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Seito Mori
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Seito Mori
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Seito Mori

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Dim 17 Déc 2023 - 11:08
MERCREDI 20 JUIN 2018



« J'sais pas pour toi mais aujourd'hui c'était vraiment une journée merdique. Genre tellement pourrie qu'j'ai failli t'dire : vas-y, j'reste dans mon lit parce que j'ai trop la flemme de sortir. Mais bon, j'allais pas te dire ça alors qu'on avait prévu d'sortir. Surtout qu'c'est moins compliqué d'se voir ailleurs que sur le campus. »

Après les clubs, ils s'étaient donnés rendez-vous dans la cour entre leurs deux dortoirs. La conversation avait été extrêmement légère le temps qu'ils sortent du campus. Seul leur échange de regards pouvait témoigner de leur proximité. Du reste, leur secret était bien gardé. Par chance, Seito n'avait pas commis de nouvelles bourdes. Sans doute parce qu'il avait déjà épuisé le nombre de connaissances à qui divulguer l'information.

« Mais putain, j'me suis tapé que des sales notes aujourd'hui. 34 (sur 100) en anglais. 16 en maths. 23 en bio. Pour des trucs où j'étais sûr que j'allais avoir une note potable en vrai. J'comprends pas c'que j'fais mal. Ou p't'être que j'suis juste con. Rhaaaa, ça m'gave ! Le 16 en maths va vraiment m'foutre dedans. T'aurais vu la tête du prof. C'est limite il était à deux doigts de m'convoquer chez la CPE. OK, 16 c'est d'la merde mais j'ferai mieux au prochain... Enfin si y'a un prochain avant les exams de juillet. Putain les exams... j'me rends compte que c'est genre demain quoi. »

Seito parle sans interruption depuis qu'ils sont sortis du métro. En plein centre-ville, il y a du monde. Le soleil n'est pas encore couché mais ne va pas tarder. Lui aussi est fatigué par toute cette pluie. Bien que fine actuellement, le japonais n'a qu'une maigre capuche pour se couvrir. Ils déambulent dans les rues sans réellement savoir où ils vont manger. Une vitrine colorée lui fait de l’œil. Il soupire.

« J'vais encore devoir passer toute ma vie à réviser. J'ai TROP la flemme. Surtout que bon... réviser ça marche pas à tous les coups quoi. Sinon tout l'monde aurait que des supers notes. Donc c'est complètement con. En fait, ça sert à rien d'réviser. C'est juste du talent. Que t'as ou t'as pas. Et moi j'l'ai pas apparemment. Mais on s'en fout, nan ? 'fin j'veux dire. On s'en fout pas vraiment. Mais tu m'as compris quoi. »

Son état d'esprit est à l'image du temps. Nuageux. Et carrément incertain. Ce n'est jamais bon signe lorsque Seito bascule en mode je m'en foutisme. Et Mathéo serait bien avisé de ne pas aller à contre-courant. Ils se sont arrêtés devant un passage piéton encore rouge. Les mains dans les poches, son regard charbonneux vient chercher l'approbation de son petit-ami.




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Mathéo Takahashi
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Lun 1 Jan 2024 - 19:26
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20 juin 2018

Dans les notes ombragées des iris de Seito, Mathéo voyait la partition d’un désespoir lasse qui lui serrait le coeur. Un rythme soutenu leur donnait des allures de tréfonds inquiétants, comme un grondement perceptible qu’à l’écho, fort lointain mais pas moins terrifiant. Chaque tremblement de terre commençait ainsi et plus l’étudiant prêtait l’oreille aux plaintes de son petit ami plus il craignait que celui-ci ne finisse pas se transformer en séisme. Les plaques tectoniques n’étaient pas encore atteintes, c’était toujours rattrapable mais Mathéo pouvait déjà ressentir les premières ondes sismiques. Encore timides, elles émanaient du cœur de Seito et semblaient tâter le terrain, ayant besoin d’assurance pour se propager. Rien qui n’était pour le rassurer. La capuche de son sweat, gris comme le temps, en essuyait les larmes du ciel. Il aurait aimé avoir de quoi le réconforter. A défaut, il l’écoutait.

Les notes que Seito lui annonçait secouaient ses sourcils, menaçant son air impassible. 34, 16 et 23… S’il ne sentait pas les oscillations d’humeur de son petit ami, Mathéo se serait sans doute permis un regard d’incompréhension car à vrai dire, lui-même ne comprenait pas comment le jeune homme avait pu se rater autant. Le 16 en math fait grincer son âme, elle en souffre. L’insolence envers le professeur que Seito brandissait comme bouclier n’arrangeait rien, elle marquait d’immaturité ses considérations. Le regard vaguant devant lui, Mathéo se contenta d’écouter, acceptant l'humeur capricieuse de son copain et de marcher sans direction donnée. La faim commençait à lui tarauder le ventre mais il décida de ne pas s’en plaindre et de faire attendre son estomac. Seito avait besoin de parler, la liberté que leur offrait la rue y était plus favorable qu’un lieu clos trop peu intime. Dans le public, elle offrait davantage de privé qu’un restaurant. Lui s’en prêtait garant, offrant à son petit ami la possibilité de vider ce qu’il avait sur le coeur malgré les tressauts d'agacement que ses propos pouvaient susciter en lui. Le sujet des examens semblait lui écorcher les lèvres, Mathéo lui offrit un regard soutenant. Il ne pouvait rien faire d’autre face à cette réalité : oui, les examens approchaient à grands pas. Oui, Seito n’y était sans doute pas suffisamment préparé.

L’inquiétude résonna dans le coeur de Mathéo, se mêlant aux sons évidents que le stress du lycéen parsemait tout autour de lui. Il réfléchit, un pas après l’autre. Il ne pouvait que comprendre que travailler sans résultats puisse être frustrant au point de vouloir jeter cahiers et crayons à la poubelle, il y était passé lui aussi, au collège. Rectifier un 16 en math ne serait pas facile mais rien qui ne relevait d’un impossible pour autant. S'il l'aidait, il s'en sortirait. Son visage se fit plus sérieux. Cela nécessitait un état des lieux : comment travaillait il chaque matière ? Dans quelles conditions ? A quelle fréquence ? Est-ce que la méthodologie qu’il utilisait était la plus adaptée pour lui ? Que ne comprenait il pas ? Pourquoi ?

« Trop » la flemme, ajouta Seito, le sortant de ses questionnements. Mathéo prit une profonde inspiration nasale, cherchant à retenir l’agacement qui lui chauffait pourtant ardemment les narines. La phrase qui suivit n’aida pas à en faire baisser la température, manquant de faire vaciller l’un de ses sourcils. Le passage piéton devant eux passa au rouge, il s’arrêta, mettant ses mains dans les poches pour en cacher les signes de nervosité. Il voyait venir la chute de son monologue et cela ne lui plaisait pas. Mot après mot, il espéra que Seito ne s’y engouffre pas et s’arrête avant, sachant comme il leur serrait difficile d’en remonter les abîmes. Malheureusement, le lycéen s’y précipita, l’emmena dans sa chute avec lui. Mathéo perdit patience. « Non, on ne s’en fout pas. C’est important » sonna-t-il, sous un ton de réprimande. De toutes les excuses possibles et inimaginables, Seito lui confrontait celle qu’il détestait le plus. Celle qui offrait une illusion de réconfort à ceux en échec et dévalorisait le dur travail des autres. Elle n’offrait rien d’autre qu’une possibilité de se déresponsabiliser et Mathéo trouvait cela des plus désagréables en plus d'être contreproductif. Ses yeux glissèrent sur Seito, sévères. « Ce n’est pas une question de talent ».

La pluie leur chatouillait tous les deux le visage, recouvrait leur peau d’une couche brumeuse. Mathéo s’essuya d’un revers de la manche, constatant que son sweat était déjà bien humide pour une fine pluie. Il regrettait de ne pas avoir pris le temps de repasser par sa chambre prendre un parapluie. Les épaules retombantes, il soupira. Devant la bouille de Seito, sa teneur chancelait. « … Je comprends que tu sois déçu et frustré… » tenta-t-il avec plus de douceur. « Mais ce n’est pas en réagissant comme ça que tu pourras changer les choses. Ce... », il tira nerveusement sur sa capuche pour se protéger les yeux des gouttelettes, plus agressives, « Ce n’est pas irrattrapable, si tu travailles davantage tu finiras par améliorer tes notes, Seito. Le travail fait tout. Si quand tu travailles tu n’obtiens pas de résultats c’est qu’il te faut travailler plus ou que tu n’as peut-être pas la bonne méthode... ». La passage piéton passa au vert, captant son regard l’espace d’une seconde avant qu’il ne le redirige sur son petit-ami. Il s’approcha doucement pour porter une main sur son épaule. « Je vais t’aider, tu y arriveras. D’accord ? Alors, n’abandonne pas ».
 
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Jeu 4 Jan 2024 - 17:07
MERCREDI 20 JUIN 2018



Seito ne sait pas à quoi il s'attendait mais il s'en retrouve déçu tout pareil. Dès l'instant où Mathéo émet un jugement, l'aigreur saupoudre son palais d'une fine couche de nervosité. Pire que ça, ce sont ses yeux qui le condamnent. Ce regard est dur, intransigeant. Oh comme il hait ce regard sur sa personne. Comme il connaît bien ce petit jeu si Mathéo décidait de continuer sur ce chemin sinueux. Broussailleux comme ses sourcils qui se froncent d'ennui. Il lui intime mentalement de ne pas tenter le diable. Seito ne souhaite pas entendre des remontrances. S'il en voulait, il lui suffirait d'appeler ses parents et il serait servi. La rancœur bouillonne. Et ce n'est pas la pluie qui éteindra l'incendie dans ses veines. Ne pouvait-il pas compatir à défaut d'acquiescer ? Le japonais ne semble pas demander la Lune. Cet état de stase dans lequel il est bercé depuis janvier ne saurait être pulvérisé par des notes. Il refuse.

Mais c'est trop tard. Les paroles qui suivent inondent d'huile le foyer qu'est son cœur. Il détourne la tête rapidement. Cherche un point d'ancrage n'importe où plutôt que sur son petit-ami. Dans son esprit, tout se superpose. La voix de Mathéo se mélange à celle de son père. Le travail fait tout. Mensonges, hurle la petite voix dans sa tête. Le regard dans le vide, Seito prend une grande inspiration. Il ne doit pas vriller. Pas ici, pas maintenant. Et pourtant, comme ça le démange d'encastrer des mots plus forts dans cette vérité désolante. Il hait ces mantras pré-conçus. Le travail n'est rien d'autre que du travail. En dehors, il y a la vie. En dehors, il y a le Royaume du sucre. A Satokuni, gouverner n'est pas un travail et pourtant, Mathéo ne s'en est jamais plaint. Veut-il qu'il s’assomme de travail comme son père ? Pense-t-il lui aussi qu'écrivain est un rêve de gosse ?

La tension s'accumule dans ses épaules. Mathéo ne peut pas se ranger du côté de ses parents. Il lui interdit. Ses problèmes familiaux n'ont pas leur place sur le campus. Problèmes qu'il n'avait plus jusqu'à ce que ses notes rechutent. Qu'il s'embourbe à nouveau dans la fange des cancres. Simplement parce qu'il est facilement distrait, moyennement enchanté par toutes les matières enseignées et, au fond de lui, encore terrifié de perdre ses droits filiaux. Le bonhomme vert s'illumine. Et soudain le top départ. La proposition de Mathéo est la cerise sur le gâteau. L'abandon résonne dans son crâne. Tournoie en boucle à l'en faire vomir. Ce n'est pas lui qui abandonne, ce sont les autres qui le jettent au bord de la route. Le contact le fait sursauter. Son corps prend peur. Il s'en détache vivement et braque un regard noir sur l'étudiant.

« Et comment tu vas m'aider au juste ? Tu vas faire quoi ? Tu vas m'faire réviser jusqu'à c'que j'ai mal à la tête ? Tu vas m'interdire de sortir de ma chambre ? Tu vas contrôler mon emploi du temps pour être sûr que le travail occupe toute ma vie ? C'est ça qu'tu veux faire ? »

Plus véhément que prévu, la colère enfle en lui. Elle prend des proportions stupides et le cloue sur place. Seito se fiche soudain d'être en pleine rue. Que les gens écoutent ! Ils décideront qui a raison. Même s'il sait d'avance que jamais personne ne se rangera de son côté. Il n'est pas assez parfait pour ça. Il ne le sera jamais.

« Ou alors tu feras rien d'tout ça quand tu réaliseras que j'suis trop con pour réussir quoi qu'ce soit. »

Cela aurait dû être une sortie agréable. Seito n'attendait pas spécialement de romantisme. Il voulait juste, l'espace d'une heure, déconnecter avec le lycée. Mais bien sûr, il n'avait pas pu s'empêcher de raconter sa vie et ses notes. Tout ça pour quoi ? Pour se faire clouer au pilori ? Ses cheveux humides viennent picoter ses yeux alors qu'il rétorque :

« J'veux pas de ton aide, j'me débrouille très bien tout seul. »




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Sam 6 Jan 2024 - 21:12
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20 juin 2018

Heurté par les yeux colériques de Seito, le cœur de Mathéo se recroquevilla. La peine de voir son contact rejeté, la honte infligée par les regards passants qui se jetaient sur eux à mesure que son petit ami haussait la voix, l’agacement face à l’injustice qu’il pensait subir… C’en était trop. Il lui aurait fallut un temps de pause, que le monde s’arrête un instant et que son petit ami se fige lui aussi afin qu’il puisse prendre le temps d’y réfléchir calmement, qu’il puisse choisir ses mots avec précaution. Le terrain était devenu bien trop glissant pour s’y aventurer à l’instinct, Mathéo se savait en danger… mais pouvait-il l’éviter ? Il se retrouvait les pieds pris dans la gadoue, glissant sur un sol qui aurait du être à plat mais se retrouvait nivelé. Bon sang, pourquoi se retrouvaient-ils dans cette situation ? Il détestait les conflits, il n’avait jamais été doué pour les gérer. Pire, il détestait se disputer avec ceux qu’il aimait car il se savait condamné à énoncer des vérités dérangeantes qui pouvaient parfois blesser… Il ne voulait pas prendre le risque de blesser Seito et pourtant... il se savait incapable de les retenir. Aujourd’hui en était l’exemple. Il aurait du rester silencieux. Il aurait du laisser couler, écouter Seito jusqu’à ce qu’ils trouvent un endroit pour manger et attendre que l’orage passe. Peut-être auraient-ils tout de même passé une bonne soirée ? Au lieu de ça son ventre criait famine, il se faisait afficher dans la rue, accusés de méfaits qu’il n’aurait jamais ne serait-ce que pensé commettre. Cela frôlait le non-sens. Il ne comprenait pas. Pourquoi l’enfermerait-il dans sa chambre ? Pourquoi le forcerait-il à quoique ce soit d’ailleurs ? Seito réfléchissait-il seulement à ce qu’il était en train de lui dire ? Mathéo balança la tête de gauche à droite, n’en croyant pas ses oreilles. Dans les poches de son sweet, ses mains s’agitaient nerveusement.

C’était tout de même incroyable… Depuis quand proposer son aide était-il un affront ou une menace ? Qu’aurait-il du dire ou faire ? Qu’attendait son petit ami de lui ??? Aurait-il du accepter de l’entendre raconter tout et n’importe quoi ? De n’être qu’une oreille et rien d’autre ? A quoi bon lui demander son opinion alors ? Et pourquoi lui en vouloir alors qu’il était seulement inquiet pour lui ? N’était-ce pas normal, pour lui qui l’aimait tant, de se soucier de son avenir ? C’était injuste. Seito était injuste.

