Et si on demandait au Père Noël de nous accorder deux vies (Avec Beck)

Jin était assis au bord du canapé, les coudes appuyés sur ses genoux et les doigts joints dans un geste nerveux. Le salon de Beck sentait légèrement la cannelle et la vanille, un parfum discret provenant d’une bougie sur la table basse. Il tira sur la manche de sa chemise, une élégante pièce noire au tissu légèrement satiné, puis jeta un regard anxieux vers la porte de la salle de bain qui restait obstinément fermée.

Il avait choisi cette chemise après vingt minutes d’hésitation devant son armoire, craignant d’en faire trop ou pas assez. Le pantalon ajusté qu’il portait dessinait sa silhouette athlétique, et ses chaussures cirées brillaient, preuve de son effort pour donner une bonne impression. Pourtant, il sentait que ça ne suffirait peut-être pas. Après tout, ce n’étaient pas n’importe quels parents qu’il allait rencontrer ce soir. C’étaient les parents d’Harumi... Eux qui avaient insité pour le revoir après deux ans d'absence de sa part... Et lâche comme il était, il avait accepté.

Ashina passa une main nerveuse dans ses cheveux soigneusement coiffés en arrière, mais quelques mèches rebelles retombaient déjà sur son front. Son regard se posa sur la montre à son poignet. Ils n’étaient pas en retard. Pas encore. Mais chaque minute d’attente lui semblait interminable.

Il s’efforça de respirer calmement, mais son esprit s’agitait. Et si ses parents ne l’aimaient pas ? S’ils l'accusaient de remplacer leur fille ? Ce n’était pas un simple dîner de présentation ; c’était une mise à l’épreuve tacite.

L'homme se redressa soudain, tirant à nouveau sur sa chemise pour vérifier qu’elle n’avait pas de faux plis. Ses mains glissèrent le long de ses cuisses, cherchant une distraction. Mais son regard retourna inévitablement vers la porte close.

Il imaginait Beck en train de peaufiner son maquillage, peut-être en train d’hésiter entre deux paires de boucles d’oreilles. Elle était toujours magnifique, mais ce soir, il savait qu’elle mettrait tout en œuvre pour se surpasser. Il avait hâte de voir sa robe, sa coiffure, ses longues jambes mises en valeur comme elle savait si bien le faire.

Un sourire discret effleura ses lèvres malgré son stress. Oribe avait cette capacité de le laisser sans voix, peu importe l’occasion. Elle dégageait une confiance et une sensualité naturelles, mais ce qui l’avait toujours fasciné, c’était la façon dont elle savait marier élégance et audace. Il imaginait déjà sa silhouette se dessiner dans l’encadrement de la porte, et son cœur accéléra légèrement.

Le veuf se leva pour faire les cent pas, incapable de rester immobile plus longtemps. Ses chaussures claquaient légèrement sur le parquet. Il s’arrêta devant un miroir accroché au mur, ajusta le col de sa chemise, puis soupira.

-« T’as déjà vu plus difficile que ça, Jin. C’est juste un dîner. Un dîner avec des personnes qui comptent pour toi qui peuvent te juger et ruiner ta soirée et ton couple. Rien de compliqué. »

Jin roula des épaules pour se détendre et tenta de calmer le flot de pensées dans sa tête. Mais alors qu’il s’apprêtait à reprendre son siège, un léger clic retentit. La poignée de la salle de bain tourna.

L'athlète fit volte-face, son souffle suspendu.

La porte s’ouvrit lentement, révélant d’abord un éclat de tissu satiné. Puis Beck apparut dans toute sa splendeur.

Jin l'observa en silence lorsqu'elle referma la porte derrière elle. Son regard glissa sur la robe rouge, s'attardant sur les strass scintillants qui captaient la lumière et sur la coupe fluide qui épousait parfaitement sa silhouette. Il nota comment le tissu suivait avec élégance les courbes de Beck, soulignant sa taille fine et effleurant ses hanches avec grâce. Ses yeux se posèrent ensuite sur les boucles d'oreilles en argent et rubis qui reflétaient subtilement la lumière. Le parfum délicat de jasmin flotta dans l'air, ajoutant une touche de douceur et d'intimité à l'instant. Ashina sentit son cœur battre un peu plus vite.

Pendant un instant, il eut l'impression qu'elle sortait tout droit d'un rêve. Elle était magnifique, et il se demanda brièvement comment il avait eu la chance de partager un moment aussi spécial avec elle. Mais cette pensée, aussi brève soit-elle, fut suivie d'un léger trac. Il voulait que cette soirée se déroule parfaitement. Non seulement pour lui, mais aussi pour Oribe, dont l'effort et l'élégance méritaient d’être reconnus.

