qu’il ne s’attendait pas à cette main qui lui agrippe le pull et le traîne jusqu’à la tente. Soufflé, il laisse Seito le jeter à l’intérieur. Il consent aussi à lui laisser la main lorsqu’il lui grimpe dessus, il l’autorise à faire sien le peu d’espace que la tente  peut leur fournir et à en dominer le sien. Ses yeux en portent la surprise au grand jour mais son coeur, chargé d’une adrénaline débordante, tambourine lourdement contre sa poitrine. Ça, non, il ne s’y attendait pas. Mais étrangement, ça lui plaît. Dommage qu'il ne puisse s'en satisfaire. L’orage dans les yeux de son petit ami l’inquiète, il a tout de même l’impression d’avoir appuyé sur le mauvais bouton, celui qui déclenche une guerre plutôt que celui qu’il visait et devait larguer un torrent d’amour sur eux. Pourtant, ce sont les notes d’une autre partition que celle de la peur que son coeur décide de jouer. Ses yeux soutiennent le regard survolté de Seito sans la moindre crainte. Fascinés, ils en capture toute la beauté. Oui, il est fou. Et plus encore en recevant ses baisers ensauvagés. La contre partie de sa folie n’est pas si désagréable, était-ce réellement un reproche qu’il lui faisait ? Il s’en sent plutôt gratifié. Mais c’est vrai qu’il doit avoir perdu prise avec la réalité parce qu’aucune gêne ne le chatouille, aucune inquiétude ne le saisit alors qu’un simple et fin tissu imperméable les protège du monde extérieur et que l’entrée de la tente donne pourtant à voir sur le leur, de monde. Il s'en ficherait presque. Coudes en appuie sur le sol, il se sent fondre sous la chaleur de l’affection qui l’anime. Sa lèvre coincée sous les dents de Seito, il sent sa peau s’électrifier. Un doux courant lui parcourt le corps et il a bien du mal à s'en passer. A peine libéré de son emprise, il recherche de nouveau l’emprisonnement. Tant pis s’ils manquent de souffle tous les deux, sa main saisie sa nuque pour le rapprocher. Il capture ses lèvres pour leur rendre l’appareil, emporté par la tension électrique qui a envahi leur tente.

« Shht » souffle-t-il contre ses lèvres, yeux clos. Il lui faut quelques instants pour se remettre de l’émoi, il requiert un peu de silence. Son index vient clore toute tentative de révolte face à ce nouveau décret en lui scellant les lèvres. « Je suis désolé si j’en ai trop fait… mais c’est ton anniversaire. Le premier qu’on peut fêter ensemble. Laisse-moi être égoïste pour une fois, s’il te plaît » soumet-il sa demande en rouvrant les yeux, qu’il pose sur les siens, amoureux.

« Est-ce que tu peux m’en vouloir d’être fou de toi ? »

Son doigt descend sur sa lèvre inférieure, jusqu’à son menton qu’il saisit avec l’aide de son pouce. Alors qu’il se redresse pour pouvoir s’asseoir correctement, son bras libre passe dans son dos pour l’enserrer tendrement contre lui et il retrouve ses lèvres pour un court baiser.
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Sam 9 Nov 2024 - 19:19
SAMEDI 10 NOVEMBRE 2018



Seito ressent le besoin d'asseoir sa colère et elle explose sur les lèvres de Mathéo. Elle le rend émotif, sauvage et complètement irresponsable. Sauf que Mathéo ne l'arrête pas. Il subit sans lui faire de remontrance. Mieux que ça il répond par de nouveaux baisers et Seito se laisse charmer par le son de cette flûte enchantée qu'il n'a eu de cesse de jouer en sa présence. Et bordel, ça marche. Stoppé par les doigts chauds de son petit-ami, il n'interrompt pas son plaidoyer et y trouve même une certaine logique.

Seito a promis de faire plus attention. Il n'est pas le seul à ressentir le monde, les autres aussi sont sujets à ses émois. Et Mathéo n'est pas épargné par leur passage, le japonais en a été brutalement informé. Puis il n'est plus à même de juger. Depuis hier, son cœur est écorché. Il suppure dans sa poitrine et tambourine, brûlant. Cette fièvre lui monte à la tête, jusque dans son regard moucheté de défi et ses lèvres moites d'interdit.

« D'accord... »

Celui-là est sincère. Un murmure glissé entre deux baisers.