« Arrête de dire n’importe quoi » lui balança-t-il à la figure, le corps tendu et les sourcils froncés. Il lui avait promis d’être honnête et jusqu’à maintenant il avait honoré cette promesse. Devait-il y renoncer lorsque cela pouvait l’arranger ? Ça l’agaçait. Et plus encore parce qu’avec ses réponses immatures qui frôlaient indécence Seito il lui rappelait Lou. Elle aussi, elle ne voulait rien comprendre. Elle aussi, elle lui mettait tout sur le dos. Seito allait-il soudainement le ranger dans la case ennemi, lui aussi ? Serait-il éternellement coupable d’aimer sincèrement et de vouloir prendre soin de ceux qu’il aimait ? Il en avait assez de ça. Déjà avec sa sœur, plus encore si c’était désormais son petit ami qui s’y mettait.

« J’ai l’impression d’entendre ma sœur… » lança-t-il sous le ton du reproche. Pourquoi devait-il toujours s’évertuer à les convaincre que s’il proposait de les aider c’était réellement pour les aider et non pas contre eux ? Quels mots devait-il utiliser pour qu’enfin on le comprenne ? La vie n’avait rien de facile, ce n’était pas un conte de fée. Y était-il pour quelque chose ?? Il en était le premier à en subir les conséquences ! Ce n’était pas le Royaume du Sucre et il en était désolé mais dans la vie réelle aucun d’eux n’avait de sujets, le monde n’était pas soumis à leur volonté. Si Seito ne voulait plus travailler que comptait-il faire d’autre ? Pensait-il réellement qu’il suffisait d’abandonner pour que ses problèmes s’effacent ? Qu’ils disparaîtraient s’il les ignorait assez longtemps ? Ça ne fonctionnait pas ainsi. « Si tu veux améliorer tes notes, tu ne peux le faire qu’en travaillant. Ça t’est peut-être désagréable mais c’est comme ça. Tu n’obtiendras rien en ne travaillant pas. Et si je te le dis, ce n’est pas pour t’embêter c’est parce que c’est un fait. Te rebeller contre ça ne sert strictement à rien et tu peux passer tes nerfs sur moi si ça te fait plaisir, ça n’y changera rien non plus. » jeta-t-il, immuable, en observant le feu repasser au rouge. « Je te propose mon aide parce que je tiens à toi. Si tu n’en veux pas, fais comme tu veux, mais ne remet pas la faute sur moi...». Lasse, il soupira. La pluie commençait à s'intensifier, s'ils restaient là ils seraient vite trempés.
 
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Sam 6 Jan 2024 - 23:48
MERCREDI 20 JUIN 2018



TW : traumatisme, dépression

Son monde se dilue sous les gouttes de pluie. Une à une, elle gondole le papier qu'est sa peau. Décolorant ses joues rougies d'amour. L'humidité l'indiffère mais c'est ce froid mortifère qui le condamne. Le bout de ses doigts cesse de s'agiter. Il suffoque. Ses pupilles dilatées accusent le choc en se faisant sèchement rabrouer. Mathéo lui crache sa colère au visage. C'est sale, c'est méchant. Plus que tout, ça le détruit. A quoi bon discuter si l'autre refuse d'écouter ?

« Et moi d'entendre mon père. » siffle-t-il, les dents serrées.

Oh, bien sûr, cela fait toujours sens dans la bouche des autres. C'est ta faute, Seito. Tu n'as qu'à travailler plus, Seito. Tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même, Seito. Encore et toujours la même rengaine. Les mêmes reproches en boucle. Comme des poignées de terre jetées négligemment sur son visage alors qu'il repose froidement dans le trou qu'il s'est creusé. Pourtant son cœur cogne fort contre sa poitrine, revendique son droit à la vie. Ses mots claquent, cinglant de défaitisme.

« Bah alors ne changeons rien ! Pourquoi on s'emmerde ?! »

Pourquoi tout ce cinéma ? Pourquoi la vie ? Pourquoi maintenant ? Sept mois de trêve. Puis le déclin. Le glissement de terrain emporte ses parents et tout naturellement frappe son petit-ami de plein fouet. Lui qui n'a rien demandé. Qui s'est entiché d'un mec sans intérêt comme Seito. Sans aucune raison valable. Qu'ont-ils en commun en vérité ? A part leur amour des bonbons, que connaissent-ils l'un de l'autre ? Rien. Absolument rien.

Parce que Seito ne livre rien. A personne. Hermétique à l'amour. Un pantin sans cœur. Sans fils. Et dans sa tête, c'est un joyeux merdier. La crue, brutalement sauvage, a bouché toute échappatoire. Il patauge dans l'idiotie, barbote dans la colère, se liquéfie dans la peine. Toutes ses émotions s'estompent dans un lavis indigo. Mathéo fait face à un gribouillis pastel. Raturé à maintes reprises, c'est à peine s'il se rappelle ses contours.

Si les autres ne tiennent plus le pinceau, qu'advient-il de lui ? Un essai froissé dans une corbeille à papier. La spirale se déroule. Le ruban à ses pieds se défait à l'infini et circonvolutionne loin, jusqu'à le perdre de vue. S'il venait à en quitter le centre, son monde pourrait bien s'écrouler. Et avec lui ses fantaisies. La détresse éclate sourdement dans ses propos. Son regard cherche du réconfort là où il ne voit que du mépris. Et cela l'effraie soudain de ne plus trouver cet amour.

« Je serai jamais c'qu'on attend d'moi. J'rendrai jamais mes parents fiers. Ni toi. Ni personne. J'veux pas qu'tu m'aides parce que j'veux pas qu'tu perdes ton temps. »

Mais Seito ne s'arrête pas là. En temps normal, il l'aurait fait. Mais les mots lui échappent et détalent à l'air libre. Se glissent entre les gouttes de pluie qu'ils alourdissent, sinistres oiseaux de mauvais augure. L'averse crée une césure dans leur monde poétique. Il se croyait pétard mouillé, il est en réalité un gigantesque brasier. A peine les a-t-il pensés qu'il souffre de ses mots inscrits au fer rouge sur son être dépossédé. Plus qu'une marche à grimper.

« Tu devrais m'remplacer comme mes parents l'ont fait. Sûrement que toi aussi tu penserais qu'elle est mieux que moi. »

Et patatras. Sa respiration se hachure. Comme si l'air lui avait été brutalement arraché. Ses yeux oscillent entre miroir du ciel et miroir de l'âme. Le japonais ne sait pas si c'est la pluie ou les larmes contenues qui lui brouillent la vue. Et cela n'a pas d'importance. Plus rien n'a d'importance. La pluie redouble d'intensité. Elle imbibe son manteau, sa capuche. Elle peut bien le dissoudre, il ne se débattra pas. Tout guerrier doit savoir admettre sa défaite.

« Tu sais quoi ? T'as raison. Tout est d'ma faute. J'en vaux pas la peine. »

Il le plante là. Le feu piéton est vert. Seito s'engage sur le passage à la manière d'une âme perdue sur le Styx. Sa silhouette s'efface derrière un rideau de pluie.




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Dim 7 Jan 2024 - 2:29
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20 juin 2018

Quelque chose lui échappait, il ne pouvait en être autrement. Le monde lui semblait avoir inversé son axe, tout fonctionnait à l’envers, plus rien n’avait de sens. Un mur dont il ne soupçonnait pas la présence resplendissait entre lui et Seito. Comme s’il avait toujours été là, comme s’il attendait sagement qu’on le remarque. Il se moquait. « Tu ne me remarques que maintenant ? »

Une douleur aiguë lui traversa les doigts. Sous la pluie, il se sentait suffoquer.

Il avait essuyé, mots après mots, sans rien y comprendre. Seito lui conseillait de le remplacer… Pourquoi ? Comment ? Sa gorge se serra, limitant sa respiration. Cela faisait mal, plus mal que s’il venait de recevoir un grand coup dans la poitrine. ces mots sonnaient comme une trahison. Toutes les fois où il lui disait qu'il l'aimait ne comptaient-elles pas ? Pensait-il qu'il pouvait le remplacer sur un coup de tête, si simplement ? Un terrible sentiment d'insécurité lui écorcha les veines. Ce n’était qu’une dispute… non ? Cela arrivait à tout le monde et surtout, à tous les couples. Alors, pourquoi la leur prenait-elle de telles proportions ?Comment la situation avait-elle pu dégénérer si vite ? Et… Est-ce que Seito pleurait ? Ses épaules retombèrent, attirées par le poids de sa tristesse. C’était impardonnable. Qu’il eu raison ou tord, que cela fut de sa faute ou de celle de son petit ami… n’importait plus. En aucun cas, en aucune circonstance il ne pouvait accepter de le faire pleurer. Dans ses poches, ses poings se serrèrent. Il lui sembla se dissoudre dans l’eau. Plus loin, la pluie semblait emporter Seito et Mathéo resta comme un idiot sur le trottoir, le corps martelé par l’averse. « bouge » s’intima-t-il. « fais quelque chose, le laisse pas partir comme ça ! »

Mais… pour quoi faire ? Pour dire quoi ? Il ne comprenait plus rien et ça le terrifiait. S’il rattrapait Seito que se passerait-il ? Est-ce que cette dispute annonçait déjà la fin ? Leur fin ? Sa mâchoire grinça. Il se mit à courir avant que le feu ne repasse au rouge, rattrapant la silhouette hachurée de Seito. La pluie avait décidé de recouvrir la ville, elle leur laissait à peine de quoi voir à travers ses goûtes serrées, devenues légions. « Viens ! » cria-t-il au lycéen, pour se faire entendre au travers du fracas organisé par l’entrechoquement des plus violents du sol et de l’eau. Sans lui en laisser le choix, il l’attrapa par le bras et le tira pour l’emporter dans sa course. Il ne saurait dire où ils se trouvaient. Ce qui était évident en revanche, c’est qu’il n’y avait aucun restaurant dans la ruelle qu’ils venaient de prendre, ni konbini, aucun abri potentiel. Il se dirigea instinctivement sous la devanture d’un petit primeur fermé, « pour travaux ». Ils y seraient plus ou moins à l’abri mais cela servait-il à quelque chose, trempés comme ils l’étaient déjà ? Peu importe. Mathéo profita du peu d’espace de sécurité offert par la devanture pour retenir Seito par les épaules, le calant contre le grillage fermé du magasin. Essoufflé, grelottant dans ces vêtements trempés qui lui ventousaient désormais la peau, effrayé... il ne savait pas par où commencer. « Comment je suis censé comprendre si tu ne m'expliques pas ?»

Pourquoi prenait il si mal qu'il lui explique qu'il lui faudrait travailler pour s'en sortir ? Pourquoi ses parents le remplaceraient ? Qui était "elle" ? Il ne savait rien. Il ne comprenait rien et ça l'irritait plus que tout. Comment pouvait-il l'aider ou le comprendre dans ces conditions ? Il voulait bien faire des efforts, il voulait bien encaisser mais il lui fallait au moins savoir pourquoi, que ça ai un minimum de sens.

« Jamais... » souffla-t-il, en colère rien que d'y penser. Il cala ses deux mains dégoulinantes sur les joues de son petit ami pour l’obliger à le regarder. « Je ne te remplacerai jamais » dit-il plus fort. « … jamais... » répéta-t-il, une énième fois, soutenant son regard. « Et tes notes ne te font pas baisser ou gagner en valeur, Seito. Je n'ai... » Il ne put continuer. Pas en voyant cette tristesse sur son visage. A quoi bon chercher à s’expliquer ? Aucun mot ne lui semblait plus adéquat de toute façon. Il l’attira dans ses bras pour l’y serrer, le recouvrant de tout son corps. Tant pis si l’humidité qui lui bavait sur la peau lui en semblait plus désagréable encore. « … Ne pleure pas… Je suis désolé, excuse moi. » implora-t-il, désemparé. Parfois, juste parfois, il aimerait ne pas avoir à prendre sur lui. Il aimerait pouvoir se permettre un mot de trop, une phrase de travers, qu’on le laisse s’exprimer sans que ça ne prenne des proportions affolantes… mais que ce soit pour ses sœurs, avec ses parents ou avec Seito... Il n’avait visiblement pas le droit à l’erreur. C'était terrifiant... parce que si les membres de sa famille restaient obligé envers lui, ça n'était pas le cas de son petit ami. Il le serra un peu plus fort contre lui. C'était injuste. Il l'aimait tellement... Pourquoi n'arrivait-il pas à le lui exprimer correctement, à l'en convaincre ? S'il n'était pas si nul, s'il arrivait à contrôler cette fierté mal placée qui s'insurgeait continuellement dès qu'elle se sentait frôlée. S'il arrivait à gérer son coeur et sa sensibilité affutée en dangereuse lame de rasoir... Bon sang... Ne pouvait-il pas au moins être un bon petit ami ?

La pluie déversa toute sa colère contre le sol, déployant davantage de puissance. Les dieux avaient-ils décidé de leur rendre les choses plus difficiles ? Les yeux humides, il renifla un coup et relâcha Seito pour fouiller dans ses poches. Il devait se concentrer, l'heure n'était pas à la panique, il fallait agir. S'ils restaient dehors avec ce temps, ils finiraient malades. Ce n'était pas le moment. Il sortit son portable, dégoulinant lui aussi, qu’il secoua un peu pour en évacuer un maximum d’eau. Heureusement, il semblait encore fonctionner. Les mains tremblantes, il pianota dessus tant bien que mal pour lancer une map. La géolocalisation activée, il tenta de se repérer sur le plan. « … Il n'y a pas grand-chose par ici, c'est une zone résidentielle et le métro est trop loin. » soupira-t-il. Un peu plus loin sur la map, ses yeux trébuchèrent sur le nom d’une rue qu’il connaissait. Il en agrandit la zone du bout des doigts. Ils n’était pas loin de chez lui... « Mais si on court vite, on peut être chez moi en 5-6min. J’habite quelques rues plus loin » ajouta-t-il, avant de préciser : « Mes parents travaillent toute la nuit au restaurant et mes sœurs sont sur le campus, il n’y aura personne ». Il posa une main sur son épaule pour la lui frotter affectueusement. « Tu veux bien qu'on y aille ? Ce sera mieux pour discuter… S'il te plaît. »

La pluie ne s'arrêterait pas de si tôt.
 
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Dim 7 Jan 2024 - 14:22
MERCREDI 20 JUIN 2018



TW : traumatisme, dépression

L'eau ruisselle sur ses épaules. Dégouline sur ses joues jusqu'à ce qu'il perde la vue. Seito traverse sans barque et sans passeur. Se perdre devrait lui faire peur mais il connaît déjà les méandres de ce labyrinthe. Les murs se sont effrités sous la pulpe de ses doigts. Il en a griffé les coins en espérant retrouver son chemin. Dès lors qu'il fait face à un mur, il rebrousse chemin pour mieux s'enfoncer. Mais cette fois, il abdique. Devant le mur qu'est Mathéo, il rend les armes. Si même lui le renie alors il ne sert plus à rien de persévérer. Merde. A quel moment est-il devenu si important ? Il n'aurait pas dû l'embrasser. Il n'aurait pas dû accepter le legs de son royaume. A bien y réfléchir, tout est réellement de sa faute. Si son corps ne se réveillait pas face aux garçons, jamais il n'aurait entraîné l'étudiant dans cette folie. S'il n'était pas un bec sucré, jamais il n'aurait assisté à la création de Satokuni. S'il était resté dans son coin, jamais il n'aurait mis en péril la vie des autres avec ses conneries.

Avec des si, tu refais le monde. Ce n'est pas ça l'adage ? Ah ! Le voilà ton monde. Sept mois à te voiler la face. Es-tu heureux maintenant ? Maintenant que tu sais la vérité. Aussi monstrueuse que toi. Que croyais-tu ? Que tu serais sauvé ? Le pouvoir de l'amour et de l'amitié n'est qu'un stratagème pour t'assagir. Et ça a marché. Regarde-toi, mou et pathétique. Tu n'étais déjà pas grand-chose, tu n'es plus que l'ombre de toi-même. Avant, tu pouvais te persuader qu'en te rabaissant, ta sœur brillerait davantage. Mais face à Mathéo, face à ce monde qui ne la connaît pas, tu n'occupes plus aucun rôle. Tu n'es qu'un fouteur de merde. Puéril et incommensurablement inutile. Le travail n'est pas fait pour toi. Mais dis-moi, qu'est-ce qui l'est ? A force de te trouver des excuses, tu pourrais bien ne jamais exceller dans quoi que ce soit. Tu crois t'en foutre mais je serais la seule à rigoler quand tu seras un inconnu de plus sous la pile de livres édités chaque année.

