Pourquoi Mickey Mouse ? Parce que Mario Bros.

Seito n'a pas de jour de prédilection pour la lessive. Il va à la laverie dès lors qu'il n'a plus rien à se mettre. Ce qui arrive relativement vite étant donné qu'il n'a pas une garde-robe étendue. Quinze jours déjà qu'ils ont repris les cours et le train-train s'est déjà réinstallé. Comme toutes les rentrées qu'il a connues sur ce campus, celle-ci a aussi eu son lot de problèmes. Être le colocataire de Pablo aurait dû lui faire plaisir mais sa révélation avait fait des ravages et depuis le froid régnait entre eux. S'il n'y avait pas eu Kristianov dans leur chambre, Seito se serait montré bien taciturne. Puis il avait appris le cancer du père de Nolan et avait épongé sa détresse avec tout l'amour qu'il était capable de donner. Se montrer présent tout en lui lâchant la grappe par moments avait été un casse-tête de chaque instant mais rien ne l'empêcherait de jouer son rôle jusqu'au bout.

Fort heureusement, dans ce brouillard, il y avait eu quelques éclaircis. Revoir Mathéo en était un. Outre le fait qu'il souhaitait tenir tête à ses parents en s'investissant davantage au club de littérature, le japonais s'était montré plus enjoué en présence de l'étudiant. Finalement, tout tournait autour du club de littérature car Sato-chan – il ne s'était pas encore décidé à l'appeler Tsumugi malgré sa relation avec Nolan – avait décidé de le rejoindre. Il vivait donc sa séparation plus facilement. Aussi, ayant réussi ses examens, il avait commencé cette nouvelle année plus serein. L'enjeu était de taille mais il ne rechignait plus autant à la tâche. Au fond de lui, il avait commencé à croire qu'il en était capable. Ce qui signifiait un changement drastique dans son rapport aux études. Tout résidait une fois de plus en un équilibre tacite.

Un état d'esprit qu'il parvenait, fort heureusement, à relâcher lors de ses sessions de lecture. La laverie fait partie de ces moments de flottement où le temps ne s'égraine que si l'impatient a les mains prises. Seito est assis sur un banc, le dos contre le mur. Plongé dans les pages de Parfum de glace de Ogawa Yôko, c'est à peine s'il entend le ronronnement de la machine à laver.

Seito se croyait seul jusqu'à ce qu'il entende pester non loin de lui. Haussant un sourcil, il lève les yeux de son livre le temps d'analyser l'origine du désagrément. Qu'il reconnaît en la personne de Sugawara-kun, un nouveau deuxième année du club de foot. Sa première impression lui avait indiqué un garçon nonchalant que le choix par défaut d'un club avait rendu amer. Seito avait esquissé un sourire de connivence. Cela ne lui faisait pas peur, le japonais n'avait pas été très avenant en arrivant sur le campus. Sûrement que ce jeune finirait par comprendre que son nouvel environnement possède tout ce dont il a besoin pour s'épanouir. Seito l'avait compris.

Tout comme il avait compris plutôt rapidement le fonctionnement des machines à laver. Certes, elles ne présentaient pas les mêmes boutons que chez lui mais il n'y a rien de bien sorcier. Programme, température et nombre de tours par minute sont les trois ingrédients du succès. Une recette facilement trouvable dans le livre adéquat. Livre qu'il avait bien évidemment compulsé pour ne pas avoir à poser des milliers de questions au premier venu. Ainsi donc, plutôt que de l'aider directement, Seito lui offre la possibilité de se débrouiller seul. Un simple tuyau entre coéquipiers.

« Tu peux toujours lire le mode d'emploi. A moins que ça aussi, ça te fasse chier. »

Le coin de ses lèvres s'étire malicieusement alors qu'il retourne tranquillement à sa lecture.

Ne serait-ce pas du sel qui sort de sa bouche ? Seito ne s'offusque pas. A ce petit jeu, Sugawara ne peut pas savoir qu'il excelle. Si jamais il ne finit pas le lycée, il aura au moins le diplôme de l'emmerdeur professionnel. Mais il se garde bien de le mentionner au deuxième année et se contente de lui sourire avec une bienveillance écœurante. Un léger haussement d'épaules et il fait mine de lâcher l'affaire.

« T'as raison. Je vais te laisser te débrouiller tout seul, ko-hai. »

Mais ce n'est évidemment qu'une impression. Le dernier mot est décortiqué méticuleusement, imitant à la perfection le ton de son interlocuteur. Cependant, il se focalise à nouveau sur son livre et reprend son paragraphe comme si de rien n'était. Seito aurait pu réellement s'y tenir si Sugawara n'était pas aussi bruyant avec ses réglages.

Le bip incessant des boutons malmenés le fait relever la tête. Les yeux coupés en deux par les pages, il n'amorce aucun mouvement. Observer lui suffit largement. Silencieusement, dans un premier temps. Ce bouton-là ? Intéressant. Et cette molette dans ce sens ? Fascinant. Soudain, il n'y tient plus. Ou cela lui échappe. Difficile à dire. Le résultat est le même. Il donne son avis.

« Mmh. Si j'étais toi, j'appuierai pas là-d'ssus. »