« Sois égoïste. »

Aime-moi, aurait été les mots exacts. Des frissons cavalent le long de son dos et pour s'en prémunir, son corps recherche la chaleur de son compagnon. Son visage se niche dans le cou de Mathéo qu'il enserre de ses bras. Mathéo n'est pas à blâmer, il ne le sera jamais. S'il faut un coupable, Seito est l'éternel désigné. Être fou ne devrait pas être problème mais il l'est dès lors que ça le concerne.

De là ses pensées s'éparpillent. Le papier blanc gît au fond de la poubelle de son bureau, déchiré en quatre morceaux. Le billet hante le tiroir de gauche du même bureau. Il entend encore les mots de sa mère. Ou leur absence plutôt, et ce rappel constant qu'il est faillible et qu'aucune confiance ne saurait lui être accordé. Alors qu'il aurait aimé que ses parents soient égoïstes eux aussi.

Oh, ils l'ont été. Tellement égoïstes qu'ils ont préféré occuper leur week-end à autre chose qu'à t'acheter un gâteau et t'offrir des cadeaux.


Ferme-la.


La peau de Mathéo est chaude contre son nez, chaude et douce. L'odeur subtile de lessive lui chatouille les narines et il en inspire toutes les effluves profondément. Seito fronce les sourcils pour chasser la petite voix qui tente de grappiller du terrain sur le peu de bien-être qu'il soutire de sa position. Mais elle refuse de se taire alors il quitte son refuge pour occuper son cerveau à autre chose que cette litanie entêtante.

Le japonais libère Mathéo. En se reculant, ses mains se posent sur ses cuisses sur lesquelles il s'appuie pour se pencher. Ses lèvres se font désirer, l'espace d'une seconde il maintient la distance avec l'être aimé. Le temps qu'éclatent ses sentiments, qu'ils embrasent son épiderme et ravissent chacun de ses atomes. Mais l'angoisse jaillit derrière, vorace et ravageuse.

Ne le dis pas. Passée la saveur de la première fois, ces mots-là se fanent jusqu'à pourrir. Dit à outrance, ils perdent leur magie et s'éteignent plus vivement qu'une étoile. L'implosion te tuerait à coup sûr. Alors, une fois de plus, abstiens-toi.

Silencieusement, Seito comble les centimètres et vole un dernier baiser à son roi.

La chaleur du corps de Mathéo lui manque déjà lorsqu'il ressort de la tente. Mais la vue des cadeaux éparpillés, du sable retourné par cette chasse au trésor improvisée, du gâteau magnifiquement décoré et puis... cette vue à couper le souffle où le soleil se meurt lentement à l'horizon suffit à compenser cette absence. Qui n'en est d'ailleurs pas vraiment une puisque Mathéo est juste à côté et qu'il le reste jusqu'à lundi matin.

Seito prend une grande bouffée d'air frais et tourne la tête derrière lui, les yeux pétillants.

« Le spectacle a commencé mais il reste encore des places au premier rang, tu viens ? »

Avant ça, il aide prestement Mathéo à ranger cadeaux et gâteau dans la tente puis il retire ses chaussures et les dépose à l'entrée de la tente. Le sable est froid entre ses orteils mais il se sent ragaillardi. D'un signe de tête, il invite son petit-ami à le suivre et part au devant de la mer où il pose ses fesses dans le sable humide.

L'océan est calme, les vagues clapotent. Quelques mouettes tournoient et jacassent au loin. Le soleil se fond dans le ciel, imperturbable, et teinte le ciel d'une palette flamboyante où jaune et rouge se livrent une bataille ambrée. Inutile de commenter, le spectacle se suffit à lui-même dans toute sa magnificence. Cependant, Seito a toujours le chic pour poser des questions incongrues au pire moment. Si bien qu'il demande sans quitter l'astre des yeux.

« Tu crois que le soleil a peur des fois de s'éteindre pour la dernière fois ? »



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Lun 25 Nov 2024 - 17:35
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Samedi 10 novembre 2018