Le japonais se racla discrètement la gorge pour chasser son hésitation et afficha un sourire sincère avant de lâcher, la voix un peu plus douce qu’il ne l’aurait voulu :

-« Tu es parfaite. »

Le compliment sembla presque flotter dans l’air, et Jin s’étonna de la chaleur qu’il ressentait en prononçant ces mots. Un léger rose teinta ses joues alors qu’il baissa brièvement les yeux, comme pour reprendre contenance. Il inspira profondément, chassant la nervosité qui menaçait de le submerger. Puis, avec un geste mesuré, il tendit la main et attrapa délicatement la sienne lorsqu’elle eut fini d’ajuster sa montre.

-« On a encore un peu de temps. Pas besoin de stresser. »

Ses doigts pressèrent doucement les siens, dans un geste à la fois tendre et rassurant. L'athlète espérait qu’elle ressente ce qu’il voulait lui transmettre : du soutien, de l’assurance et peut-être même une pointe d’admiration qu’il n’osait pas encore mettre en mots. Il relâcha lentement sa main, se permettant un dernier regard avant de se détourner pour enfiler son manteau sombre.

La veste bien ajustée glissa sur ses épaules, et Jin prit un moment pour lisser les revers et redresser son col. Il vérifia rapidement son reflet dans le miroir, passant une main dans ses cheveux pour s’assurer qu’ils étaient en place. Sa tenue était sobre mais élégante : un pantalon sombre assorti à une chemise blanche impeccable et une cravate discrète. Tout dans son apparence cherchait à transmettre une certaine sérénité, même s’il sentait encore la tension s’accrocher à lui.

Il jeta un dernier coup d’œil à Beck, incapable de cacher complètement le petit sourire qui jouait au coin de ses lèvres.

-« Je suis prêt quand tu l’es. »

Ashina semblait calme, mais au fond de lui, une tempête d’émotions continuait de tourner. Il voulait que tout soit parfait pour cette soirée, pour elle, pour eux. Et tandis qu’il se préparait à sortir, il se fit la promesse silencieuse de faire de ce moment un souvenir qu’elle chérirait.

Jin ajusta le col de son manteau en laine anthracite, jetant un dernier regard au miroir de l'entrée. Ses cheveux étaient soigneusement coiffés, mais il se passa nerveusement une main dans les mèches sombres avant de se détourner. Sur la table, un bouquet de fleurs aux teintes douces reposait à côté d'une bouteille de vin soigneusement emballée. Il les attrapa, ses doigts se resserrant brièvement sur les tiges avant qu'il ne relâche sa prise, comme s'il chassait une tension invisible.

Ashina rejoignit Beck sur le pas de la porte et, après une dernière vérification pour les chats, il ferma à double tour. Avant de descendre les escaliers, il tendit les clés de l’appartement à sa compagne avec un léger sourire.

-« Tiens, garde-les sur toi, je risque de les perdre. »

Le bruit métallique des clés dans sa main lui rappela brièvement d'autres soirées, d'autres hivers passés à tenir une main différente. Harumi avait toujours aimé Noël, et ses parents encore plus. Jin secoua discrètement la tête pour dissiper le spectre de ses souvenirs et suivit Beck dehors, serrant le bouquet et la bouteille comme des talismans.

En arrivant au parking, le veuf déverrouilla la voiture et ouvrit la portière passager pour Oribe avant de contourner le véhicule et de s'installer derrière le volant. Il alluma le chauffage, laissant un souffle chaud envahir l'habitacle, et prit un moment pour inspirer profondément avant de démarrer.

-« Tu n’as vraiment pas à t’en faire. Ce ne sont plus mes beaux-parents, c’est vrai, mais… le deuil a changé beaucoup de choses. »

Ses doigts tapotaient doucement le volant alors qu’il s’engageait sur la route. Le ciel hivernal, teinté d’un gris pâle, s'étendait au-dessus d’eux.

-« Après tout ça, ils sont devenus comme… je ne sais pas, des amis proches. Des piliers. Je crois que j’ai trop souvent trouvé des excuses pour éviter Noël avec eux ces dernières années. Mais cette fois… »

L'athlète marqua une pause, fixant la route devant lui, les phares diffusant une lueur dorée sur l’asphalte mouillé.

-« Cette fois, je n’ai pas pu. »

Géné, Jin jeta un rapide coup d’œil vers Beck, puis reporta son attention sur la route.

-« Tu verras, ils sont adorables. Monsieur Shimura a toujours une anecdote drôle à raconter, et Madame Shimura adore cuisiner. Tu risques d’avoir du mal à refuser ses plats, crois-moi. »

Un léger sourire étira ses lèvres, malgré la tension dans ses épaules. Il voulait croire que ce soir serait différent, que la douleur resterait en retrait, au moins le temps d’un repas. Mais au fond de lui, Ashina savait qu’Harumi serait partout : dans les regards bienveillants, dans les souvenirs qu’ils partageraient peut-être. Il resserra brièvement sa prise sur le volant avant de se forcer à détendre ses mains.

