La balle de la destinéééééé

Un mois qu’Eikichi participe à raison d’au moins deux fois par semaine au club de foot. Un mois qu’il ne se résout toujours pas à faire copains-copains avec qui que ce soit. Sérieux à l’échauffement, sérieux aux entraînements en binôme, pour ne pas pénaliser son camarade, mais exempt de toute volonté lors des matchs. Tant qu’on ne cherche pas spécialement à lui faire de passes -ouf !-, sauf quand c’est le capitaine lui-même qui a la balle... Sa défense est aussi efficace que du gruyère tant il y met de la mauvaise volonté. Un jour ça pétera, sûrement, mais Eikichi n’en a que faire... De toute manière si match officiel il y a, il ne veut pas être sur la feuille de match, pas même pour le banc.

Son moment préféré est celui des vestiaires. Lorsqu’il peut enfin se débarrasser de la sueur sous la douche et réfléchir à son programme de début de soirée. Son quotidien se résume à réviser et s’autoriser des pauses mangas afin de s’aérer l’esprit pour mieux réviser encore. Il les entends, les messes basses à son sujets, mais elles coulent sur sa peau jusqu’à rejoindre le syphon. Si ce n’était pas pour sa mère, il y a longtemps qu’il aurait quitté ce club. A choisir, il aurait fait du kyudo, au moins, la paix aurait été totale.

Son sac pendouillant sur l’épaule droite, le ténébreux quitte les vestiaires direction sa chambre. Il prie les dieux pour qu’Ena n’y ai pas déjà foutu les pieds. En parlant de ça, quelque chose se cogne justement sur le sien. Une balle de baseball. Eikichi tourne la tête vers le terrain à proximité et se questionne. Prend-il la peine d’aller la rendre ou laisse-t-il juste la personne responsable se démerder pour la récupérer ? Le noiraud se posait la question tout en détaillant les coutures maintenant le cuir blanc en place.

La flemme est puissante, sa jauge d’amabilité -entendez sa face stoïque à toute épreuve - a été vidée par cette séance de sport. Un cri strident crispe chaque muscle de son corps. Les étudiants ici sont beaucoup trop énergiques et bruyants ! Il mourra avant la fin de l’année, c’est certain. Nakajima-san... Une pile électriques parmi les autres. Puisqu’elle était là... Eikichi se baissa pour saisir la balle et la lança avec assez de force pour que sa camarade l’attrape. Il reprit sa marche et passa à quelques mètres d’elle.

"Pas la peine de crier comme ça..."

Et puis il ne comprenait pas pourquoi ici, personne ne semblait comprendre les signaux de rejet qu'il envoyait ! C'était pourtant très clair dans ses anciens collège et lycée ! Mais ici, on lui parlait comme si de rien n'était.

Codage par Libella sur Graphiorum

Eikichi ne tirait pas la tronche, c’était son expression habituelle ! Une mine constamment fermée, parfois plus renfrognée, en voulant à la Terre entière de lui faire subir toujours plus d’épreuves. Beaucoups de poids affaissaient ses épaules, et se montrer aussi dur que la pierre était sa manière à lui de tenir bon et ne jamais s’écrouler. Le brun avait adopté cette attitude depuis si longtemps maintenant, qu’il n’envisageait pas de s’en départir de si tôt ; pas alors qu’elle avait plusieurs fois fait ses preuves. Sans accorder plus de temps à sa camarade de classe, le lycéen continua donc sa route. C’était sans compter sur le caractère jovial et persévérant de Maka.

Voilà qu’elle le suivait maintenant, au point même de le rattraper. Il était foutu. Ses doigts se crispèrent autour de la lanière de son sac. Eikichi commençait à comprendre comment le désir de paix pouvait mener à la guerre. Comme à son habitude, le noiraud tempérait ses tempêtes intérieures. Evidemment qu’il avait fait du baseball, comme n’importe quel japonais scolarisé de ce pays, question stupide.

"En cours de sport et non, ça m’intéresse pas."

L’adolescent insista bien sur le «pas», le ton accentué, fixant son regard charbon dans les yeux de sa camarade, la voyant venir avec son recrutement. De même que sa provocation manquant grandement d’originalité. Nul au baseball ? Soit, il pouvait vivre avec ça. Eikichi hallucinait et allait de peine en peine. Il souffla bruyamment, n’en pouvant plus. Qu’est-ce qui, Kami-sama répondez-lui, faisait croire à Maka, qu’il n’avait ne serait-ce qu’une once d’envie d’échanger des balles, là maintenant, tout de suite ?! Et même dans dix ans d’ailleurs ?! Eikichi cessa subitement de marcher pour lui faire face.

"Nakajima... J’ai pas envie, de jouer au baseball ! J’aime pas, ce sport ! Et j’sors du foot, alors j’ai plus rien à défouler !"

Enfin ça, c’est ce qu’il voulait bien faire croire. Au contraire, son corps entier n’était qu’une boule de nerfs qui menaçait présentement d’exploser. Tout ce qu’il espérait à présent, était que son coup de gueule à moitié maîtrisé - il avait tout de même haussé le ton -, suffise à la décourager.

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Ce que personne ne semble comprendre, c’est qu’ils sont responsable de ses nerfs constamment à fleur de peau ! Qu’est-ce que ça pouvait bien lui faire, qu’il ne sourit jamais ? Ils n’étaient pas amis. D’ailleurs certains avaient du mal à saisir cette réalité. Eikichi eut un frisson répulsif en visualisant Ena un quart de seconde.

"Je le connais déjà Mori, il est au foot j’te signale. Et j’appellerai pas ça un talent."