Électrochoc.

La poigne de Mathéo lui impose la réalité. Il avait suffi qu'il traverse pour que le ciel se fende et déverse des seaux d'eau sur les passants. La chaleur de ce contact dévoile la fraîcheur du reste de son corps. Ses terminaisons nerveuses, férocement éteintes, se réveillent et produisent une multitude de frissons qui ondulent sur son épiderme. Par miracle, ses jambes parviennent à suivre le rythme imposé par l'étudiant. Et, momentanément, la pluie cesse. Sous la capuche, son cuir chevelu est trempé. Il ne ressemble à rien. La tristesse a plié son visage en des milliers de grue dont jamais le ciel ne verra leur envol. Il aimerait le repousser mais il n'en trouve pas la force. Sa question est légitime. Comment ? Sa langue n'a pas le venin nécessaire pour rétorquer un « Devine ». Alors il se retrouve comme un con. Coincé par la stature jusqu'alors rassurante de son petit-ami. Son cerveau tente de se focaliser sur ses mains qui l'enserrent tout en maintenant un contact visuel. Il ne pleure pas, la pluie pleure pour lui.

Projeté dans ses bras, Satokuni reprend vie sur ses joues. Le barrage cède. Ses sanglots éclatent, étouffés contre le sweat de Mathéo. Seito hoche frénétiquement la tête de droite à gauche. Il ne veut pas de ses excuses. Ce n'est pas à lui d'en donner. Le japonais est le seul à devoir faire amende honorable. Mais il en est tout bonnement incapable. Parce qu'il est fatigué de se sentir aussi insignifiant. Le mot 'jamais' est trop catégorique pour être cru. Pourtant, il s'écorche les doigts dessus pour ne pas tomber dans le vide. Mathéo n'est pas le premier à lui faire cette promesse. Derrière lui, la spirale se poursuit. Ses bras demeurent ballants, ses doigts engourdis. Mathéo comme seule source de chaleur, Seito a soudain froid quand il se recule. Son dos s'enfonce contre la grille. Est-ce ainsi que se termine leur histoire ? Dans une ruelle glaciale et dénuée de vie ? Il ne fait pas réellement attention aux gestes de l'étudiant. Ses larmes ont tari mais il n'amorce aucun mouvement pour les sécher. Elles se mêleront à la pluie bien assez tôt.

Aller où ? Vous pourriez faire le tour de la Terre que ça ne changerait pas le problème auquel vous faites face. Et le problème, c'est toi. Ta présence est le vecteur de chamboulements immuables. Après moi, le déluge. Après toi, la pluie. Fais-lui comprendre que c'est fini. Fini de jouer aux rois. Tu n'en as jamais eu l'étoffe. Regarde-toi puis regarde-le. Même Cendrillon se moquerait de toi. Aucun conte de fée ne pourra te sauver. Tu en serais l'auteur que tu ne saurais en écrire la fin. Au diable les enfants, qu'en est-il du bonheur ? Vivre heureux, indéfiniment. Quelle belle utopie. Vas-y, écris. Le roi se remaria et le pauvre laquais vécut malheureux jusqu'à la fin de ses jours. Tu as envie de le suivre. Pourquoi faire ? Pour qu'il te blesse à nouveau de ces mots que tu souhaiterais ne plus jamais entendre ? Est-ce ainsi que tu veux vivre le reste de ta vie ? Si tu veux la vivre, cette vie. Ta voix est prise dans mes filets mais tu oses lui répondre.

« D'accord. »




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Comme un jour sans lumière | Ou un orage sans éclair | Emerger sans toi n'aura aucun sens.
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Dim 7 Jan 2024 - 22:23
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20 juin 2018

Le corps de Mathéo vibrait. Ses cordages, tendus à l’extrême pour le maintenir droit, risquaient tout pour ne pas céder. Ils étaient mis à mal, les ascenseurs émotionnels n’étaient pas leur tasse de thé, ils les abîmaient. Chaque fois il grimpait plus haut et chaque fois la chute n’en était que plus brutale. Sous cette pluie torrentielle, la raison voulait qu’il cesse toute escalade et qu’il se barricade. N’était-ce pas là ce qu’il savait faire de mieux ? Fuir et se planquer bien au chaud sous une montagne de couvertures, espérant que les monstres s’éloignent, dupés. Pas avec Seito...

Depuis le début de leur relation Mathéo se surprenait à s'ériger en grand protecteur de la graine que ce dernier avait planté dans son coeur. Contre vents et marées, il était resté là. Il avait tenu bon. La graine avait germée, elle avait transpercée ses terres et lui semblait sur le point de fleurir. Cela valait toute la peur qu'il avait du ravaler. Et, après tant de chemin parcouru, ce n’était pas le moment pour la laisser tomber. Comment faire cependant si c’était elle qui le repoussait ? Son souffle se saccada péniblement en s’expirant. Il n'aurait pas encore à y penser, Seito était d’accord pour le suivre et en discuter.

« Merci... » souffla Mathéo, soulagé. Une dernière fois, il l’attira contre lui pour l’enlacer. La pluie les protégeait, sous son rideau personne ne pouvait les voir et si des yeux malvenus s’aventuraient trop près de leur soleil, ils s’en brûleraient la rétine. Il n’y avait rien à voir lorsqu'on était la proie d'une averse enragée. Chacun pour sa pomme, la poire des autres n’intéressait plus personne. Finalement, les dieux n’étaient peut-être pas contre eux. Peut-être essayaient-ils encore de les aider ?

Mathéo passa une main sur le front de Seito pour lui en décoller quelques mèches et les remplacer par un baiser, tremblant. Il glissa son téléphone dans la manche de son pull, calé à l’intérieur de son poignet pour limiter son exposition et attrapa la main de son petit ami. Ensemble, ils s’engouffrèrent sous le torrent. L’étudiant se mit à courir, guidant Seito dans ce labyrinthe sans lumière duquel ils devaient s’éloigner. Il faisait sombre sous les nuages lourds du ciel, ses yeux avaient du mal à s’y acclimater sous l’eau froide qui lui fouettait les cils. Ils eurent à s’arrêter quelques fois dans leur course folle, le temps d’une seconde, que Mathéo puisse tenter de se repérer. Ils repartaient de plus belle ensuite, détalant comme si leur vie en dépendait. Les 6 minutes prévues par la map atteignirent en réalité la dizaine mais peu importe, une fois sa clé insérée et tous deux engouffrés dans l’entrée de la maison familiale des Takahashi, le temps n’importait plus. Ils étaient sauvés.

Sous ses doigts, la lumière s’alluma, découvrant une entrée sans chaussures. La maison était vide. Il relâcha la main de Seito pour retirer ses baskets et son sweat qu’il laissa mollement retomber sur le sol. « Tu peux laisser ton pull là aussi… je les mettrais à essorer dans la machine quand on se sera changé. » dit-il, une main portée dans ses cheveux pour tenter de se les décoller du crâne. Il avait l’impression d’être une éponge engorgée, ce n’était pas très agréable. « ça va ?... Viens, entre, je t'en prie. Je vais te prêter des affaires » ajouta-t-il, tout grelottant lui-même, en lui faisant signe de le suivre.

L'entrée donnait à voir le manque d’intérêt de leurs parents pour la décoration, il n’y avait pas grand-chose. Quelques chaussons alignés, un parquet propre et brillant, un papier peint crème et quelques photos encadrées. Seule la fratrie, tous enfants, y était représentée. Au fond du couloir trônait leur photo la plus récente, juste avant d’atteindre l’escalier sur leur droite. Elle datait de leur première année au Japon, Lou avait encore sa bouille d’enfant et son sourire irradiait de chaleur à côté de celui plus solennelle de leur grand-mère. Anna et Mathéo, eux, y restaient stoïques. Leurs parents n’apparaissaient nulle part, un peu comme dans leur vie.

Mathéo invita Seito à monter l’escalier, quelques marches les séparaient encore des chambres mais elles n’étaient pas nombreuses. Il lui ferait visiter tout à l’heure, l’urgence était de se sécher et de limiter les dégâts. On pouvait déjà les suivre à la trace tant ils dégoulinaient de partout. D'une certaine manière, Mathéo était le membre de la famille le plus à l’image de la maison : pratique avant tout. A l'étage, le vide à nouveau dans le couloir. Ils passèrent devant la chambre de Lou, puis celle d’Anna dont la porte comportait les seuls traits de couleur de l'endroit : un mot décoré au feutre, plein de chibi dessinés et coloriés avec soins. Dessus, on pouvait y lire :

« Interdiction de rentrer sans permission !
Merci de toquer ! »


Mathéo n’y prêtait jamais attention, cette interdiction ne le concernait pas. Anna et lui avaient leurs propres règles, leur propre manière de s’annoncer l’un à l’autre. Leurs chambres, l’une en face de l’autre, fonctionnaient en miroir. Sur sa propre porte résidait le même mot, qu’Anna l’avait convaincu de coller. La principale visée était leur mère qui avait pour mauvaise habitude de ne pas frapper à la porte avant d'entrer mais implicitement il était aussi pour Lou dont l’énergie débordante nécessitait quelques préventions. La chambre de leurs parents était la dernière du fond, un peu plus loin, rien d’intéressant ne s’y trouvait.

« … Je vais te passer une serviette aussi » promit il en entrant dans sa chambre. En maître des lieux, il n’y preta pas attention, trop habitué à ses murs pour s’en soucier. Il fonça directement jusqu’à son armoire, y fouillant jusqu'à en ressortir deux serviettes et quelques vêtements chauds. Il hésita un instant en s’abaissant pour tirer son tiroir du bas, soudainement gêné. Il fallait bien des sous-vêtements secs pour Seito aussi… Haaah. Ce n'était ni le moment d'avoir des images en tête, ni celui de s'enflammer ! Il attrapa les premiers de sa pile, des chaussettes et se redressa, tournant les talons pour rejoindre son petit ami. « … Tiens, tu peux te sécher et te changer avec ça… » lui indiqua-t-il en déposant la serviette et les vêtements lui étant destinés sur le lit. Ce serait sans doute un peu grand mais ce serait mieux que rien. Seito y trouverait un jogging en coton noir, ajustable par un cordon, un T.shirt blanc imprimé qui mettait à l’honneur la tour Eiffel et un gros pull en coton gris. Cerise sur le gâteau : une paire de chaussettes et un boxer blancs. « … Je vais me changer dans la chambre en face… Prends le temps qu’il te faut et n’hésite pas à te mettre à l’aise... » lança-t-il, un peu gêné, avant de fuir dans la chambre d’Anna. Avoir Seito chez lui... c'était tout de même étrange. Agréablement étrange.

La chambre de Mathéo n’était pas très grande mais contrairement au reste de la maison, elle n’avait rien de sobre. Les murs blanc cassé étaient recouverts d’affiches, de photos et d’objets décoratifs. Son lit, simple et tiré à quatre épingles, était recouvert d’une épaisse couverture vert menthe, surplombée par deux oreillers de la même couleur. Calés entre ses deux petites bibliothèques et l’armoire, deux grands cousins de sol étaient posés au fond de la pièce sur un grand tapis koala. A leur côté, se trouvait un grande statuette sur pied de kirby – rose et jaune – la bouche grande ouverte, remplit de paquets de bonbons. Un petit post-it d’Anna y était collé:

« Byby avait faim, je t’ai refait le stock <3 »

Une petite table basse en bois reposait en face, portant sur son dos l’écran TV et la switch d’Anna qui étaient habituellement dans sa propre chambre mais qu’ils avaient oubliés de ranger lors de leurs dernières retrouvailles. En face du lit, accolé au mur de gauche, juste sous la fenêtre, un grand bureau était surchargé de livres, papeteries et d'objets en tout genre. Sur le mur, des dizaines de photos étaient accrochées avec du scotch à coeur. On pouvait y voir les Mathéo et Anna d’hier et d’aujourd’hui. Sur l’une de ces photos, Anna tirait la langue, initiant visiblement un selfie au bord de l’eau avec son frère, souriant. Sur une autre, sa sœur lui refaisait le portrait avec les mains, obligeant son visage à la grimace tandis qu’elle fronçait faussement le nez et les sourcils pour paraitre mignonne. Se trouvaient également deux séries de photos prisent dans un photomaton, sur lesquels on les voyait faire des grimaces, rire aux éclats, prendre des poses exagérées et se faire des câlins. D'autres photos avaient été prise dans une cabine d’essayage, on les y voyait en combinaisons. Anna en rose, Mathéo en bleu. Sur une autre encore, ils portaient des pyjamas Pokemon complètement ridicules. Préoccupé par leurs états d’humidité, Mathéo n’avait pas encore réalisé qu’ici sa chambre recelait tout un tas de secrets qu’il aurait souhaité garder pour lui. Les photos mais aussi les petits mots niais de sa sœur, collés un peu partout. La boite canard à mouchoirs, son taille crayon brioche, sa veilleuse de petit renne kawaii, l’espèce de chien bleu à lunettes qui faisait du skateboard et qu’Anna lui avait offert pour lui suggérer subtilement de faire autre chose qu’étudier. Sans compter la centaine de stickers adorables et trop colorés pour son âme, étalés là où il restait de la place. Il y en avait jusqu’à sur les touches de son clavier d’ordinateur. Lorsqu’il réalisa qu’il venait de laisser Seito seul là dedans son coeur loupa un battement. Il se dépêcha de finir de se changer, enfilant lui aussi un jogging et s’empressa de venir toquer à la porte de sa chambre. Faites qu'il n'ai pas eu le temps de regarder, faites qu'il puisse détourner son attention et le faire descendre en bas, VITE. Entrouvrant légèrement la porte, il dégluti. « … Je peux entrer ?… Tu es habillé ? ».
 
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Lun 8 Jan 2024 - 21:48
MERCREDI 20 JUIN 2018



TW : traumatisme, dépression

Son remerciement lui échappe. Quand il connaîtra l'envers du décor, Mathéo ne le remerciera plus. Seito sera sans aucun doute congédier sans sommation. Mais pour l'heure, son petit-ami ignore encore l'ordure qu'il serre entre ses bras. Alors Seito profite de cette chaleur. Le baiser sur son front l'apaise étrangement, bien qu'il ferme les yeux, surpris par ce geste tendre. Il craint soudain l'électrocution quand leurs corps unis affrontent de nouveau la pluie. Mais aucune étincelle ne le foudroie. Pourtant, son cœur bat lourdement. Tout le trajet, ses yeux sont rivés sur Mathéo. Sur leurs paumes enlacées, sur son visage fermé, ses cheveux ruisselants, la ligne tendue de sa mâchoire, les quelques gouttes prisonnières de ses cils bruns. Seito le suit. Il ne se plaint pas de la cadence, ne pose aucune question sur la destination. Sa main, d'abord molle, se raffermit sur celle de Mathéo. Elle lui intime de ne pas le lâcher. Tapis dans le noir, deux yeux brillants scrutent cette confiance solaire. Peut-il réellement croire que jamais Mathéo ne le remplacera ?

Les rivières de ses joues s'irriguent à nouveau. Mais la pluie bat son plein, redessinant les contours de leurs lits. Seito ne s'est pas senti aussi désespéré depuis si longtemps qu'il en a oublié les périls. La tête sans dessus dessous, ses synapses alternent entre trop-plein et vide sidéral. Sa gorge comme un bocal de billes où les mots s'entrechoquent. Les rues défilent et se ressemblent. Le monde qui les entoure devient aqueux. Il devient le rémora de cette baleine. Derrière ses nageoires, il se sent protégé des affres de la vie. Son point d'accroche est cette main qu'il agrippe comme si sa vie en dépendait. Mathéo sent-il les pulsations de sa peau à son contact ? A-t-il conscience qu'en ne la retirant pas, Seito lui avoue sa plus grande faiblesse ? L'anxiété qui le ceinture s'accentue. Son jean meurt au combat, son manteau ne tarde pas. Floc floc font ses chaussettes dans ses Vans abîmées. Sa capuche n'en a plus que le mot. Sa silhouette copie celle de Mathéo comme une ombre jusqu'à leur point de chute.

