Basket case (Avec Gareth)

Ce samedi, le ciel au-dessus de Kobe était d’un bleu limpide, une légère brise venant souffler le paysage hivernal de la cité portuaire. Jin avançait d’un pas tranquille dans les rues animées du centre-ville, une liste mentale des achats à faire bien ancrée dans son esprit. Le bruit de la ville l’entourait : les rires des enfants, les discussions animées des passants, et le son lointain d’un musicien de rue jouant une mélodie au shamisen.

Sa première destination était un magasin spécialisé en équipements de sport. Après des mois d’entraînements intensifs, ses vieilles chaussures de course ne ressemblaient plus qu’à l'ombre d’elles-mêmes. Il en choisit une nouvelle paire, robuste mais légère, parfaite pour ses entraînements matinaux. Ensuite, il passa au rayon des équipements de kendo. Le sabre de bois qu’il utilisait pour les démonstrations avec ses élèves avait vu trop d’affrontements et s'était brisé lors d'une déonstration... Ce qui a bien fait rire sa classe... Alors, l'arme méritait impérativement un digne remplaçant.
Enfin, le sportif se rendit au rayon boxe, où une paire de gants bleus aux coutures blanche attira son attention. Satisfait de ses achats, il sortit du magasin, ses sacs en main.

Alors qu’il s’apprêtait à rentrer directement chez lui, ses pas le menèrent presque inconsciemment vers le sanctuaire Ikuta. L’endroit était calme, figé dans le temps, un contraste apaisant avec le tumulte du centre-ville. Jin resta un moment à observer l’entrée, ses doigts resserrant machinalement les anses de ses sacs. Harumi aimait cet endroit. Elle venait souvent prier ici, ses mains jointes avec une dévotion qui lui semblait si naturelle, si belle. Lui, en revanche, n’avait jamais partagé cette foi, mais il respectait profondément ce rituel qui la rapprochait de ses croyances.

Ashina monta les marches menant au sanctuaire, déposa quelques yens dans la boîte à offrandes et fit un pas en avant. C’était maladroit, presque hésitant, mais il joignit les mains devant lui et ferma les yeux.

Harumi...Si tu es là, où que ce soit, j’espère que tu es en paix. Je sais que je ne peux pas t’oublier, mais... je fais de mon mieux pour avancer. Peut-être que tu m’observes, et si c’est le cas, j’espère que tu es fière de moi... Je ne t'oublie pas...

Le veuf se revit soudain, dans un souvenir qu’il n’avait pas convoqué, mais qui s’imposa à lui avec la vivacité d’un rêve. Ils étaient là, exactement à cet endroit. Harumi portait un yukata aux motifs floraux, ses cheveux relevés en un chignon simple. Elle riait doucement en essayant de lui expliquer l’importance des prières au sanctuaire, mais Jin, taquin, l’interrompait sans cesse avec des questions absurdes, uniquement pour entendre son rire éclater à nouveau.

-« Tu es incorrigible, Jin...»

Avait-elle dit ce jour-là, un éclat de malice dans les yeux, avant de se retourner pour prier. Il se souvenait encore de l’expression de son visage : paisible, pleine de vie.

En rouvrant les yeux, Jin sentit une pointe d’émotion qu’il réprima rapidement. Il inclina légèrement la tête vers l’autel, afin de marquer un dernier au revoir silencieux, puis redescendit les marches, la tête basse.

Alors qu’il traversait un parc en direction de sa voiture, son attention fut attirée par un groupe de personnes sur un terrain de basket. Des discussions enthousiastes retentissaient. Jin voyait des joueurs de son âge, peut-être un peu plus jeunes, qui semblait discuter du prochain match amateur qui allait se dérouler. Il s’apprêtait à passer son chemin, mais un mouvement attira son regard. Là, parmi eux, se tenait Gareth N. Kobayashi, son collègue professeur d’art.

Le solitaire grogna intérieurement. Il aurait préféré éviter toute interaction sociale, mais il savait que l’ignorer serait impoli. La politesse, toujours la politesse. Un sourire mince se dessina sur son visage tandis qu’il levait une main en guise de salut.

-« Bonjour, Kobayashi-san ! »

Son ton était léger, mais son pas se faisait néanmoins assuré tandis qu’il approchait du groupe. Ashina espérait que l'homme lui lance un simple bonjour froid et qu'il puisse retourner hiberner pour le eek-end.