-« Tout ira bien. »

La voiture fendait la nuit, ses phares illuminant les flaques d'eau qui parsemaient l'asphalte. Jin tenait fermement le volant, ses doigts crispés autour du cuir lisse. Le bruit des essuie-glaces rythmait ses pensées tandis qu'il gardait les yeux rivés sur la route. Le silence dans l’habitacle lui pesait, mais il n’avait pas encore trouvé les mots justes pour alléger l’atmosphère.

La voix grave de Beck résonna à ses côtés, brisant brièvement le calme. Il écouta, acquiesçant d’un léger mouvement de tête. Pourtant, ce fut un coup de klaxon strident qui ramena brusquement son attention sur la route. Un véhicule fonça sur eux, dépassant à pleine vitesse par la droite. Jin jura entre ses dents et serra le volant, donnant un coup sec pour maintenir sa trajectoire.

-« Bordel... »

Il souffla profondément, relâchant un peu la tension dans ses épaules. Son regard dévia vers Beck, cherchant à la rassurer.

-« Ça va aller. »

Ashina marqua une pause, cherchant ses mots.

-« Et je sais que tu ne veux pas remplacer Harumi. »

Le veuf reporta ses yeux sur la route, laissant ses paroles flotter quelques instants dans l’air. Le souvenir de Harumi pesait encore, mais il savait que Beck n'était pas là pour marcher sur ses traces. Elle avait sa propre place dans sa vie, même si cette place était encore fragile, en équilibre entre passé et présent.

Quand ils atteignirent leur destination, Jin ralentit devant la maison illuminée. Les guirlandes accrochées aux fenêtres projetaient des ombres chaleureuses sur la façade, donnant au lieu une allure accueillante malgré le froid hivernal. Jin inspira profondément avant de manœuvrer dans la rue étroite pour se garer.

Le premier essai fut un échec. Le véhicule n’était pas aligné et dépassait légèrement. Il lâcha un rire nerveux, redémarrant doucement pour corriger sa position.

-« Désolé, j’ai besoin d’un deuxième round. »

Le deuxième créneau fut à peine meilleur, mais suffisant. Jin coupa le moteur et se tourna vers Beck avec un sourire léger.

-« Écoute, tu n’as pas besoin de faire mille cabrioles et courbettes. Sois toi-même. Ils t’aimeront comme tu es. »

L'homme attrapa la bouteille de vin et le bouquet de fleurs posés sur la banquette arrière, puis sortit de la voiture. Les pas feutrés sur le gravier résonnèrent alors qu’il montait les quelques marches du perron. Il sonna. Le tintement retentit dans la maison, et après quelques secondes, la porte s’ouvrit.

Madame Shimura apparut, enveloppée dans un tablier orné de motifs de houx. Son sourire éclatant effaça instantanément la tension qui alourdissait les épaules de Jin.

-« Ashina ! Ça fait tellement plaisir de te voir. »

Elle se pencha pour lui offrir une étreinte chaleureuse avant de reporter son attention sur Beck.

-« Et voici la fameuse Beck, je suppose ? »

Jin esquissa un sourire timide, laissant Madame Shimura prendre les devants avec son enthousiasme naturel. Il se contenta de hocher la tête, serrant légèrement la bouteille dans ses mains tandis qu'il se préparait mentalement à cette soirée à la fois familière et chargée d’émotions.

Jin observa Beck s’éloigner vers la salle de bain avec une précipitation qui le surprit légèrement. Il resta un instant immobile, puis haussa les épaules en direction de Madame Shimura avec un sourire d'excuse.

-« Elle est un peu nerveuse. »

Madame Shimura répondit par un sourire bienveillant avant de l’inviter à entrer. Jin passa le seuil avec un léger frisson, comme si l’air du passé venait de l’envelopper d’un voile invisible. Il balaya la pièce du regard, laissant son esprit effleurer les souvenirs qui s’y trouvaient encore incrustés.

Le salon était chaleureux, décoré avec soin mais sans excès. Les murs étaient recouverts de tons crème, ornés de quelques tableaux modestes représentant des paysages sereins. Une guirlande lumineuse serpentait autour d’un sapin discrètement installé dans un coin, ses décorations scintillant faiblement sous l’éclairage tamisé.

Chaque pas résonnait tel un écho du passé. Jin s’approcha d’une étagère où reposaient des souvenirs : des photos encadrées de Harumi enfant, adolescente, puis adulte. Son regard s’arrêta sur une image d’elle riant lors d’un voyage en bord de mer. Une vague d’émotions lui serra la gorge, mais il la ravala d’un geste discret, passant une main nerveuse dans ses cheveux.