La porte s'entrouvre. La soudaine lumière lui fait plisser les yeux. Il les couvre de sa main droite et réalise disposer de son autre main. Bêtement son regard s'ancre sur cette paume jumelle. Adieu chaleur. La voix de Mathéo le sort de sa contemplation. Se déchausser, se dévêtir. Il en est capable sans avoir à prononcer le moindre son. Lentement, il quitte ses chaussures. Puis fait glisser son manteau et son pull au sol. Compressé dans son jean et son T-shirt détrempés, Seito se contente de hocher la tête. La question est ambiguë. Ses vêtements vont bien. Il n'est pas mécontent d'être au sec. Mais non, il ne va pas bien. La chair de poule s'empare de ses bras tandis qu'il se laisse guider jusqu'à l'escalier. Mathéo pourrait l'emmener dans la cave qu'il le suivrait tout autant. Les gouttes d'eau perlent à chacun de ses pas. Il les observe tomber avec inquiétude. Après tout, le corps humain est partiellement constitué d'eau. Peut-être que cette eau n'est autre que des morceaux de lui qui prennent la fuite. Ploc. Son pied se pose sur la dernière marche. Ploc. Mathéo s'enfonce vers le fond du couloir. Ploc. Derrière la porte ouverte, une chambre.

Seito ne réagit toujours pas. Même quand  Mathéo s'affaire dans son armoire. Même quand il lui tend des vêtements secs. Même quand il le prévient qu'il s'éclipse. Les informations glissent sur lui sans l'atteindre. La porte se referme. CLAC. Deux battements de cils, il appréhende son environnement. Sa tête s'incline tout doucement et il pose un regard chargé d'incompréhension sur la pile sur le lit. La sensation de ses vêtements collés sur sa peau se rappellent à lui. Deux battements de cils, il tourne la tête vers la porte. Et si Mathéo ne revenait pas ? Sa respiration s'alourdit. Piquet au milieu de la pièce, il fait ses premiers pas et attrape la serviette. Il éponge ses cheveux sommairement, sèche ses mains et son cou. Puis il entreprend de retirer son jean. Ses doigts gourds ripent sur le bouton et râpent sur la fermeture éclair. Il s'en extrait comme d'une seconde peau visqueuse. Un instant, il se questionne sur quoi en faire puis le pose lentement au sol. Son regard s'attarde sur la couleur de la couette. Ses chaussettes échouent sur le sol, puis il découvre son torse.

Presque nu, il remarque le boxer. Ses pensées blanchissent. De ses doigts il inspecte le sien. Bel et bien mouillé. Il hésite, intimidé par la signification de ce prêt. Le confort de vêtements secs l'emporte sur ses doutes. Il s'habille sans précipitation. Allant jusqu'à prendre une grande inspiration au moment d'enfiler le boxer. Le pull complète la tenue. Ses doigts en apprécient la douceur. Les habits, bien que trop grands pour lui, l'enveloppent dans un cocon de chaleur réconfortant. Presque comme si Mathéo l'enlaçait. D'ailleurs, où est-il ? A nouveau, la panique gonfle ses tissus adipeux. Mais son appel est entendu. Vivement, il relève la tête en direction de la porte. Sa voix accroche quand il l'autorise à entrer.

« O-oui, tu peux. »

Dès l'instant où Mathéo franchit la porte, ses yeux rougis s'aimantent sur lui. La pluie n'a pas dilué la beauté de son roi. Et soudain, toute la pression retombe. Son corps tressaille, victime du bombardement de ses émotions exacerbées. Les mains nouées sur son ventre contiennent tant bien que mal le déferlement. Mais voilà que les détonations touchent sa mâchoire. Ses dents claquent. Affronter son regard devient pesant. S'il n'était pas lui, il lui aurait sauté dans les bras. L'aurait embrassé passionnément. Lui aurait murmuré qu'il l'aime et qu'il est désolé. A la place, il plante ses ongles dans la paume de sa main et baisse la tête. A-t-il le droit de le désirer dans sa vie ? Un pardon suffira-t-il à gommer ses remarques acerbes ? Ses yeux accrochent la masse informe de tissu détrempé. Le creux de la vague n'a jamais été aussi escarpé de toute son existence. L'abattement empile les billes au fond de sa gorge. Dans ces vêtements trop grands, il a des allures d'enfant abandonné. Et il en déteste l'image. Ses ongles s'enfoncent davantage dans sa chair.




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Mathéo Takahashi
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Mathéo Takahashi
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Mar 9 Jan 2024 - 20:25
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20 juin 2018

Ses doigts poussèrent le bois de la porte avec prudence. Celle-ci mis quelques secondes à s'ouvrir entièrement. Le coeur battant, Mathéo redoutait que Seito ne soit déjà en train d'explorer les contours de sa chambre. Dans son esprit, milles et une excuses se préparaient pour être en mesure de garder la face mais une fois la vue dégagée, il n'eut pas à s'en servir. Il trouva son petit-ami planté au milieu de la pièce, les yeux rivés sur lui. L’anxiété de l’étudiant s’enfuit, les secrets de sa chambre ne lui importait plus. Il resta sur le pas de la porte, lèvres entrouvertes, comme un idiot.

Le corps humain est fascinant. Sans rien lui demander, sans effort à fournir, sans savoir comment il s’y prenait, toute son attention se focalisa sur Seito. Ses pupilles s’étirèrent, sa rétine fit le focus : autour du lycéen, un fantastique flou artistique. Il n'existait plus que lui. Le coeur de Mathéo ralentit, se faisant silencieux lui aussi. Cette image, rien ne devait la perturber, il voulait l’emprisonner dans sa mémoire pour l’éternité. Dans ses vêtements trop grands pour lui, Seito était incroyablement beau. Sa poitrine se comprima, il en était presque sûr, son coeur se faisait presser comme une orange. Le liquide lui coulait dans le ventre, sucrée et acide, parfumé et doux. Il se surprit à espérer plus. Existait-il un monde dans lequel Seito empruntait régulièrement ses vêtements, faisait de sa chambre la sienne et dans lequel il pouvait partager avec lui ce bonheur de l’avoir au plus près de lui ? D'autres images lui passèrent devant les yeux, ses joues rougir. Là, maintenant, il avait surtout envie de les lui retirer. Son petit-ami baissa les yeux, Mathéo remarqua ses mains recroquevillées et cette aura de tristesse qui l'enveloppait. Son coeur se serra.
Elle ne déteintait pourtant pas sur sa lumière. Bon sang… se rendait-il compte ô combien il était étincelant ?

Un pas après l’autre, Mathéo réduisit la distance entre eux. Ses yeux se déposèrent sur les mains meurtries par la tension de son petit-ami. Il les recouvrit des siennes, les séparant avec douceur. Ses doigts froids vinrent chercher la chaleur des siens, se réfugiant entre. Le langage existait-il encore ? Son esprit lui semblait désormais libéré des mots, seules des images y résidaient. Devant ses yeux, quelqu'un avait du coller un view-master, les souvenirs défilaient : le regard bouillonnant de Seito, les larmes coulant sur ses joues, le désespoir qui semblait lui être tombé sur les épaules alors qu’il traversait le passage piéton… La pluie qui le contournait, entourant son corps d’un halo hachuré, son air détrempé…

Une pointe douloureuse lui transperça le coeur en y repensant. Cela ne valait pas la peine… Rien ne valait qu’il se dresse contre Seito dans ces conditions. Pas même le sentiment d’injustice qui lui avait déchiré les veines quelques dizaines de minutes plus tôt. S’il ne pouvait pas être compris, tant pis. Il devait faire mieux, même s’il avait l’impression d’être au max. Il le devait, ne serait-ce que pour revoir cette scène. Son amoureux enveloppé d’une couche de lui. Parfois, rien ne valait plus que la simplicité. Sans dire mot, Mathéo se pencha pour venir cherche du bout du nez le menton du lycéen, lui faisant élever suffisamment la tête pour être en mesure d’accéder à ses lèvres. Il les lui embrassa lentement. Dans ses veines, ce fut un océan qui se déversa. « … Je t’aime » murmura-t-il entre deux baisers, les yeux encore fermés.

Ses lèvres trouvèrent refuge dans son cou, l’embrassant tendrement lui aussi, opposant à leur peau de banquise la chaleur d’un soleil en effervescence.  « … Tu es très beau comme ça. C'est mignon... de te voir porter mes vêtements. » soupira-t-il de bonheur, le coeur étrangement apaisé malgré leur situation. Il se redressa, cherchant ses yeux dans un sourire timide. L’une de ses mains vint se jeter dans les mèches de ses cheveux encore humides pour les lui caresser. «… J’ai quelque chose à te dire. Ecoute moi jusqu’au bout, s’il te plaît » souffla-t-il à son oreille avant de déposer un baiser sur sa joue. Sa main toujours dans la sienne remonta jusqu’à son poignet pour l'enserrer gentiment. Il récupéra la serviette laissée par Seito et l’emmena s’asseoir sur son lit. Celle-ci atterrit sur son crâne, qu’il lui frotta, affectueusement. Hors de question de laisser ses cheveux mal séchés faire des siennes et le rendre malade.

« Quand je vivais en France, j’étais vraiment heureux. J’y avais des amis que je connaissais pour la plupart depuis plusieurs années et je n’avais pas de difficulté particulière à l’école. Au collège, j’étais un assez bon élève. Pas excellent, mais suffisamment bon pour que ça satisfasse les adultes et que je puisse avoir la paix. Dès le plus jeune âge, mes parents m'ont obligé à prendre des cours de japonais dans une école de langue. Tous les samedi matin… c’était l’horreur. Je détestais ça et je ne comprenais pas à quoi ça me servirait de recopier encore et encore des kanjis. Je trouvais ça difficile pour pas grand-chose. A cette époque, jamais je n’aurais imaginé que j’aurais à venir vivre au Japon un jour. Alors… dès que j'ai pu trouver une excuse pour ne plus aller à ces cours, je l'ai fait. Je te laisse imaginer quand je me suis retrouvé forcé d’y habiter quelques années plus tard. » confia-t-il en lui séchant l’arrière de la tête avec précaution. C’était un peu étrange… d’en parler. N’était-ce pas la première fois ? Il s’en sentait un peu anxieux. « … Mes parents avaient un restaurant en France mais il a fait faillite et ils se sont retrouvés si endettés qu’ils ont été obligé de rentrer. On a vécu un certain temps chez ma grand-mère en arrivant, le temps qu’ils puissent se retourner » expliqua-t-il calmement. C’était fou… malgré le temps passé, il leur en voulait toujours autant. La rancune ne le quittait pas. « En arrivant au Japon, mes sœurs et moi avons du passer des tests pour entrer à l’école en cours d’année. Je me suis complètement raté aux tests et comme mon japonais n’était pas assez bon, j’ai finis par redoubler. Je suis passé du bon élève qui avait plein d’amis à l’étranger dont on moquait les difficultés. Je n’avais pas d’amis et je trouvais les adultes injustes et sévères avec moi alors j’avais tendance à me rebeller. ça a été pris pour de l'insolence, on me disait que j'étais mal élevé. En France, on est habitué à pouvoir dire ce qu’on ressent et ce n’est pas mal vu si on se défend de ce qu’on pense être une injustice si on l’argumente. Ici… c’est un peu tout l’inverse. Il ne faut pas troubler l’ordre ni gêner les autres avec nos ressentis. Ça a été très dur pour moi, j’ai eu du mal à m’y faire. »

Il lui frotta l’arrière des oreilles avant de laisser tomber la serviette mouillée sur le parquet, à leurs pieds. « Ce que je veux dire c’est que… Je n’ai pas toujours été bon dans mes études et j’ai du travailler énormément jusqu’à aujourd’hui. Je travaille encore beaucoup. Et ce n’est jamais facile. Je préférerai passer tout mon temps avec toi, jouer aux jeux vidéos, passer mes journées à lire ou bien à m’entraîner au club de natation. Et je vais te confier un secret : étudier, c’est loin d’être ce que je préfère dans la vie. Je le fais parce que j’ai des objectifs et que je veux me donner les moyens de les atteindre. Et parce que... ». Il marqua une pause, hésitant. C’était un peu stupide, il s’en sentait toujours honteux mais… plus que de préparer sa carrière, la véritable raison à son travail acharné n’était pas sans lien avec ce passé qu’il lui contait. Plus bas, il lui avoua : « … parce que je me suis promis de ne plus jamais laisser la possibilité à quelqu’un de se moquer de moi ».

Sa main vint chercher l’une des siennes pour la serrer tendrement. « Je n’attends pas de toi que tu travailles autant. Ni que tu sois un élève excellent. Ce n’est pas parce que je vise ce niveau que je pense que ceux qui ne le font pas sont moins bien. Chacun a ses buts et ses combats… Tu as un rêve, pas vrai ? Et moi, je crois en toi et en ce rêve. C’est pour ça que je te dis de ne pas abandonner, ce n’est pas pour te juger. Puis, si je peux t’aider pour tes notes, pourquoi je te laisserai te débrouiller ? Je suis ton copain… c’est normal que tu puisses compter sur moi. » dit-il en baissant les yeux sur leurs mains. Les mots de Seito lui revinrent à l'esprit: ses parents qui l’auraient remplacé, « elle »… Il prend une inspiration plus forte avant de continuer: « Si quelque chose te pèse, tu peux m’en parler. Je t’aime vraiment de tout mon coeur, Seito. Alors, s’il te plait… fais moi un peu confiance. »

Une petite moue s’installa sur son visage et il conclut, la voix coupable : « Je suis désolé. J’aurais du te dire tout ça tout à l’heure au lieu de m’énerver. ». S’excuser… il n’aimait pas ça, ça n’avait jamais été son fort mais cette fois encore, il ferait une exception pour Seito.
 
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Mer 10 Jan 2024 - 0:18
MERCREDI 20 JUIN 2018



TW : traumatisme, dépression, évocation de suicide

Seito a peur du noir. Une peur enfantine qui le cloue sur place. L'obscurité est comme la poix. Elle lui colle à la peau et le recouvre d'une couche huileuse que ses doigts étalent en tentant vainement de la nettoyer. Mais plus que tout, il craint l'allumette. Il suffirait d'un craquement pour que le feu prenne. Qui viendra le sauver quand il s'immolera ? Pourtant, c'est la seule manière de l'approcher dans cette obscurité. A errer si longtemps dans le noir, il ne peut être étonné d'être passé à côté de la vie. S'il avait continué à porter des œillères, il n'aurait pas pu croiser le regard de Mathéo. Et alors, qu'aurait fait Mathéo de toute cette beauté, se questionne Seito en le regardant.

Seito ne ferme pas les yeux lorsque leurs lèvres s'unissent. Obnubilé par la flamme dansant au bout de l'allumette. Le feu chuinte plus ardemment à cette marque d'amour. Le souffle de Mathéo chatouille ses lèvres frémissantes. Un deuxième baiser coupe ses tremblements. Il ne ferme toujours pas les yeux. Incrédule, ce sont ses doigts qui réagissent. Ils transfèrent plus expressément leur chaleur alors que la flamme se rapproche dangereusement de l'obscurité. Le feu lui lèche le cou, il inspire bruyamment. Fermant cette fois-ci les paupières, à moitié. Inconfort et plaisir se disputent le monopole. A tort. La confusion l'emporte. Le boxer blanc lui caresse la peau.

Seito papillonne. Ses joues se colorent. De ses pupilles, il agrippe son regard puis se rétracte. Une canine plantée dans sa lèvre, l'instant d'après elle la relâche. Il ne comprend pas comment de simples compliments parviennent à apaiser sa conscience surchargée. Une poignée de frissons galope sur son cuir chevelu. Autant d'affection devrait lui donner envie de vomir. Mais après chaque geste tendre, son corps craintif ressent le manque. Focalisé sur ses lèvres, il relève lentement la tête. Le moment est venu. Le temps des explications. Replonger dans l'obscurité et risquer d'en éteindre la flamme. Dans le noir, sa petite voix ricane. Elle rit de son mutisme.