La main posée sur son dos, Mathéo serre Seito un peu plus fort contre lui. L’orage est palpable, il en sent la lourdeur dans l’air mais l’odeur de son pull et de ses cheveux suffisent à apaiser le début d’anxiété qui frémissait dans son ventre. Ce ne sont pas des mots qui tomberont dans l’oubli, égoïste, il compte l’être. Il s’en était empêché toute sa vie. Il avait ravalé sa frustration, sa peine et sa colère pour en masquer les ébauches passées. Il s’était promis en sacrifice à la vie pour ne pas l’être. Il avait accepté de sceller son destin à celui de la société et d’étouffer tout cet égoïsme qui le constituait et qui petit à petit avait pourri son coeur et ses veines de rancœur. Avec Seito aussi, il se l’était empêché. Il continuait d’en limiter la portée. Pourquoi ? Par crainte de l’abîmer, par peur de se brûler les doigts, de se prendre pour un oiseau et de se retrouver comme un éléphant jeté depuis le ciel. Seul Dumbo sait voler avec autre chose que des ailes, parce qu’il est un personnage de dessin animé. Dans la vie réelle, les gens comme lui s’écrasent violemment contre la réalité de la vie. Pourtant, dans cette étreinte silencieuse cet égoïsme se formule en promesse. Tant pis s’il tombe depuis le ciel, rester impuissant dans l’obscurité à espérer voir un jour sa lumière ne lui convient plus. Au moins, il aura pu en admirer les couleurs éternelles. Sa damnation aura ce privilège d’être plongée dans la nostalgie de sa beauté, tout aussi éphémère aura-t-elle été. Pour ça, il devrait remercier Nolan et Pablo de leur propre égoïsme. L’appel de cet abruti avait au moins eu ce mérite de lui faire réaliser qu’à faire passer les envies des autres avant les siennes, il se retrouvait toujours lésé. A quoi bon en implorer les dieux ensuite, s’il n’était pas même capable de défendre sa place auprès de celui qu’il aime ? Il s’autoriserait l’égoïsme désormais. Il s’autoriserait à aimer et à le revendiquer, parce que tout aussi lâche est-il, tout ce qui touche à Seito est un combat qu’il n’est pas prêt à perdre.

Son petit ami se défait d’entre ses bras, leurs yeux se croisent et le silence devient roi à leur place. Le coeur de Mathéo bat tendrement. Peu importe qui est le roi, ça ne compte pas. Il n’a pas besoin des mots, ce qu’il lit dans les yeux de Seito lui suffit. Son corps se contente du baiser qui met fin au règne de leur voleur de trône et fait virevolter son coeur. Oui, ça lui suffit comme ça.

Hors de la tente, il suit les pas du lycéen, l’aide à protéger toute l’affection déployée pour son anniversaire à l’intérieur de la tente et se laisse tomber les fesses sur le sable humide à ses côtés, près de l'eau. Ses poumons se gonflent d’air marin, le spectacle éblouissant offert par la mer, le ciel et le soleil soulage les tensions causées par le stress de ces derniers jours. Il n’a jamais été autant heureux d’avoir agit sur un coup de tête. C’était le meilleur choix à faire pour cet anniversaire.

« … Non » avoue-t-il en coupant la parole aux vagues. Le coeur troublé, il vient chercher du réconfort en posant sa main sur celle de Seito. Il la recouvre, passe ses doigts entre les siens et ancre leurs deux mains dans le sable mou. Entre leurs deux corps, leur lien est protégé des regards mauvais.

« Il y a des choses qui ne s’éteignent jamais. Le soleil en fait parti »

Il tourne la tête, sourire doux aux lèvres, pour le contempler. Il reste plus beau que tous les soleils de l’univers.

« Il ne fait que s’éloigner un temps puis il revient. Même si on a l’impression qu’il s’est éteint dans la nuit, il brille toujours quelque part. Il suffit d’attendre qu’il en chasse l’obscurité. »

Il presse sa main un peu plus fort contre le sable.

« Tu veux savoir ma théorie sur le pourquoi il disparaît régulièrement ? »

Il replonge les yeux sur le ciel. Son immensité donnerait presque le vertige.

« Je crois qu’il nous apprend comment faire avec la vie. »

Il entend un chien aboyer un peu plus loin, quelqu’un traverse la plage mais il décide de poser son crâne contre celui de Seito tout de même. Qu’on regarde leurs dos si cela chante aux gens.

« Et qu’il est amoureux de la lune alors il lui laisse de la place pour que tout le monde la voit briller aussi. Le ciel est toujours beau parce qu’il est témoin de leur amour pour l’éternité. Lui, il est amoureux de leur amour. Ce soir, il est tout particulièrement magnifique parce que je lui ai demandé de soutenir notre amour aussi.  ».
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Mar 3 Déc 2024 - 21:57
SAMEDI 10 NOVEMBRE 2018



« Non ? » répéte-t-il surpris par la négation.