Lorsqu’il reprit pleinement conscience de son environnement, il se rendit compte qu’il se tenait face à l’autel familial. L’urne funéraire d’Harumi reposait en son centre, entourée de bougies et d’offrandes soigneusement disposées. Sa photo, souriante et paisible, dominait l’ensemble.

Ashina s’agenouilla instinctivement, joignant les mains en un geste respectueux. Son regard croisa celui d’Harumi sur la photo, et il sentit un pincement au cœur. Les mots qu’il aurait voulu lui dire se bousculèrent dans sa tête, mais aucun ne franchit ses lèvres. Il se contenta d’un soupir silencieux, avant d’être tiré de ses pensées par la voix douce de Madame Shimura.

-« Elle aimait tellement Noël, tu te souviens ? Elle passait des heures à décorer le sapin, même si elle finissait toujours par déplacer tout ce que je mettais. »

Le veuf esquissa un sourire triste, se redressant lentement.

-« Oui... Elle était perfectionniste. »

Madame Shimura posa une main légère sur son bras, comme pour l’ancrer dans le présent.

-« Tu sais, elle aurait voulu te voir heureux. Elle détestait te voir te mettre tant de pression. »

Il hocha la tête sans répondre, préférant garder cette pensée pour lui. Après un instant de silence, ils se dirigèrent ensemble vers le salon où le parfum du thé flottait dans l’air.

Lorsque Beck revint, toute souriante malgré sa nervosité visible, Madame Shimura l’accueillit avec la même chaleur.

-« Ce n’est rien, ne vous inquiétez pas. Prenez votre temps, nous ne sommes pas pressés. »

Jin profita de ce moment pour balayer la pièce du regard, cherchant un visage manquant.

-« Où est Monsieur Shimura ? »

-« Il est allé chercher une pâtisserie pour le dessert. Il ne peut pas résister aux gâteaux à la crème. »

Jin esquissa un sourire amusé, mais une pointe de tension restait tapie au fond de ses pensées. Il s’installa finalement sur le canapé, tentant de relâcher ses épaules tout en écoutant Madame Shimura poursuivre la conversation.

Beck se tenait encore devant l’autel lorsqu’une voix douce s’éleva derrière elle.

-« Ne vous en faites pas, ma chère. Le simple fait que vous soyez ici aujourd’hui est un cadeau en soi. Harumi aurait apprécié votre délicatesse. »

Madame Shimura s’était approchée avec un sourire tendre, ses mains jointes devant elle. Ses yeux brillaient d’une émotion contenue, mais elle dégageait une aura de sérénité, presque maternelle. Elle s’inclina légèrement devant Beck, comme pour la remercier d’avoir pris un moment pour honorer la mémoire de sa fille.

Jin entra dans la pièce quelques instants plus tard, silencieux. Il s’arrêta à quelques pas derrière Beck et attendit qu’elle termine sa prière. Ses mains glissèrent dans ses poches, un geste instinctif pour le japonais nonchalent, comme s’il cherchait à occuper ses doigts nerveux. Lorsque Beck eut fini, il s’agenouilla à son tour, mais sans joindre les mains ni fermer les yeux. Son regard resta fixé sur la photo d’Harumi, et un soupir discret lui échappa.

-« Les morts n’interagissent pas avec les vivants. »

Sa voix était calme, presque posée, mais elle portait une note de tristesse résignée. Il baissa légèrement la tête avant de poursuivre.

-« J’aimerais croire qu’elle est dans un endroit meilleur... mais je ne sais pas. Je pense qu’après la mort, il n’y a rien. Juste... le vide. »

Le veuf resta un instant figé, les yeux perdus sur l’image souriante d’Harumi, puis releva la tête en entendant la porte d’entrée s’ouvrir. Le claquement fit vibrer doucement les murs, et des pas lourds résonnèrent dans le couloir.

Monsieur Shimura fit son apparition, rayonnant, avec une boîte soigneusement emballée dans les bras. Son sourire chaleureux sembla illuminer la pièce, dissipant légèrement l’atmosphère pesante.

-« Regardez-moi ça ! » s’exclama-t-il en s’avançant. -« Le pâtissier avait préparé quelque chose de spécial pour les fêtes. Je n’ai pas pu résister. »

Jin se redressa et s’éloigna légèrement de l’autel pour aller à sa rencontre, un sourir timide aux lèvres. Ses yeux s’attardèrent sur la boîte décorée d’un ruban doré. Un léger sourire effleura ses lèvres en voyant l’enthousiasme de son hôte.

-« Vous vous êtes encore surpassé, monsieur Shimura. »

Lança l'homme en hochant la tête.

Il croisa brièvement le regard de Beck avant de reporter son attention sur la boîte. Malgré la gravité de leurs échanges précédents, Jin sembla se détendre, laissant la chaleur de la maison Shimura l’envelopper peu à peu.