Seito esquisse un très léger mouvement de recul. Ce baiser sur la joue est de trop. Comme si Mathéo essayait d'acheter son consentement. Impression renforcée quand il menotte son poignet. La douceur de ses iris est chassée par une ombre grandissante. Il suit son petit-ami avec inquiétude. Puis s'assoit face à lui, au bord de l'implosion. Pas une seule seconde il ne le quitte du regard. Quoi que tu dises, sache que j'ai été heureux, chuchote le sien. Les lèvres entrouvertes, il attend. Mais avant les mots viennent la protection. Le bas de son visage grimace alors qu'il contient le besoin de s'éloigner. Aussitôt contrebalancé par la peur de se perdre dans le noir.

L'eau épongée de sa chevelure se meut en mots. Une rivière gargantuesque de détails sur la vie insoupçonnée de Mathéo. Sur sa propre détresse. La surface jusqu'alors lisse de son petit-ami s'écaille. Seito se surprend à y chercher des ressemblances. N'importe quelle prise à laquelle s'accrocher. Et il trouve. Insolence, mépris, rébellion, abandon, injustice, sévérité, solitude, éducation, conformisme, déracinement. Telles sont les idéologies qui le touchent de plein fouet. Jamais il n'aurait cru avoir autant de points en commun avec Mathéo. La faille entre eux lui paraît soudain mois effrayante. S'il faisait l'effort d'une grande enjambée, il pourrait traverser.

Seito ne prononce pas un mot. Il est beaucoup trop chamboulé pour parler. Outre les points de comparaison, il prend conscience de leur confiance mutuelle. Par choix, ils n'ont échangé qu'en surface. Comme si le campus représentait toute leur vie. Bien que Seito n'en serait pas mécontent, il sait que trop de monstres cherchent à y entrer pour qu'il les ignore. Alors, confronté aux monstres de Mathéo, il prend du recul. Trois grands pas pour avoir une vision d'ensemble de la situation. Qu'il juge toute sauf normale. Il a peur du noir, certes. Mais il a encore plus peur que la flamme sur laquelle il se repose se consume. Les ténèbres n'en seraient que plus effroyables.

« Arrête de t'excuser. »

Ses mots tranchent son aphasie. Un chuchotement impérieux qui contraint Mathéo au silence. Sa main glisse hors de la sienne pour frotter ses yeux irrités par le chagrin précédent. Puis elles partent se cacher sous le morceau de pull sur ses cuisses où son index attaque nerveusement la naissance de l'ongle de son pouce. Maintenant qu'il a ouvert sa bouche, il se doit de poursuivre. Même s'il n'a pas pris le temps d'organiser ses pensées. Peut-être parce que ses mots sont déjà écrits et qu'ils attendaient le moment opportun pour être prononcés. En dehors d'une session de psy. Le japonais humecte ses lèvres. La couverture mentholée accueille son regard vide.

« J'avais onze ans quand elle est née. »

Seito, qu'est-ce que tu fais ? Ne me dis pas que tu- C'est insensé ! A Mathéo ?! Pourquoi lui ? Pourquoi maintenant ? Je t'interdis de parler d'elle ! Tu m'entends ?! Si tu prononces le moindre mot supplémentaire, je te jure que-

« Elle était toute petite dans son berceau. Et pourtant, elle a pris toute la place. Personne m'a demandé mon avis. Elle était là et moi d'un coup, j'étais plus rien. »

Ne m'ignore pas ! Je sais que tu m'entends ! Arrête ça tout de suite ! Oh, tu veux jouer ? Très bien. Tiens, voilà ton cœur. Il te fait mal ? Tu aimerais que je réduise la pression artérielle ? Sûrement pas. Souffre ou tais-toi !

« J'ai tout essayé pour qu'ils me voient. Mais à chaque fois c'était pire... Si je suis jamais dispo tous les samedi matin, c'est parce que je vois un psy. Ça fait un moment que ça va bien mais des fois, ça va pas du tout. C-comme quand on était dehors. »

Sa voix trébuche. S'il s'arrête, jamais il ne pourra reprendre. Sombre est la marche de son tambour. Prisonnier d'une main de fer, il peine à oxygéner proprement ses aveux. Mais avant de se taire à jamais, Mathéo doit savoir une chose très importante.

« Je suis pas en colère contre toi. J'ai... j'ai tout l'temps peur. Je fais genre tout va bien mais j'suis un putain d'menteur. Parce que si j'avais pas Nolan et Pablo... si je t'avais pas toi... je pourrais pas continuer à... Je pourrais pas. »

Dis-le lui que tu te serais flingué ! Quitte à être honnête, autant que tu le sois jusqu'au bout ! Oh et n'oublie pas de lui dire que l'idée t'a effleuré d'emporter ta sœur avec toi. Ou plutôt devrais-je dire la Chose ? Car c'est ce qu'elle a toujours été à tes yeux avant que tes parents renouvellent leur confiance. Mais tu vois bien que tout est faux. Quelques mauvaises notes et le soufflé retombe. Ils te croient perdus à nouveau. Cette trêve n'était en fait qu'un leurre pour t'affaiblir. En réalité, ils n'ont jamais cessé leur siège et maintenant qu'ils t'ont affamé, tu es à la merci de leurs caprices.

« Mes rêves... j'les laisse aux autres. C'est pas un vrai métier, c'est pas pour les gens sans talent et ça impressionne pas dans les discussions de famille. »

Seito récite le déni de son adolescence jusqu'aux dernières vacances scolaires. Le chemin qu'il souhaite emprunter dérange. Alimentant sans arrêt le débat sur sa légitimité en tant que premier enfant de la famille Mori. La naissance de son ongle picote tant il l'a grattée mais il ne s'arrête pas pour autant.

« Si je veux plus que tu t'excuses, c'est parce que c'est vraiment ma faute. Et je- je suis désolé. »

Une larme roule sur sa joue. Les épaules basses et rentrées, il se sent petit et insignifiant. Et, comme Alice, il se pourrait bien que ses larmes soient assez nombreuses pour qu'il finisse par se noyer. Elles altèrent déjà sa voix alors qu'il souffle :

« T-tellement désolé de pas être le copain sur qui tu peux compter... »




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Mer 10 Jan 2024 - 23:30
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20 juin 2018

Une sœur…

Mathéo écouta attentivement. Il s’en rendait compte désormais, c’était un pan entier de la vie de Seito qui lui était inaccessible. Jusqu’ici, il l’avait pensé fils unique. La perspective nouvelle laissait sur lui une impression d’étrangeté. Seito était un frère lui aussi, un grand-frère... Il ne saisissait pas toutes les subtilités que cela amenait. A nouveau, il se sentait idiot. Avait-il eu tord de faire confiance au temps ? Ce que son petit-ami laissait de vague ne l’avait jamais vraiment inquiété. Il en respectait l’intimité. Un jour, il s’en était persuadé, toutes les pièces du Puzzle seraient réunies pour qu’il les assemble. Rien ne servait de se presser. Pourtant, le voilà qui se retrouvait avec une poignée de pièces dont il ne savait que faire et il ne pouvait s’empêcher de se demander s’il lui aurait fallut les avoir avant.

Le psy…


Les samedis matin inaccessibles trouvaient leurs mystères percés, il pouvait désormais voir au travers des petits trous. Sous la lumière étincelante de son Roi, apparaissait l’ombre. Elle ne lui faisait pas peur. Cette fois, ce fut une étrange familiarité qui le saisissait à la place. Bonjour, Ombre. Enfin ils se rencontraient. Succinctement, elle lui était déjà apparut auparavant, à plusieurs reprises. Chaque fois qu’il avait perçut une once de tristesse chez Seito, chaque fois que la colère grognait si fort en ses profondeurs qu’il en entendait les maigres échos, chaque fois qu’il l’entendait se sous-estimer, qu’il lui semblait reconnaître une hésitation ou une fuite… Il l’avait toujours ressenti cette ombre mais n’avait jamais pu la contempler. Sa gorge se noua. La voix de Seito retenait sa tristesse mais il pouvait en entendre les notes prêtes à déborder. S’il avait insisté pour savoir ce qu’il faisait les samedis matins… lui aurait-il confié plus tôt ? Mathéo baissa la tête, affligé. Seito souffrait. Il l’avait laissé souffrir seul tout ce temps. Il s’en voulait terriblement.

Le menteur…

Si Seito savait… S’il savait qu’ils étaient deux à mentir. L’aveu de son mensonge créa un tourbillon dans le cœur de l’étudiant. La peur, il ne la connaissait que trop bien. C’était le genre d’amie dont on se passerait bien mais dont on ne pouvait se débarrasser. Une amitié toxique au possible. La peur vous contraint dans ses filets, laissant croire que vous n’aurez pas mieux qu’elle. Elle vous persuade que vous ne serez jamais plus en sécurité qu’entre ses serres qui vous lacère pourtant sauvagement la peau. Mathéo ne pouvait que comprendre, lui aussi se cachait péniblement derrière elle. Il en avait accepté la douleur, s’était convaincue qu’elle lui appartenait, qu’elle n’était qu’un trait de son être. Souffrir, il ne savait plus quand il avait commencé tant cela lui semblait être une éternité. Mais il s’en était érigé un mur, entre lui et les autres, partisan du moindre mal. De peur de ne pouvoir assumer, il avait revêtit son masque de menteur quotidiennement. Si bien qu’il arrivait parfois lui-même à s’y confondre. Avant Seito, ses espoirs étaient à l’abandon. Il commençait à accepter sa condamnation. Il tenait bon grâce à elle… du moins, c’est ce qu’il pensait. Entendre Seito lui dire qu’il ne pourrait pas continuer à vivre sans lui et ses amis lui déchira le ventre. Sa main agrippa un bout de couverture, l’enserrant dans une forte poigne. Il lui fallait sentir son appuie pour ne pas vaciller. S’il existait un monde où Seito ne voulait plus vivre, c’était le seul qu’il ne pouvait accepter.  Le lycéen avait peur, ne le savait-il ? Comme sous son masque, il était pourtant encore plus beau.

Les rêves…

Mathéo n’en avait plus avant qu’il ne tombe amoureux de Seito. Il les avait enterré sous l’arbre de ses regrets, enfermé à triple tour dans une boite hermétique. Vivre en France, retrouver ses amis, étudier la littérature française et pourquoi pas... reprendre le latin. Devenir un écrivain aussi génial que Zola, capable d’écrire une saga sur toute une famille sans lasser personne. Aimer… vivre heureux avec la personne qu’il aimerait. Il y avait tout laissé. Sur la page redevenue vierge, il y avait tracés des traits dépités pour les remplacer : étudier la littérature japonaise à Kobe, devenir enseignant, se marier avec une femme qu’il apprécierait à défaut de pouvoir l’aimer, se forcer à faire des enfants qu’il espérait au moins réussir à aimer. Être malheureux mais fonctionnel, coincé dans une vie sans risques dont la seule trace porteuse de ses rêves devenus fossiles s’accrochaient à la langue française. Seito était venu mettre un grand coup de pied dans son arbre, l’en avait déraciné. Sous le tronc, Mathéo avait entrevu sa boite. Le Royaume du Sucre, un amour possible, un amour partagé… un amour vécu, à défendre ? Il avait encore du mal à se décider sur quand fermer les yeux. Ce qui était sûr en revanche, c’est qu’en compagnie de Seito, être seulement fonctionnel ne le satisfaisait plus. Il voulait l’aimer. Comment, il ne le savait pas encore mais la porte était entre-ouverte et il passait régulièrement devant pour l’ouvrir un peu plus, millimètre par millimètre. Il espérait de nouveau, secrètement, se l’avoua à peine à lui-même. Il espérait trouver comment faire pour récupérer ce vieux rêve : être heureux avec celui qu’il aime. Alors, entendre Seito jeter ses rêves au feu lui glaçait le sang. Il ne savait que trop bien comme c’était douloureux, il ne lui en souhaitait pas la souffrance.

Des excuses…


La pression autour du bout de couverture s’accentua, ses doigts blanchirent. Face aux larmes de Seito, Mathéo se sentait impuissant. Ses poumons cherchèrent l’air qui lui manquait, s’en gonflant à risquer l’explosion. Ses yeux devinrent humides. Le mystère de la pluie venait de se résoudre, il n’y avait là rien de scientifique, seulement un dieu qui en voyant un autre pleurer s’y était mis lui aussi, jusqu’à ce que le royaume des dieux tout entier ne se retrouve en larmes. Ce n’était pas le moment de se créer des images mais le son de la pluie tapant contre sa vitre l’obligeait à ne pas l’oublier.

Et nous…

L’impulsion de ses muscles leva son corps et Mathéo n’eut que faire des protestations de ses articulations ramollies qui grincèrent de tristesse. Il grimpa davantage sur le lit pour passer derrière Seito et l’attira, le coinçant entre ses jambes pour le caler tout contre lui. Sa joue trouva refuge sur son crâne, il ferma les yeux. Il ne pouvait rien dire, s’il parlait maintenant il se mettrait à pleurer lui aussi. Il préféra garda le silence, le temps de ravaler la peine qui lui remontait la gorge. Le bruit de la pluie se mêlait désormais aux sanglots de Seito. D’une main, il lui frotta tendrement le dos. Il ne saurait dire combien de temps ils restèrent ainsi, enlacés dans ce silence triste, avant qu’il ne puisse de nouveau user de ses cordes vocales pour le briser. Le temps lui paraissait s’être arrêté tant il lui semblait futile.

« Merci de t’être confié à moi… » souffla-t-il tout bas. Sa voix sonnait plus grave, encrassée par la tristesse mais il profita de son élan pour continuer. « J’ai tellement de choses à dire, tout se bouscule, je ne sais plus par où commencer... » confia-t-il en engouffrant son nez dans ses cheveux pour les sentir. Un instant, juste une bouffée de son odeur et les coups douloureux de son coeur se calmèrent. « … Je vais commencer par le plus important : tu te trompes. Tu n’as aucune excuse à me faire Seito. Tu ne t’en rends pas compte mais tu es la meilleure chose qui ne me soit jamais arrivée. Pour notre rencontre et les mois que l’on vient de passer ensemble, je recommencerai tout un milliard de fois, sans rien changer. Si je suis sûr de pouvoir te trouver à nouveau... » avoua-t-il en le serrant un peu plus fort contre lui, se mordant la lèvre pour tenter de contrer l’émotion trop forte qui l’envahit avant qu’elle ne charge sa voix de trémolos. Il respira une autre bouffée. « … Quand je pense à toi, mon monde se colore. Si tu n’étais pas là, ma vie n’aurait aucune saveur.»

Lui embrassant le crâne, il l’attrapa gentiment pour le faire reculer légèrement. Lorsque ses yeux se posèrent sur son visage, ils ne purent contenir leurs larmes. Sur ses joues, l’une d’elle dessina un sillon. « Avec ou sans sœur, avec ou sans psy, avec ou sans mensonge, que tu ailles bien ou non. Je m’en fiche Seito, je t’aime comme tu es ». Ses doigts passèrent sur sa joue pour l’essuyer puis il vint essuyer celles de Seito avec sa manche. « Tes rêves… le temps que tu ailles mieux, je les protégerai. Alors, ne les abandonnes pas, s’il te plait. On ne peut pas vivre sans rêves... » put-il ajouter timidement, baissant les yeux. Il se sentait gêné de se montrer si touché, plus encore d’avoir à avouer ce fait, lui qui maltraiter tant les siens. Il décoiffa affectueusement le crâne de son petit-ami, esquissant un sourire pour tenter de contrecarrer les plans de son coeur affecté.

« Un jour, tu seras écrivain et tu feras taire tous ceux qui disaient que ce n’est pas un métier. Et ceux qui disent qu’il faut du talent pour… ils vont être sacrément surpris. Tu ne leur as jamais dit ? Un écrivain, ça écrit avec son cœur et son âme pour toucher ceux des autres. Ça n’a besoin de rien d’autre » affirma-t-il, la voix retrouvant de son éclat sous la conviction qui le gagnait. Il l’attrapa par le pull, gentiment. Ses yeux cherchant les siens, il murmura : « Dans mon coeur, tu as déjà écrit le meilleur livre de tous les temps. ». Et l’attirant à lui, il l’embrassa.
 