Le japonais quitte brièvement l'astre des yeux pour couler un regard sur cette main qui l'emprisonne de tendresse. Mais il ne s'y attarde pas et remonte vers ce sourire qui lui enrobe le cœur.

« Dis-moi. »

Alors que Mathéo lui dévoile sa théorie, ses yeux glissent sur la courbe de son nez, s'échouent sur ses lèvres et dévalent la piste de sa mâchoire.

L'étudiant est beau. Il est si beau. Et il l'aime plus fort que tout. Il l'aime d'un amour délirant. Après tout ce temps, Seito ne comprend pas ce qu'il lui trouve ni ce qu'il lui apporte. Mathéo est un soleil timide et lui le vent qui balaye les nuages. Mais Seito ne veut pas briller à sa place. Il ne veut pas qu'il s'éteigne, même temporairement. Il ne voulait pas l'attirer de sa lumière blafarde, il n'a rien fait pour. Il était là et soudain, les sentiments avaient jailli. Puis l'incompréhension, puis le tourbillon des émotions, une envie mordante de courir à perdre haleine sur ce chemin semé d'embûches, claudiquant mais toujours valide, le cœur percé d'aiguilles mais toujours battant.

Et puis d'ailleurs, il ne brille plus. Ou plus assez pour être convaincant. Bientôt il n'aura plus la force de sourire. Il se sent si faible depuis hier soir, comme lesté d'un poids mort au creux de sa poitrine. C'est à se demander comment il tient debout. Pas tout à fait, il a cédé. Tous les cadeaux, il les accepte. Mathéo peut bien lui imposer tous ses souhaits, ce week-end est pour lui. Ce week-end, il laissera Mathéo briller tout son soûl. Parce qu'il le mérite tellement, les mots ne sortent pas mais il mérite tellement plus que ce que Seito a à lui offrir. Lentement, ses yeux se détachent de Mathéo. Son cœur se serre à la vue du soleil dévoré par les vagues.

Il plie son genou droit et laisse tomber bras droit plié et tête dessus.

« Il lui faut beaucoup d'amour à la Lune, pour qu'elle se montre complètement. Et faut lui répéter souvent parce qu'elle rechute régulièrement et se fait toute petite. Il doit vraiment beaucoup l'aimer... »

Douce chaleur entre leurs doigts enlacés, pâle imitation du ciel embrasé. Le soleil court à sa perte. Ses pupilles tentent de retenir sa chute, en vain. Soudain ce n'est plus assez. Pour endurer une telle perte, il a besoin de soutien. Cette disparition le fait souffrir plus que de raison. Il ne se l'explique pas, refuse d'en dévoiler la teneur. Ne t'éteins pas, aimerait-il lui souffler, tu me fais peur, je ne suis rien sans ta lumière, je ne veux pas avancer seul, je veux ta main dans la mienne, je te veux brillant à mes côtés pour manger toutes ces ombres qui découpent mon être, attends-moi, ne pars pas, je t'en supplie.

La gorge serrée, son corps se soulève et s'aimante contre celui de Mathéo. La main, le bras, l'épaule puis son oreille se plaque contre son épaule. Des mèches de cheveux lui obstruent le regard mais il ne les repousse pas. Partiellement voilé, il a moins de mal à accepter la fin. Il se sent profondément dramatique. Mais voilà, déjà le soleil n'est plus. Ne reste que le ciel et ses balafres écarlates. Et ça l'émeut. Sa voix peine à supporter la banalité de sa question :

« C'est un gâteau à quoi que tu as acheté ? »



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Comme un jour sans lumière | Ou un orage sans éclair | Emerger sans toi n'aura aucun sens.
Une route pleine de dangers, on adhère, alors... | Risquons tout pour s'accorder cette chance.
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Mer 4 Déc 2024 - 18:45
La vie t'aimait tellement qu'elle t'a créé.
Samedi 10 novembre 2018