Au moins il connaît le manuel des machines à laver par cœur, c’est déjà plus utile qu’énerver les gens sur commande.

"Ce qui m’fais sourire ça t’regarde pas, y’a des gens qui peuvent pas respirer sans être entourés, y’en a qui aiment être seuls, c’est pas compliqué à comprendre !"

Est-ce qu’on peut respecter le besoin d’espace vital des solitaires m*rde ?! C’est écrit sur sa tête «ne pas adresser la parole», ils viennent quand même et se plaignent après, qui se fout de qui ?! Le pire dans tout ça, c’est qu’Eikichi dans son malheur ne tombe toujours que sur des moulins à paroles. Shinji est le seul à ne pas cocher cette case et c’est sûrement pour cela qu’il est celui qu’il supporte le mieux à moins de deux mètres de distance. Il en a ras-le-bol, le brun.

En plus elle se vante. Gueuler toute son énergie... Encore quelque chose dont l’utilité lui passe par-dessus la tête mais pour avoir la paix, Eikichi ne semble pas avoir le choix. Il se sent acculé. Elle le suivrait jusqu’aux dortoirs pour lancer une balle, un vrai pitbull. Il est tellement perdu dans ses pensées colériques qu’il ne se rend même pas compte qu’il aurait pu s’en aller. Ironie du sort.

"C’est bon, c’est bon, j’vais la lancer ta balle !"

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Maintenant qu’il avait accepté le défi de Maka, se faire rétamer n’était pas dans ses projets. Dire qu’il venait de se doucher et on voulait le faire transpirer encore une fois !

"Si ça t’amuse."

Eikichi n’était pas connu pour être très joueur, aussi l’idée du gage ne l’enchantait pas plus que ça. Il n’allait pas perdre de toute manière. Pour s’être entraîné sans relâche aux smash, il savait son corps assez puissant pour lancer la balle le plus loin possible. Il n’aurait certes pas la technique de lancer de Maka, mais comptait sur sa force pour compenser ce manque.

Le noiraud avait de l’ego mais avait dépassé depuis longtemps le stade immature de s’offusquer de perdre contre une fille. Tout en serrant la balle dans sa main droite, il lança un regard blasé à Maka, lâcha son sac sur le goudron et s’avança au centre du cercle du lanceur.

"Tch. Y’a que les gamins qu’ont peur de ça."

Eikichi fait passer la balle d’une main à l’autre. Comparée à un ballon de volley-ball, elle est minuscule entre ses doigts. Pendant un instant, il essaie de se rappeler de la posture des lanceurs, les rares fois où il a vu un match à la télé avec sa mère et sa grand-mère, grandes fans. Tout le corps doit participer à l’inertie. Plus facile à dire qu’à faire et il n’a qu’une seule chance.

Après une inspiration profonde, le noiraud se met en position. Il ne le montre pas, mais ne pas savoir exactement comment s’y prendre le frustre d’un coup. Est-ce qu’il doit faire une rotation de ses hanches avant ? Ou emmener d’abord ses épaules ? C’est une manie chez lui, il réfléchit beaucoup, trop même, lorsqu’il se met à une tâche.

Fatigué de se torturer les neurones, Eikichi se met en mouvement, reproduire ce qu’il a déjà vu n’est pas aussi simple. Juste un lancer brut sans aucune technique particulière. La balle part, elle parcoure une certaine distance, rien de risible, mais rien d’insurmontable pour quelqu’un comme Maka qui pratique assidûment.

"Je pense que t’auras aucun mal à faire mieux qu’ça."

On sentait qu’il s’en fichait ? Oui hein. Bon, une part de lui était déçu mais il n'aimait pas le baseball, alors comme il l'avait déjà dit, y être nul était le cadet de ses soucis. Quel gage elle allait lui donner ? Voilà qui le préoccupait davantage.

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Il n’y avait vraiment pas de quoi applaudir. C’était même un tantinet agaçant, compte tenu de son lancer médiocre. Eikichi n’avait pas besoin d’être félicité comme un gamin. Déjà las, il ne releva pas et se contenta d’observer madame la pro se mettre en place. Elle avait une meilleure technique que lui alors le résultat final n’était en rien un suspens.

Maka se mit en position. Le lycéen dû admettre que la voir aussi concentrée et calme l’étonna légèrement. Elle arma son tire eeeet... Le flop total ! Eikichi devait l’avoué, il était déçu. Non seulement on le faisait perdre son temps, mais en plus il n’avait même pas droit à une performance digne de ce nom. Comme à son habitude, ce n’était que dans ce genre de moment que l’on pouvait l’entendre ricaner. Un léger ton moqueur que Shinji en particulier lui connaissait bien.

"Je t’ai intimidé ou quoi ?"

Non mais, peut être que sa présence lui avait fait perdre ses moyens. Au point de se retrouver sur les fesses tout de même. Il se savait intimidant pour beaucoup par les ondes négatives qu’il dégageait mais jusqu’ici Maka avait semblé immunisée. Allez, trêve de plaisanterie. Un gage ? Ah oui... Eikichi n’y pensait même plus. La vérité c’est qu’il n’avait aucune idée, donner des gages aux gens, ce n’était pas son truc. Il ne parlait à personne, ceci expliquait cela. En revanche, on lui avait vendu du rêve alors qu’elle se rattrape !

"Ton gage, c’est de recommencer. Parce que tu peux pas me harceler autant et juste me montrer ça."

Eikichi en voulait pour son temps à défaut d’argent. Il aurait moins l’impression d’en avoir gaspillé s’il était impressionné, enfin, surpris. Impressionné, c’était beaucoup dire.

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