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MERCREDI 20 JUIN 2018



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Le ciel pleure et ses joues ruissellent. Le japonais n'en peut plus de toute cette eau qui érode sa peau. Qui creuse son cœur morcelé d'une tristesse délétère. Il l'a dit. Il l'a enfin dit. Le secret se liquéfie et lui avec. Son corps fond entre les bras chauds de Mathéo. Et tressaille à mesure que les sanglots grossissent. A moitié silencieux, presque ravalés, tant il a honte de ce qu'il est. De l'échec qu'il représente. Les gouttes brouillent l'encre du brouillon. Ses mains se dissolvent contre ses coudes qu'il agrippe douloureusement. S'il n'est pas un bon frère ni un bon petit-ami, à quoi sert-il ? Et maintenant qu'il l'a admis, pourquoi est-il toujours en vie ? Les kanjis s'effacent progressivement. Lavé de ses crimes, Seito ne se sent pas mieux pour autant. Maintenant que la vérité est à l'air libre, il redoute les retombées d'acide. Chaque caresse est une souffrance. Cette joue sur son crâne une épreuve. Qu'il se doit de réussir. Peu importe les tourments de son corps. Mathéo fait parti des gens pour qui il se laisserait manger le foie jour après jour.

Derrière le roi solaire se cache la créature ténébreuse. Maintenant qu'il m'a vu, penses-tu qu'il va fuir ?

Là, tout contre lui, il prend doucement conscience de sa présence. Il ne sait ce qui retient l'étudiant. Sa chambre et sa maison sûrement. Mais alors, de tous les lieux où il aurait pu l'emmener, pourquoi ici ? Le japonais craint d’entacher l'aura de ce cocon. Petite boule de suif que la roue de l'infortune fait tanguer, marquant son passage de sa traînée charbonneuse. S'il n'a posé son regard sur rien d'autre que Mathéo, c'est qu'il refuse de décolorer davantage son monde. Les vêtements qui lui collent à la peau sont contaminés eux aussi. Oh, comme son cœur est lourd. Comme il se sent idiot d'infliger cette peine à Mathéo. Mais simplement songer à se détacher de son corps lui soutire un frisson d'horreur. S'il prenait la décision de s'éloigner, il réalise que jamais il ne comblera à nouveau la distance. Résolu à sauvegarder son petit-ami de sa personne. Ce garçon qui ne cesse de le remercier pour des broutilles, sans jamais se rendre compte qu'il est le seul et l'unique héros de cette histoire. En réponse, d'autres larmes jaillissent.

Il t'aime comme tu es. Ton cœur est une harpe dont il aurait joué la bonne mélodie. Sens-tu comme je tremble ?

Les larmes sur ses joues sont faciles à sécher. Mais celles à l'intérieur, invisibles jusqu'alors à l’œil nu, humidifient tout son être. Il se sait poreux. Les mots acerbes ont déjà grêlé sa peau de micro-trous. Des percées de lumière par milliers dans sa carcasse vide. Le ciment s'effrite entre les pierres. Il suffirait d'une poussée pour que le mur entier s'effondre. Et il est là, à contempler les débris. Affreusement creux. Jusqu'au miracle. Plusieurs pelletées de tendresse, plusieurs autres de confiance et un seau de caresses. Rien de plus simple finalement pour cimenter son cœur d'un amour inattaquable. Lui qui n'est pas loin de se fendre quand, après avoir changé de position pour lui faire face, Mathéo exprime sa détresse. Son estomac se tord. Il ne peut être responsable de cette nouvelle débâcle. Il doit se racheter. Que Mathéo lui donne un prix, il le paiera sans hésiter. Mais ses lèvres ne font que s'entrouvrir. La réciprocité se meurt dès l'instant où elle est réfléchie. Pourtant, dans son regard fleurit une vénération sans limite.

Seito, j'ai peur et tu ne m'écoutes pas. Seuls ses mots t'atteignent. Qu'adviendra-t-il quand je te laisserai seul face à toi-même ?

Le baiser est court, ses lèvres sont dures. A quelques centimètres de lui, Seito contemple ce visage qu'il a appris à apprécier. Le sien tire d'avoir tant pleuré. Ses doigts effleurent les lèvres de Mathéo tandis qu'il murmure :

« Tu dis des bêtises plus grosses que toi. »

Le coin de ses lèvres frémit. Une infime partie de lui espère que Mathéo ne contiendra pas ses bêtises. Car ce livre seul suffit à le rendre heureux bien qu'il ne soit pas convaincu de sa plume. Il n'y a qu'en écrivant qu'il peut espérer ne jamais être interrompu. Ou en embrassant. Ses doigts rejoignent la couverture où il s'appuie pour basculer à nouveau à genoux.

« C'est moi le roi des bêtises, pas toi... »

Leurs souffles se mélangent, leurs regards s'épousent. Ses lèvres s'amollissent contre les siennes. Timidement. Un premier baiser prudent avant de se détacher.

« Et j'ai gâché notre sortie, j'suis désolé... »

Tout aussi maladroitement, il franchit les millimètres qui les séparent. Sa bouche s'imprime sur celle de Mathéo. Le contact est chaud. Pas déplaisant. Mais condensé, il se recule. Ses yeux s'ancrent dans le regard de l'étudiant. A l'image de son cerveau, il saute du coq à l'âne.

« Tu peux garder mes rêves. »

Sa bouche connaît le chemin, elle appose son sceau.

« Tu peux garder mon cœur. »

Le baiser se fait plus prononcé, plus humide. Soudain, ses mains se joignent au ballet. Elles glissent sur le torse de Mathéo. Son pouls s'accélère subtilement alors qu'elles s'arrêtent sur le haut de ses pectoraux.

« Tu peux tout garder de moi. »

Leurs lèvres scellent ce pacte improvisé d'un baiser sage que la moiteur alanguit. Sa peau contre son t-shirt, son boxer contre son intimité puis sa langue contre la sienne et ses doigts qui s'accrochent à ce garçon que l'amour fait ployer.




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Dim 28 Jan 2024 - 17:44
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Mathéo secoua la tête. Seito n’avait rien gâché, il leur permettait d’ajouter de solides planches au pont qu’ils cherchaient tous les deux à construire depuis plusieurs mois pour se rejoindre. Les pieds ancrés sur les dernières d'entre elles, chacun de leur côté, ils pouvaient désormais se prendre la main. De la gratitude, c’était ce que Mathéo ressentait. Il le remerciait d’avoir partagé ses ténèbres avec lui, d’oser lui faire confiance et de croire suffisamment en lui pour prendre le risque de la vérité. D'ailleurs, c’était drôle, maintenant qu’il y pensait… lui qui avait toujours été le meilleur soldat du mensonge et de la fuite se retrouvait désormais à défendre le camp adverse. Il avait promis son honnêteté à Seito. Il avait juré son amour, porté le serment de sa fidélité. Ce n’était plus possible de se cacher derrière le mensonge. Il en venait même à se dire… que cette vérité qui l’effrayait tant valait sans doute mieux que le drap sale d’un mensonge qui ne faisait de toute manière que la recouvrir.

Brûlantes, ses lèvres accueillirent celles du lycéen avec tendresse, presque tristes lorsque Seito les quitta pour préférer plonger son regard charbonneux dans le sien. Perdu dans l’univers de ses iris, l’océan se reconstitue autour de ses yeux, floutant l’image qu’il affectionne tant de son petit ami. Il se sentait marin sur des mers inconnues. Comme Ulysse, il se retrouvait parfois à affronter des monstres obscures et s’en sortait in extrémiste. L’ascenseur émotionnel l’épuisait, il se sentait capitaine échoué, dont le navire avait perdu trop de son bois sur la côte épineuses de ses sentiments. La tempête était passée néanmoins, il y avait survécu de nouveau et l’île sur laquelle il se retrouvait semblait aussi paradisiaque qu'intrigante. Un nouveau paysage s’offrait à lui sans qu’il ne lâche dans quelle direction aller, ni ce qu’il y rencontrerait, encore moins avec quelles armes s’en défendre si nécessaire. Mais, il s’en fichait. Son coeur lui offrait le plus puissant des phares : l’amour. Tant qu’il le suivait, il savait que quoi qu’il pourrait advenir de lui, il ne le regretterait jamais.

Seito le plonge dans une douce pénombre en scellant ses lèvres d’un nouveau baiser. Il ne craint pas celle-ci, des milliers de constellations l’éclairent dans la nuit alors qu’il prête de nouveau serment avec lui même. Il garderait ses rêves, il en faisait la promesse solennelle. Sur la nuque du jeune homme, ses doigts adhérèrent. Il appuya leur baiser d’une de leur pression. Dans sa poitrine, il lui sembla perdre son coeur. Une explosion silencieuse et il ne sentit plus l’organe pulser. Une nouvelle galaxie venait de le remplacer, après le big bang, un nouveau monde se créait. Aujourd’hui la biologie avait atteint ses limites, il était devenu impossible pour l’organe qui ne maintenait en vie de retenir l’Amour dont il débordait. Un monde plus vaste était nécessaire. Il garderait le coeur de Seito dans ce nouveau monde protégé de sa poitrine, pour toujours. Il s’en porterait gardien.

Ce n’était pas plus mal qu’on le forçait à étudier la philosophie à l’université à partir de cette année. Il avait désormais tout le matériel pour représenter l’Amour, il ne lui manquait plus que les mots et leurs artifices pour tenter d’en traduire toute la poésie au reste du monde. Un jour, sans doute, le monde entier saurait à quel point il l’aimait, ce garçon qui nageait dans ses vêtements trop grands pour lui. Son seul regret serait de ne jamais avoir pu lui transcrire l’émotion fulgurante qu’il provoquait en lui chaque fois que son corps cherchait le sien. Un mélange d’un Amour hors les mots, qui baignait ses yeux d’eau, et de son être en fusion nucléaire, que le désir réorganisait, transformait. Il garderait tout de lui. Il n’y avait rien à promettre sur ce dernier point, Seito s’encrait sur sa peau, s’imprimait dans son âme. Il transformait son corps en réceptacle, incapable de contenir autre chose que l’amour qu’il lui portait. Jamais il ne pourrait s’en défaire.

De nouveau, leurs lèvres se retrouvèrent pour une danse humide. Il laissa la langue de Seito mener la danse, épousant chacun de ses mouvements avec douceur. Ses doigts pressèrent davantage sur sa nuque, contrastant avec la lenteur de ses baisers. Il le voulait pour l’éternité. C’était le moment pour les dieux de venir marchander avec lui car il était prêt à tout donner pour pouvoir rester dans ce moment, Seito dans ses bras, suspendu à ses lèvres, vêtu de ses vêtements, prêt à tout lui offrir, dans sa chambre. Au fond de lui, la voix fluette de sa conscience lui sifflait de faire tout de même attention. Elle lui rappelait la dureté de la situation et l’obligeait à la responsabilité. Le moment était précieux, il ne fallait pas l’abîmer. Il ne fallait pas en profiter. Seulement, son corps avait intercepté les signaux envoyés, il y répondait déjà. Dans ses mains, il pouvait sentir son pou s’accélérer, vibrer. Son torse s’était déjà embrasé sous la main de son petit-ami et son jogging n’avait aucun talent pour masquer l’évidence qui se dessinait sous son tissu. Il y avait dans les mots de Seito une autorisation qu’il ne pouvait ignorer.

« Je garde tout... » souffla-t-il contre ses lèvres, le souffle court. Il s’éloigna un peu pour mieux le voir, même les yeux rougis et la peau érodée par les larmes il était tellement beau. Ses lèvres vinrent se loger sous son oreille, marquant sa peau d’un baiser moite. Il murmura tout contre. « … et je te donne tout. Tu peux prendre ce que tu veux de moi, tout est déjà à toi ». Il se recula pour lui sourire, les lèvres tendres, le regard amoureux. Sa main quitta sa nuque pour se poser sur la sienne qu’il délogea de sur son torse. Lentement, il la guida en marche arrière, l’amenant à rebrousser chemin jusqu’à son ventre. Sur son bas ventre, un obstacle se dressa fougueusement, les obligeant à s’arrêter. Pourtant, Mathéo aimerait l’y emmener, la passion qui fait face à leur main succombe d’impatience, elle réclamait les caresses de Seito. Prudent, il la laisserait se consumer de frustration. Au lieu de la satisfaire, il tira sur son pull, libérant une voie de secours pour que la main de son petit ami puisse s’échapper. Sous la chaleur de son pull, il l’aida à se faufiler plus en profondeur, la faisant glisser sous son T.shirt.

Mathéo soupira. Au contact des doigts froids de Seito, sa peau frémis. Elle frissonnait, soulevant un véritable tremblement de terre épidermique, mais courageux, Il l’accompagna jusqu’aux sentiers tracées par ses abdos, l’y laissant seule. Il avait besoin de ses deux mains pour saisir le visage de Seito et l’embrasser de nouveau. Joueuse, l'une de ses mains se déposa en voile devant ses yeux, les privant de luminosité. L'étudiant n’osait pas se dévêtir devant lui, bien que cela aurait été plus pratique. Il était toujours marqué par la gêne qu’ils avaient ressentis lorsqu’il s’était retrouvé torse nu devant Seito à Osaka. Heureusement, l’humain ne voit pas seulement avec ses yeux, il peut aussi voir avec ses mains. A Seito de choisir de regarder ou pas. Ses lèvres s’abattirent lentement sur celles du lycéen pour en déguster le goût. D’abord sa lèvre inférieur qu’il enlaça des siennes avec tendresse puis ses commissures qu’il embrassa délicatement. Finalement, sa langue, impérieuse, vint soumettre sa lèvre supérieure, glissant sensuellement sur ses contours. « Je t’aime... » chuchota-il entre deux baisers plus prononcés.

Dans un excès d'amour, il le renversa, dos contre le matelas, recouvrant son corps de sien, pour un énième baiser, marqué de passion. Ses doigts se cramponnèrent au pull trop grand qui recouvrait Seito. Ils s’impatientaient, eux aussi, mais Mathéo s'était gravé les lois de son petit ami dans la chair, impossible d'oublier les précautions dont il devait faire preuve en toutes circonstances, pour ne pas abimer sa confiance. Ses doigts passèrent sous le pull mais acceptèrent de rester sur son T.shirt, patientant sur sa ligne de départ. « Est-ce que... je peux ? » demanda Mathéo, dans le creux de leurs souffles qui s’épousaient. Cette fois, ils étaient seuls, personne ne serait susceptible de les déranger. La crainte de se faire prendre n'avait pas lieu d'être et sur son territoire, Mathéo se sentait le maître des lieux. Seito lui offrait ses clés, il ne lui manquait plus que l'autorisation de les utiliser.

 
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Mer 31 Jan 2024 - 16:11
MERCREDI 20 JUIN 2018



TW : traumatisme, érotisme

Qui aurait cru que dans le noir se cacherait un plaisir décuplé ? Derrière les monstres de son adolescence. Derrière les portes closes de sa généalogie. Puis, plus loin, tout au fond du tunnel de ses espoirs brisés. Sous ses doigts, la peau de Mathéo est semblable à des milliers de tessons. Il suffirait d'un mouvement brusque pour que le verre ne morde sévèrement ses empreintes. Mais en cet instant, Seito est prêt à payer de son sang. Submergé d'informations, son corps gamberge. Si bien qu'il se laisse faire. Coincé entre baisser la herse ou jeter les armes. La réponse gît entre ses lèvres prises d'assaut par ce roi dont la passion insuffle témérité et délivrance. A chaque nouvel assaut, son souffle se distend. Comme si ses poumons calaient le rythme de ses inspirations sur le nombre de baisers dont Mathéo le gratifie.