Le soleil s’efface avec douceur sous les mots de Seito. Il s’estompe dans la lumière du ciel, disparaît en laissant derrière lui les traces orangées et rougies de sa mélancolie. Le crépuscule y trouve sa majesté bien que le monde y perd de sa splendeur à mesure que sa lumière se tamise. Mathéo fixe l’horizon de ses yeux émerveillés. Il écoute, le cœur alourdi, toute la tristesse que porte la voix du lycéen. Celle-ci semble s’envoler dans les hauteurs du ciel magnifié, elle travers l'atmosphère et se diffuse dans les nuages. L’étudiant en accueille le poids sur son épaule, son pouce caresse tendrement la main enchaînée au sable de son petit ami. Bien sûr que le soleil aime beaucoup la lune, pense-t-il. Il ne penserait plus à vivre sans elle. Son cœur se serre, douloureusement, il déglutie. Ce moment partagé entre eux est à chérir mais il fait partie de ceux qui mettent son âme à l’eau, ceux qui réveillent en lui cette angoisse caverneuse que les profondeurs de ses inquiétudes les plus déniées cherchent à masquer… ceux durant lesquels  il a l’impression que Seito pourrait disparaître, lui aussi. Tout comme le soleil. Sans qu’il ne puisse être sa lune. Un pressentiment familier mais auquel il ne veut donner aucune importance tant il préférerait s’arracher le cœur que d’envisager ne serait-ce que sa potentialité. Un ciel sans Seito ne vaut pas la peine d’être regardé.

Sa poitrine tremble, apeurée face à ce constat. Lui qui pensait n’avoir besoin de personne, qui avait construit les plans détaillés de sa vie en solitaire… voilà qu’il se retrouvait misérable à l’idée de perdre son astre. Voilà qu’il redoutait de remettre les pieds dans ce monde sans saveur qu’il s’était construit. La tristesse lui monte au nez, le tremolo dans la voix de son petit ami fait sombrer la sienne en un instant. Il lui faut une profonde inspiration pour dénouer le nœud qui lui obstrue la gorge.

« C’est... un fraisier… avec une génoise au matcha. »

Le vent iodé de l’océan lui effleure la peau, soulevant une véritable révolte sur son épiderme. Contre Seito, Mathéo frissonne. Il pourrait se taire et faire comme si de rien était. Ce serait plus raisonnable, plus facile mais il fuirait encore et son coeur est fatigué de fuir. A fuir, quelqu'un de plus courageux finira par l'éteindre et briller à sa place dans le ciel du lycéen. S'il devait y être condamné, il ne voudrait avoir aucun regret. Avoir tout dit, tout tenté, pour faire front à cette tristesse qui creuse parfois des abimes entre eux.

« Tu sais, Seito. Le soleil est patient et il a assez d’amour à offrir à la lune. Il peut lui répéter encore et encore, pendant des millénaires, s’il le faut. Ce n’est pas grave si elle oublie parfois ou si elle rechute régulièrement. Il attendra toujours qu’elle veuille bien se souvenir et accepte de se relever avec lui. Peu importe le nombre de cycles qu’ils devront surpasser ensemble comme ça… l’amour du soleil est intemporel.  » souffle-t-il, la voix basse. C’est une histoire d’amour que seuls eux peuvent entendre. A l'exception de l’océan qu'il prend à témoin pour partager son secret.

Ses yeux se ferment. Une nouvelle inspiration gonfle ses poumons. Il la relâche pour libérer l’anxiété qui le dévore de l'intérieur. Pas maintenant. Pas cette fois. Aujourd’hui, il ne laissera rien d’autre que son coeur pour avoir le dernier mot. Sa main libère celle de Seito pour chercher refuge sur son visage. A deux mains, il saisit doucement sa tête pour l’éloigner de son épaule.

« Je t’aime assez pour attendre que tu te relèves chaque fois que tu tombes. Je t’aime assez pour patienter, allongé avec toi sur le sol, si tu es trop fatigué pour te relever. Je t’aime plus encore que le soleil n’aime la lune. »

L’amour l’oblige à abdiquer, il se penche, vient chercher ses lèvres pour les clore d’un baiser. Un torrent agite sa poitrine, mélange de peur et d’amour. La peur d’être vus, l’envie de rendre le monde aveugle à la lueur de leur amour, la peur d’être devenu fou, l’envie de crier au monde toute sa folie. La peur de lui-même et l'envie d'exister...

Sa main saisit l’ambiguïté de ses émotions en s’agrippant à la nuque de Seito. Que le monde aille se faire foutre, putain.

