Alya ne s'est jamais aussi bien qu'à l'extérieur. Les températures sont plutôt douces pour la saison et l'effet de ses cheveux encore un peu mouillés contre sa nuque et ses épaules lui offre l'avantage de réguler sa température en plus de lui proférer un sentiment de bien-être qu'elle ne trouverait nulle part ailleurs.
L'odeur de l'herbe fraîchement coupée, les derniers chants des oiseaux au loin, la clarté actuelle et les jolies teintes du ciel, tout cet ensemble de choses et d'autres alimentent une merveilleuse sensation qu'elle ne saurait décrire.
Et en bonne compagnie pour agrémenter le tout, c'est avec un certain entrain, toutefois dissimulé par son éternel air froid, qu'elles s'engagent toutes deux dans l'édifice Yamanaka conduisant au réfectoire.
Elle saisit le premier plateau de la pile tout juste chaud et encore humide sous ses doigts, puis se déplaça dans le sens de circulation suivant les deux bandes de ferraille. Guettant les entrées, puis les plats, et ensuite la farandole des desserts, Alya sélectionna uniquement des mets de son pays, choisissant une assiette pour chaque catégorie à mesure qu'ils apparaissent plutôt que de consulter le menu au préalable comme le fait Kazane.
Elle roule des yeux quand elle le fait d'ailleurs, la jugeant sévèrement pour s'attarder sur quelque chose d'inutile alors que tout est déjà sous leur nez.
- Au moins moi j'ai du palais, j'ai un pedigree, contrairement à toi, bâtarde.
Regard de glace à l'expression aigre avant d'exploser de rire à son tour, c'est leur truc : dire des insultes, se regarder méchamment en se fixant en silence jusqu'à ce que la première craque.
C'est étrange, par ailleurs, cette si vite proximité entre les deux jeunes femmes en si peu de temps. Alya a des tendances à la solitude parce qu'elle est si instinctivement focalisée sur la course qu'elle en a mis ses relations sociales au second plan. Factuellement, son planning et ses objectifs actuels ne lui permettent pas de prendre plus de temps que nécessaire pour les autres, alors qu'a contrario, la brune aime la compagnie de ses pairs au point qu'elle dirait pas non à quelques sorties en boîte avec des pintes à rasade.
- Prend pas ça, tu vas grossir et nous voler toute l'eau de la piscine, Moby-dick.
En si peu de temps, Kazane a su franchir toutes ses barrières, et sans mal en plus - ça arrive, les coups de cœur amicaux, la Japonaise est le sien.
Elle a fait, en un mois, ce que personne n'avait fait d'autres en un an.
Alors certes, sa situation n'était pas des plus désespérées puisqu'elle eut des copines entre-temps, comme Lou par exemple, peut-être un peu Milan si on veut embellir l'ensemble des circonstances, mais ça n'a jamais été aussi effervescent qu'actuellement.
Assises face à face, Alya commence par son entrée. Des œufs, il lui faut obligatoirement des œufs. Rien ne surpassera jamais les madeleines en terme de qualité gustative et elle n'est pas du genre à exécuter exclusivement les conseils en matière de nutrition sportive, sauf pour les protéines, idéales après une séance d'entraînement comme celle d'aujourd'hui.
Alors qu'elle déguste tranquillement ses œufs mimosa échangeant des banalités avec sa meilleure amie, elle remarqua la soudaine attitude de cette dernière se tendre, au point que ses propres muscles se figent presque par réponse, bien qu'elle s'efforce de garder une disposition parfaitement stoïque.
Elle doit encore la troller.
Se préparer à quoi au juste ? Détestant le suspense plus que de raison, Alya tourna lentement ses cervicales, ses cheveux raides lui cachant une partie de la vue, tant elle essayait de se faire discrète, évitant de déclencher ce qui, de toute évidence, était déjà l'inévitable.
- Oh non, qui vient-nous faire chier encore ?
Question rhétorique, puisque c'est bien Futaba qu'elle aperçoit du coin de l'œil. De ce que Kazane lui a relaté, c'est une nana collante qui semble être en constante demande d'attention aux vues des péripéties que se contraint de vivre son amie à cause de l'étudiante en arts.
- Je devrais peut-être me lever et donner ma place à ta nouvelle meilleure amie.
Pouffant, c'est un faux sourire narquois qui naquit sur les lèvres d'Alya, se réjouissant elle-même d'être la première à lancer une taquinerie là où elle ne faisait que répondre à celles de Kazane d'ordinaire.
Enfin... son malicieux plaisir fut de courte durée car quand l'autre s'est approchée, Alya a su dès le premier instant qu'elle allait finir sa soirée avec un sévère mal de crâne.
Ce n'est pas spécialement comme si elle avait particulièrement envie de la connaître, en plus.
Complètement réfractaire à ce qu'un élément perturbateur vienne troubler sa quiétude, Alya donne l'impression de ressentir de la haine alors que la jeune femme n'est même pas encore arrivée à leur hauteur. Bras croisé, menton en biais, elle utilise une posture corporelle stratégique qui traduit d'ores et déjà son état d'esprit, cherchant à la dissuader par la peur.
Ouais, ça allait être barbant quoi.
Sleight of hand
Ft. Kazane, Futaba