Seito n'est pas aveugle. Et sa main a failli parcourir cette bosse que leurs langues ont échauffé. Devant le fait accompli, il ne peut nier son implication. Il est bel et bien le responsable de cette sombre magie. Autant que Mathéo est responsable de son état. Aveuglé par cette main, il n'a d'autre choix que d'explorer. Si ses yeux ne peuvent l'informer du danger, il doit se fier à ses autres sens. Alors ses doigts timides se décalent. Grappillent des millimètres. Il sent le ventre de Mathéo se rétracter à chaque fois que ses doigts se posent. Ce ventre, il l'avait vu nu. Il l'avait observé, avait même avoué le trouver attirant. Mais c'était autre chose de le toucher. D'en inspecter les muscles, finement dessinés sous cette peau que le chlore attaque chaque semaine. Sa main remonte entre ses deux pectoraux, là où il était quelques secondes auparavant, au-dessus du pull.

Mathéo ne lui laisse pas reprendre son souffle. Sur le dos, le japonais rouvre les yeux. Deux grands yeux paniqués. Face à cette main qui presse amoureusement contre son torse. La confiance qu'il place dans son petit-ami est le fer de lance d'une révolution intérieure. Un tourbillon insensé de pour, de contre et d'adverbes prétentieux. La nuque cassée, il observe cette main courageuse. Au-delà de ses murs, elle pourrait s'écharper sur tant d'obstacles. A moins qu'elle n'ait déjà fait ce chemin... Seito lui a livré son plus grand secret. Cette révélation prend une ampleur sans commune mesure. Elle le trouble et l'ensorcelle, plus puissamment encore que la magie qui anime son bas-ventre ainsi compressé sous le corps de Mathéo. Seito se coupe d'un sens, la vue à nouveau, pour limiter le poids de sa réponse. Le sang pulse contre ses tempes, dans le creux de son cou, contre sa poitrine et alimente la rivière qui grossit en contrebas.

Ainsi, ta décision est prise. Oui, ta dictature s'arrête ici et maintenant. Ose me dire qu'elle ne t'a pas protégé du mal qui te ronge. Tu es le mal qui me ronge.

« Tu peux. »

Lui coupant l'herbe sous le pied, la voix se tait. Seul face à lui-même, le japonais saisit le point de bascule. Sa décision est irrévocable. Quand bien même son corps se révolterait. Seito est fatigué de lutter. Et puis il est curieux. Curieux de la portée de cet amour que Mathéo déclame à chaque fois qu'il le peut. Alors voilà. Il n'a rien de plus à lui offrir que des rêves inatteignables, un cœur gangrené et sa personne que la vie a mâchonné puis recraché. Mais si Mathéo en veut plus, qu'il vienne réclamer ce qui lui est dû. Qu'il revendique son royaume sur sa peau que l'amour a déserté. Ses paupières closes frémissent d'appréhension.




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Sam 3 Fév 2024 - 15:15
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Mathéo observait. Les paupières closes de Seito et toute l’inquiétude qu’elles semblaient porter, sa poitrine qui se soulevait sous une respiration nerveuse… ses propres doigts qui attendaient l’impulsion électrique qu’il retenait et dont ils avaient pourtant besoin pour se mouvoir et rejoindre sa peau. Il respira, laissant le temps exister. Ici, il n’y avait plus qu’eux. La pluie seule les accompagnait, berçant leurs cœurs abîmés dont l’espoir n'était plus que de s’aimer. Le sien cogna fort en recevant la réponse de son petit ami. C'était un accord qui ne se limitait pas seulement à l'approbation, Seito l'autorisait à l'aimer. Pour la deuxième fois, Mathéo eut l'impression de recevoir un "je t'aime".

Il s'alonge sur Seito, le corps glissant à moitié sur le matelas. Un semi envahissement lui semble préférable. Sa main, coincée entre la couverture et son flanc, se démène pour remonter. Elle se hisse jusqu’à pouvoir passer sous la nuque de son petit ami qu’elle attire prudemment à lui. Leurs nez se frôlent, leurs soufflent se mélangent, il l’embrasse tendrement. Timides, ses doigts s’aventurent enfin sous le T.shirt du lycéen. Ils effleurent son ventre, tremblants, inquiets de ce qu’ils pourraient provoquer. Pourtant, c’est sur son propre corps que les premières réactions se manifestent. Mathéo frissonne. Ses dermatoglyphes s’impriment à l’encre invisible sur le ventre de Seito qu’il caresse tendrement une fois que sa main peut s’y reposer toute entière. Son souffle se coupe, il réalise: Seito lui offre sa confiance, toute sa confiance. Il est terriblement heureux.

Leur épopée épidermique doit néanmoins ralentir, leurs grands héros ont besoin d’une pause. Sur des contrées plus lointaines, d’autres protagonistes se rencontrent. Les lèvres de Mathéo quittent celles de Seito pour se poser sur l’une de ses joues, humides d’amour. « … Si tu veux arrêter, à n’importe quel moment, dis le moi. » murmure-t-il. Ses baisers coulent sur sa mâchoire, doux et prudents. Son corps bouillonne d’un désir ardant dont les caprices sont difficiles à réprimer. Opprimé depuis bien trop longtemps, il exige qu’on le laisse s’exprimer mais Mathéo se restreint. Rien qui n’existait ne compte plus, tout comme sa narration, il laisse tout ce qui appartient au passé derrière lui.

Seito lui est précieux et son corps est un sanctuaire qu’il entend honorer. S'il en récupère les clés, ce n'est que pour en devenir le gardien sacré. Alors, sa libido monstrueuse peut bien se déchainer tant qu'elle le veut, lui broyer tout l'intérieur du corps et l'éprouver autant qu'elle le peut, lui, ne peut la laisser entacher ce moment entre eux. Ce n'est pas qu'une histoire de corps qui se rencontrent et voudraient s'épouser. Il y a des sentiments que rien ne peut entraver. Son souffle s’écrase sur l’oreille du lycéen qu’il embrasse furtivement avant de descendre dans son cou. Il y déverse un océan d’amour. Ses lèvres apposent leur seau sur chaque millimètre de sa peau.

Les démons sont maîtrisés, l’épopée peut reprendre. Sous le T.shirt de Seito, sa main brûlante parcourt de nouvelles terres jusqu’à son torse. Puis, elle s'arrête, appelée par l'appel des battements de cœur qu’elle sent pulser sous sa paume. Ce cœur qui bat pour lui mérite que l’on s’y attarde, Mathéo rougit en écoutant sa déclaration en morse. Le sien s’envole, sa cage thoracique ne peut plus le retenir. Contre son boxer, un autre type de pulsation fait sa déclaration. Son corps lance sa première alerte, il ne peut contenir tout l’ouragan passionnel qu’il y laisse grossir. Mais comment pourrait-il en être autrement ? On ne peut aimer autant sans écorchures et lui serait prêt à y perdre toutes ses plumes. Essoufflé, il se redresse pour contempler ce garçon qu'il aime tant. Son coeur vacille. Il est magnifique.

Cou et torse de Seito se voient délaissés. Ses doigts, rassurés de leur voyage, retrouvent confiance et saisissent pull et T.shirt pour les emprisonner. Prudemment, il aide le jeune homme à s’en débarrasser. Son regard se fond dans le sien, il lui sourit. Sans se soucier de l’avenir de ces vêtements trop grands qui lui ont appartenu, Mathéo s’en débarrasse. Ses lèvres s’échouent un instant sur celles de son petit-ami tandis que sa main prend appuie sur le matelas pour l’aider à reculer. Ses lèvres doivent suivre le mouvement mais insatiables elles embrassent tout sur leur passage. D’abord son menton, puis sa gorge, elles s’attardent ensuite sur sa clavicule, le temps d’un nouvel appuie qui les oblige à s’érafler contre ses pectoraux. Sa langue se joint à elles, embrasser sa peau n’est plus suffisant. Gourmand comme il est, il veut aussi la goûter.

Dans un dernier moment de lucidité, il se redresse. Ses joues sont rouges, son air inquiet mais ses yeux brillent d’un amour incandescent lorsqu’il demande : « Est-ce que ça va toujours ? »

 
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Lun 5 Fév 2024 - 0:21
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Mar 6 Fév 2024 - 21:05
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Mer 7 Fév 2024 - 14:32
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Déconnexion dans...

Ce baiser n'est-il pas étonnamment tendre ? Ou cache-t-il de sombres desseins ? Sous la forme d'une main qui lui presse le cou, qui pourrait le broyer s'il le souhaitait ? Se laisserait-il faire ? Se défendrait-il si la fin arrivait maintenant ? Entre ses bras ? Si cette étreinte était la dernière, n'en serait-il pas heureux ? Car, après, que sait-il de ce qui l'attend ? Ne l'a-t-il pas déjà vécu avec ses parents ? Après l'amour, n'y a-t-il pas son absence ? N'est-ce pas d'ailleurs comme ça que l'on sait qu'on l'a été, amoureux ? Peut-on être amoureux plusieurs fois ? Ou n'aime-t-on qu'une fois vraiment et toutes les autres fois ne sont que de pâles copies ? C'est effrayant de penser qu'on a qu'un seul essai, non ? Si on le rate, est-ce qu'il y a des rattrapages ? Est-ce que Cupidon joue les maîtres d'école ? A la fin du stage, peut-on regagner tous ses points sur le permis de l'amour ? Ou est-on condamné à vivre avec ce nouveau décompte ? Que doit-il faire s'il a la sensation de faire face à Mathéo sans un carnet rempli ? Le carnet de son petit-ami peut-il remplir à lui seul leur nombre de points combinés ? Le transfert est-il consentant ?

Trois...

Mais la plus grande question demeure : pourquoi lui ? Pourquoi Seito ? Pourquoi ce japonais lambda sans avenir ? Mathéo a-t-il été aveuglé par tous ces artifices ? C'est donc que ça fonctionne ? Que cet humour et ce rôle de joyeux trublion parviennent à camoufler la vérité ? C'est rassurant, non ? Sauf que Mathéo connaît le subterfuge, alors quoi ? Doit-il en inventer de nouveaux ? Maintenant qu'il sait, devra-t-il répondre à ses autres interrogations ? Y a-t-il un monde où sa famille et lui peuvent cohabiter sans heurts ? Ou il peut vivre sa vie sans se cacher ? Avoir une sœur ou aimer les garçons, quel est son plus grand secret ? N'est-ce pas bizarre de se résumer à ça ? A un secret ? Une réalisation qui a presque des allures de fantasme, c'est drôle, non ? Finalement, n'est-il pas devenu le secret de Mathéo ? Un secret mal gardé, la faute à qui ? Mais un secret, ni plus ni moins, et il n'y a rien de pire qu'un secret ? Ne devient-il pas une obsession ? De la part de son porteur pour que jamais il ne soit découvert, puis des autres curieux de le découvrir ? Et si on parlait de la déception qui s'en suit ? Lui, un secret ? La vie est amusante, en réalité, non ?

Deux...

Un jour, on naît sans rien avoir demandé à personne et on ne pense pas à demander : pourquoi ? Ce n'est que bien plus tard qu'on se la pose cette question, à 11 ans pour Seito, encore plus tard pour d'autres ? Les mots exacts, il s'en souvient, n'est-ce pas ? Était-il réellement conscient pendant tout ce temps ? Avant que Mathéo ne le touche, vivait-il vraiment ? Est-ce que respirer suffit à vivre ? Ou est-ce là le stratagème ultime ? Avoir cru être vivant tout ce temps et réaliser seulement maintenant, dix-huit après, qu'il a simulé cette vie ? Se souvient-il de la dernière fois où il a été heureux ? Avant Mathéo, avant Pablo, avant Nolan, avant ce campus, peut-il parler d'un avant ? Ou n'était-il pas plongé dans le noir tout ce temps ? A la lumière de ses découvertes, doit-il à présent craindre l'après ? Car, ne dit-on pas qu'une rencontre n'est que le commencement d'une séparation ? En sera-t-il l'instigateur ? Aura-t-il l'audace de destituer son roi de son trône ? Ou prendra-t-il place à côté des condamnés ? Quel est l'avenir de ceux qui n'ont plus de points ? Sont-ils seulement en vie ? Ou passent-ils le reste de leur existence à regretter l'amour qu'ils n'auront jamais plus ? Pleurera-t-il quand les yeux de Mathéo ne se poseront plus sur lui ?

Un...






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Lun 26 Fév 2024 - 16:06
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En revenant sur le lit pour lui prêter de quoi se changer, Mathéo en profite pour renfiler son T.shirt. « J’irai faire une machine après…» souffle-t-il en se rasseyant à ses côtés. Ses yeux dérivent sur le mur dans un élan respectueux, le temps qu’il se change. Il a toujours du mal à réaliser… Dire qu’ils… Aaaaaah. Il se sent beaucoup trop heureux pour y survivre ! L’un de ses oreillers se fait honteusement délogé pour s’écraser sur son visage. Embarrassé, il se cache sous. « … Désolé, je ne sais pas du tout ce que l’on est censé dire ou faire après avoir... » s’empourpra-t-il davantage, incapable de terminer sa phrase. « Raaah, reprend toi Mathéo ! Tu n’as plus 15 ans, ne soit pas ridicule » se réprima-t-il intérieurement. Mais, y avait-il seulement un âge pour le bonheur ? Sortant de sous sa cachette de fortune, il se redresse et se jette sur son petit-ami, l’engloutissant sous la tendresse de ses bras.

« Si, je sais en fait. Je t’aime, Seito Mori. » murmure-t-il à son oreille. « Je t’aimais quand la seule chose que je savais de toi était que tu étais au lycée avec ma sœur, dans le club de littérature et que tu aimais les bonbons aussi. » confia-t-il, sous un léger rire. « Je t’ai aimé davantage quand j’ai appris à te connaître. Ton honnêteté déconcertante, ton humour surprenant et ton imagination débordante, c’est ça, je crois qui m’a le plus plu chez toi au début. Et puis, j’ai aussi aimé tes doutes, ta sensibilité… Tu sais, dans tes yeux, il y a une lueur incandescente. Elle est malicieuse, audacieuse, elle me plaît vraiment. Parfois, elle se transforme en un tourbillon inquiétant qui ressemble à de la colère, d’autre fois elle regorge de tristesse… mais ça me va aussi. Il y a de la vie dans tes yeux et la vie n’est pas toujours joyeuse, étrangement, ça participe aussi de sa beauté, non ? » demanda-t-il en fermant les yeux, laissant ses doigts effleurer son dos de leurs caresses. « Ce que je veux dire… c’est que plus j’apprends à te connaître et plus je t’aime. Merci, de m’avoir fait confiance aujourd’hui. Je ferais en sorte d’en être digne ».

Il se recule pour le regarder, un sourire doux sur le coin des lèvres. « … J’espère seulement qu’après ce que tu vas découvrir ici, tu ne vas pas avoir envie de fuir » avoua-t-il dans un rire nerveux. Seito est dans sa chambre… Jamais il n’aurait cru cela possible.

« Je vais devoir faire à manger… alors... j’implore ta miséricorde avant... parce que tout ce que je sais faire ce sont des nouilles instantanées, désolé. »
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Sam 9 Mar 2024 - 17:02
MERCREDI 20 JUIN 2018



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Sam 13 Avr 2024 - 19:33
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Un sourire timide étire doucement les lèvres de Mathéo. Il n’est pas peu fier des effets qu’il apprend provoquer. L’amour n’est-il pas déconcertant par nature ? Il aimerait demander, mais en garde précieusement la question. S’imaginer être la raison d’un quelconque bouleversement chez Seito lui plaît davantage. Il aime l’idée de le troubler, de le désorienter et d’animer quelque chose chose en lui, même si ce n’est qu’un effet de surprise. Les lèvres humides du lycéen s’apposent sur sa peau, lui offrant un déluge. Des vagues de frissons soulèvent son épiderme. Il aimerait pouvoir rester ainsi pour toujours.

Toujours… un simple adverbe de fréquence qui ouvre pourtant une douce et tendre danse dans sa poitrine. Avant, c’était plutôt « Jamais » qui régissait sa vie. En compagnon réconfortant de familiarité, il avait encore du mal à s’en débarrasser. Toutefois, dans les bras de son petit ami, Toujours lui semblait plus séduisant. Pourrait-il un jour lui donner une chance ?