« Même si tout allait de travers, je t’aime assez pour le supporter. Je peux vivre à l’envers avec toi, s’il le faut. Tant que tu veux être ma lune, je serais toujours ton soleil. » chuchote-t-il, la voix tremblante, en délaissant ses lèvres. Le bout de son nez, froid, frotte tendrement contre le sien. « On a peut-être l'impression qu'ils s'éloignent dans l'immensité du ciel mais en réalité ils sont toujours ensemble. Peu importe les obstacles qui leur passent devant, la lune et le soleil sont plus grands. »
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Jeu 12 Déc 2024 - 21:23
SAMEDI 10 NOVEMBRE 2018



Un fraisier. Il fallait que ce soit un fraisier. Il existe pourtant une multitude de gâteaux. Mais non. Mathéo avait choisi exactement le gâteau qu'il affectionne le plus. Celui que ses parents lui achetaient quand ils l'aimaient encore. Puisque le soleil s'est éteint, Seito fait de même en fermant les paupières. Ainsi il espère retenir les larmes qui menacent de rejoindre l'océan. A force de pleurer, il craint de s'évaporer. Et cette pensée lui tord les boyaux.

Mathéo a dû sentir sa retenue. Il aurait pu la laisser flotter au vent, s'en aller vers le large, mais il choisit de la retenir et de la déconstruire. Lui se tait. Sous ses paupières, la Lune et le Soleil dansent dans un cycle éternel. La Lune ne brille pas. Elle n'émet aucune lumière. On ne la voit que parce qu'elle reflète le Soleil. À moitié éclairée, elle ne s'exprime qu'à demi-mot. Dans son ombre, nul ne sait ce qu'elle cache. Mais cette noirceur est telle qu'elle inquiète.

Seito s'en veut d'être cette source inépuisable d'inquiétude. Il aimerait être ce garçon joyeux, insouciant. Il aimerait rire aux éclats, sourire à tout bout de champ. Il aimerait être aimé sans effort. Sans toutes ces conditions que Mathéo énumère comme s'il avait réellement à se plier en quatre pour lui prouver qu'il a sa place à ses côtés. Alors que, bien sûr, il a sa place. Mathéo peut bien prendre toute la place qu'il veut si ça lui chante. Mais il ne pourra jamais l'empêcher de le prévenir. Dans sa lumière, Seito resplendit. Mais derrière, il n'est que l'ombre de lui-même.

Entre ses paumes, la charpente est branlante, les fenêtres de son âme grandes ouvertes. Au sol, du verre brisé, balayé par les embruns marins, terni par les désillusions. Mathéo commet une erreur en le plaçant si haut dans son estime. Il n'est rien qu'une enveloppe de chair poreuse que l'amour imbibe sans le pénétrer. Ses pores l'exsudent lentement pour le laisser à jamais coquille vide. Même la mer n'en veut plus. Elle le ramène sur le sable à chaque marée puis l'enfouit méthodiquement. Jamais les doigts de Mathéo n'auraient dû le dénicher. Il se croyait si bien caché.

Mais voilà que ses lèvres le découvrent à nouveau. Elles lui soufflent le chant de l'océan, souvenir lointain du temps où il se laissait porter par le courant. De cette symbiose, plus de traces. L'écume a emporté les dessins dans le sable et détruit les tours du château. Seito ne peut se fier qu'à ce présent qui se construit sous ses yeux étincelants. Pourtant, sa mortalité frémit devant l'éternel. Ses paupières se referment, il ne se fie plus qu'au toucher. Frôlement doux sur son nez, une larme découpe sa joue. Secoué de fragilité, il ne fait plus un geste, des fois qu'un mouvement brusque ne plante sur ses joues d'autres aiguilles translucides.

Dans son cœur, les flots s'agitent. La tentation d'y croire est forte. Mais plus forte encore est la conviction que cet avenir prometteur n'existe que dans les contes. Que ce multivers ne lui est pas réservé. Mathéo est une anomalie de l'espace-temps. Son amour s'est trompé de cible, enchanté par un maléfice si puissant que Seito lui-même est incapable d'en trouver le remède. Et il en tremble de tout son être. Ou peut-être est-ce le froid qui le mord à travers son pull trop fin. Doucement, il entrouvre les yeux et se dégage des mains de Mathéo. D'un geste flou, il efface le chemin de l'intruse puis souffle de l'air chaud sur ses paumes.

Sans dire un mot, il déplie ses jambes et se relève complètement. D'en haut, il tend sa main vers Mathéo pour l'aider à se relever lui aussi. La nuit s'est installée et camoufle partiellement le regard caressant qu'il pose sur son petit-ami.

« La Lune a besoin de son Soleil pour être réchauffée. »

Seito esquisse un sourire.

« Et elle a aussi besoin de beaucoup de sucre et de crème et de fraises. »



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