« Pas quoi ? » répète avec tendresse Mathéo, l’esprit encore embrumé d’amour et de bonheur. Naïf, il ne se doute pas que derrière les tentatives de Seito se trouve de quoi le peindre intégralement en rouge. Leurs yeux se séparent et il ne voit pas encore le danger advenir. Ses pensées sont bien trop occupées à le trouver adorablement irrésistible lorsqu’il est gêné. Il lui faut quelques secondes de corps à corps pour réaliser que son petit ami a de quoi être embarrassé et que pire encore : des deux, c’est bien de lui que l’embarras prend le nom.

« O-Oh... » balbute-t-il. La panique le saisit. Bon sang… il lui demande vraiment s’il… ? Les yeux plantés sur sa couverture, il encaisse le coup de la honte. « … Je… Non… Enfin, je veux dire qu- » baragouine-t-il en cachant son visage dans ses cheveux. Devait-il annoncer l’inglorieuse vérité ou bien noyer le poisson jusqu’à ce qu’il n’y en ai plus aucune trace ? Son coeur accéléra, criant ses désaccords à l’oreille de Seito. C’était bien trop gênant comme conversation.

« P-Pourquoi je serais déçu ?... » demande-t-il en s’armant de courage. Au delà de sa honte restait la tendresse du moment et il ne souhaitait la sacrifier, quand bien même il aurait préféré qu’un astéroïde lui tombe sur la tête. « C’était parfait comme c’était... » souffle-t-il à l’oreille de son petit ami, renforçant l’appuie de son étreinte. Elle était là, la seule vérité qui compte.

« Je n’ai pas eu besoin que tu me touches… Te toucher, t’entendre et te voir… ont été suffisants. J’ai... Tu n’as pas été le seul à… tu sais. »

Un malaise sans nom lui donne soudainement la bougeotte. Il précipite un baiser sur le crâne du lycéen et s’extirpe hors du lit pour venir récupérer les vêtements et serviettes sales sur le sol. « Je. Je reviens, d’accord ? Je vais mettre tout ça à laver et préparer les nouilles. En m’attendant, tu peux faire comme chez toi » enchaine-t-il, les mots jetées trop rapidement pour que sa nervosité n'en soit pas perceptible. Sa piètre prestation lui fait si honte qu’il s’enfuit plus vite qu’un courant d’air, direction la buanderie pour lancer une machine. Haaah… Il se sent terriblement nul.

Dans la cuisine, le repas est préparé de façon express. Mathéo fait bouillir de l’eau dans la bouilloire familiale, ouvre les pots de nouilles instantanées, y déverse les sachets d’épices puis ajuste chaque pot avec la bonne dose d’eau bouillante. Du tiroir, il sort un plateau et deux paires de baguettes qu’il pose sur la languette qui fermait les nouilles pour laisser sa création infuser. Mince… Il ne lui a même pas demandé s’il préférait un goût en particulier. Il n'y a plus qu'à espérer que Seito aime les nouilles au boeuf. Tracassé, il s’en va fouiller dans le frigo et en ressort deux canettes de soda qui atterrissent sur son plateau qu’il soulève avec prudence jusqu’aux escaliers. De la vapeur soulève faiblement les languettes de ses pots, Mathéo en viendrait presque à regretter de ne pas savoir cuisiner. Rien que pour nourrir Seito, il apprendrait. Alors bien sûr...  il ne peut qu’entendre la voix de Lou s’esclaffer dans son esprit. Lui qui lui avait tant répété ô combien cuisiner ne servait à rien. Si elle savait…

Une fois à l'étage, il ouvre la porte de sa chambre du pied en poussant quelque peu dessus et amène le plateau jusqu'à sa table basse, au fond de la pièce. « C’est prêt. Excuse moi, j’espère que je ne t’ai pas fait attendre trop longtemps ? »

Et parce qu'il espère briser en quatre la Gêne et qu'il est curieux, il demande :  « Tu faisais quoi ? »
KoalaVolant

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Jeu 18 Avr 2024 - 15:31
MERCREDI 20 JUIN 2018



Décevoir est une seconde nature. Il lui est donc normal de demander si c'est le cas ici. Même s'il a tout donné, même s'il ne peut donner plus pour l'instant. Et c'est bien ça qui l'ennuie, ne pas avoir été capable de plus. Sa peau est saturée de sensations et pourtant, elle en redemande. Quitte à ce que ses pores débordent de ce trop plein auquel il ne s'attendait pas et auquel il n'aurait jamais pu se préparer. En l'absence de Mathéo, elle frissonne. Et il ne peut s'empêcher de le harponner de son regard perdu lorsqu'il se lève et virevolte avant de disparaître. Il lui faut quelques secondes silencieuses pour assimiler ce qu'il croit avoir compris. Mais, même en appréhendant cette réalité, Seito se sent démuni. Incapable de cerner la possibilité qu'il puisse être le fruit d'un désir si prononcé que l'autre puisse s'en délecter sans qu'il ait eu à y participer activement. Il s'humidifie les lèvres, le cœur troublé par cette révélation.

La chambre lui paraît soudain bien froide sans la présence solaire de Mathéo, sans sa peau contre la sienne, sans ses mots amoureux qui l'étreignent. Alors il se lève. Un bref instant, son regard balaye la pièce. Tant de secrets à portée de main, de curiosité à assouvir, et pourtant ce n'est pas sa préoccupation première. Il se saisit du second boxer propre et se glisse hors de la chambre. Le couloir est vide mais il entend les bruits de la cuisine, Mathéo qui s'affaire à remplir leurs estomacs vides. Avec prudence, il s'aventure jusqu'à la salle de bain. Ses doigts effleurent la chambranle de la porte puis le mur. Son reflet accueille son corps fin et de son regard charbonneux, il en détaille les contours. Le changement se voit-il déjà ? Rien sur son corps mais sur son visage, les traces d'échauffement sont encore bien présentes. De ses joues rosées à ses yeux humides en passant par ses lèvres gonflées par leurs nombreux baisers.

Seito ouvre le robinet devant lui et s'asperge le visage avant de le refermer. Le talon de ses mains pressent sur ses yeux quelques secondes avant de courir dans ses cheveux dans une maigre tentative de discipline. Puis elles échouent sur le rebord du lavabo au-dessus duquel sa tête s'incline. Mathéo a franchi deux fois les frontières de son territoire le plus reculé. Celui qu'il avait si bien camouflé qu'il pensait impénétrable. Mais son petit-ami les avaient enjambées comme si elles n'étaient rien de plus qu'une branche à écarter du chemin. Cependant, une chose lui échappe : celle de l'avoir laissé faire malgré cette facilité déconcertante. Il aurait dû lutter pour chasser l'intrus, persuadé que personne ne comprendrait pourquoi il s'était terré derrière de tels retranchements. Mais Mathéo n'en avait rien eu à faire et son amour ne semblait pas avoir de fin. Semblait. Son expiration est brutale, il relève les yeux sur son reflet et s'en détache. Il lui faut peu de temps pour se changer à nouveau et remettre jogging, T-shirt et pull extra large.

Dans cette armure de douceur, il retrouve la familiarité relative de la chambre. Il hésite à aller aider Mathéo mais le Kirby géant attire son regard. En deux pas, il est devant et s'accroupit pour effleurer du bout des doigts les paquets de bonbons. Il ne s'attendait pas à croiser un gardien de Satokuni ici mais cela n'a rien de surprenant, en vérité. Puis il remarque le post-it et s'interroge sur son identité. L'énigme reste entière alors qu'il se redresse pour inspecter le nombre phénoménal de photos accrochées au mur. Elles font écho au mur au-dessus de son lit sur le campus, se remplissant au fur et à mesure que sa vie se construit. Des fragments de bonheur que Seito contemple avec envie avant de s'attarder sur tous ces mots d'amour parsemés ça et là. Il ne touche qu'avec les yeux, presque intimidé par ces sourires et ces cœurs. Alors il s'en détourne et choisit la fenêtre où les nuages n'ont pas fini de pleurer. Un éclair zèbre le ciel et le tonnerre ne tarde pas, résonnant jusque dans son cœur. Leurs larmes s'étirent sur la vitre.

De ses doigts, il s'amuse à en suivre plusieurs avant d'être surpris par le retour de Mathéo. L'odeur qui se dégage des pots réveille son ventre et il réalise être affamé. A sa première question, il hoche la tête. A la seconde, il croise son regard et s'assoit en tailleur près de la table basse.

« J'me demandais pourquoi le ciel pleure. »

Et s'il pouvait le consoler comme Mathéo a consolé son chagrin. Ce qui est idiot puisque le ciel ne pleure pas vraiment. Il rehausse les manches de son pull et se saisit des baguettes tout en inspirant ce doux fumet. Sans un mot il aspire une première bouchée et la chaleur se répand. Il ferme longuement les paupières et les rouvre sur Mathéo à qui il sourit timidement.

« C'est bon ! Merci pour tout Mathéo. »

Ses dents agrippent brièvement sa lèvre inférieure puis la relâchent lui préférant plusieurs autres bouchées de ramen. Immanquablement, ses yeux le ramènent à son petit-ami. Parce qu'il se sent bien dans cette chambre, dans ses vêtements, avec lui. Alors que sa présence dérange sûrement les lieux. Sa voix est basse quand il relève à nouveau le nez de son pot pour demander :

« C'est ton autre sœur sur les photos ? »

Révélant à Mathéo qu'il ne s'est pas seulement contenté de regarder la pluie tomber.



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Mar 30 Avr 2024 - 19:40
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Pourquoi le ciel pleure… ?
Mathéo jette un œil à sa fenêtre en imitant Seito pour s’asseoir en tailleur autour de la table basse. Les gouttes de pluie ruissellent contre le carreau. Jusqu’à présent, il n’avait jamais envisagé qu’elles puissent être des larmes. La poésie de son petit ami lui plaît autant qu’elle lui chagrine le cœur. Avec l’effervescence de leur passion, il en avait oublié leur dispute. L’amour surabondant qu’il ressent en couvrait toute la peine que son petit ami venait de partager. Malheureusement, il ne suffit pas d’une envolée tendre et passionnée pour guérir un coeur, n’est-ce pas ?

Il repose ses yeux sur Seito pour l’observer manger. Si le ciel pleure, ce n’est que de le savoir triste. Tout comme lui, Mathéo est certain qu’il estime que cela devrait être impossible, qu’il devrait exister une loi cosmique interdisant à quiconque et à quoique ce soit de détenir le pouvoir d’affliger Seito Mori de tristesse. Il ne devrait y avoir sur cette terre que de quoi le rendre heureux.

Avec un sourire des plus tendres, il lui rend d'ailleurs toute sa gratitude. Il n’y a pas besoin de le remercier, rien de ce qu’il pourrait dire ou faire ne serait jamais à la hauteur de celle qu’il ressent en l’ayant dans sa vie. « Merci d’être là » aimerait-il répondre, tout simplement. Mais comme il craint que cela ne rappelle à Seito sa peine, il se contente de ce sourire et d’un « Itadakimasu », murmuré, mains jointes et yeux fermés, avant d’attraper ses baguettes.

La vapeur qui se dégage de son pot lui réchauffe le visage, c’est agréable. Sans doute n’aura-t-il jamais autant apprécié déguster des nouilles instantanées de sa vie. C’est fou… comme avec Seito dans les parages, tout lui semble devenir meilleur. Il aspire une première longueur de nouilles, lui aussi commençait à avoir faim. La question du lycéen l’oblige néanmoins à s’arrêter en cours de route. Nouilles à moitié gobées, il relève les yeux sur lui. Ses joues rosisses. Mince… il a eu le temps de regarder ses photos. D’une grande aspiration, il finit d’attraper ses nouilles et s’empresse de mâcher le tout malgré la chaleur qui lui brûle les naseaux et lui rend la tâche difficile. Il hoche la tête en avalant sa bouchée.

« … Oui. C’est ma sœur Anna. Elle est plus âgée que Lou mais elle a été un an au lycée de Kobe, tu l’as peut-être déjà croisé. Elle est à l’université maintenant. » précise-t-il, non sans une certaine fierté. Anna a choisit une filière artistique et, tout comme avec Nao’, Mathéo ne comprend pas tellement ce choix mais il ne lui en tient pas rigueur car il sait que si quelqu’un peut réussir dans un domaine artistique, c’est bien elle. « On est très proches… bien que ça ne se voit pas forcément. Nous avons un accord : sur le campus, chacun fait sa vie et aucun de nous ne doit intervenir dans la vie de l’autre donc si on se croise, on ne se parle pas nécessairement. » ajoute-t-il avant de reprendre quelques nouilles. Cet accord existait déjà avant qu’ils ne viennent sur Kobe en réalité, il existait depuis qu’ils avaient décidé de s’investir dans leur vie sociale académique. Au lycée, Anna voulait être populaire, lui voulait passer partout. Ils s’étaient soutenus en restant mutuellement à distance l’un de l’autre. Le collège avait été plus compliqué et à trop rester ensemble, ils avaient eu tendance à s’isoler, contrairement à Lou qui s’était rapidement fait de nouveaux amis.

« On essaye de se retrouver au moins une fois par mois hors du campus et de passer une journée rien que tous les deux. La plupart de nos vacances, on les passait aussi ensemble. C’est pour ça qu’il y a tant de photos où l’on est tous les deux. Cela dit... je crois qu’elle commence à devenir trop grande pour avoir envie de se coltiner son frère chaque vacance. » dit-il, non sans un ton plaintif, mais le sourire aux lèvres. Rien de plus normal, même s'il aurait aimé que ses soeurs restent enfants toute sa vie. Avec l’aide de ses baguettes, il pointe le Kirby qui se trouve non loin d’eux et un léger rire s’échappe d’entre ses lèvres. « C’est aussi ma fournisseuse officielle de sucreries. »

Doucement, il vient touiller le restant de sa soupe et devient plus pensif. « Heureusement que l’on s’entend bien. Avec Lou, c’est plus compliqué... mais je suppose que tu le sais, elle a déjà du se plaindre de moi. » se confie-t-il en haussant les épaules. D’ailleurs, il n’y a aucune photos de Lou dans sa chambre.
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Mer 1 Mai 2024 - 10:37
MERCREDI 20 JUIN 2018



Pièce rapportée, greffée à un univers auquel il n'aurait jamais dû avoir accès. Seito espère ne pas avoir voler la place de princesse qu'occupait Anna, cette sœur qu'il ne connaît pas mais dont l'importance transparaît dans les mots de Mathéo. Il y sent une proximité intimidante et se contente d'écouter. Pourtant, sur les photos, elle a l'air très gentille et pleine de vie. Sûrement qu'ils pourraient s'entendre s'ils étaient amenés à se rencontrer. Mais pour cela, il faudrait admettre que leur relation a une importance telle qu'elle mérite d'être sue par tous leurs proches. A tant reléguer sa famille au second plan, Seito n'envisage pas de révéler pleinement qui il est. En vérité, il est persuadé que ce n'est pas ce qu'ils souhaitent. Ses goûts, ses préférences, ses envies ne rentrent pas en ligne de mire car elles ne correspondront jamais à leurs attentes.

Ombre éternelle au tableau de la famille Mori. De lui, aucune photo sur les murs de la maison. Seule sa sœur trône fièrement dans l'entrée et sur le buffet du salon. Son petit sourire parfait de petite-fille parfaite. Il ne fait pas le poids avec ses humeurs et ses pensées noires. Si les photos sur le mur de Mathéo l'intimident, c'est parce qu'il sait que jamais il ne connaîtra une telle amitié fraternelle. Même s'il fait des efforts à présent, il est trop tard pour réparer des années de mépris. A elle non plus, il ne peut dire qu'il l'aime. Son cœur se soulève rien que d'y penser. Mais aucune famille n'est parfaite et lorsque Lou apparaît dans la conversation, le japonais croise son regard. L'attitude de Mathéo le déconcerte, il fronce les sourcils.

« Tu hausses les épaules comme si tu t'en foutais. »

La vapeur attire à nouveau son attention. Ses circonvolutions font écho à ses pensées qui s'entortillent à mesure que la détresse de l'isolement refait surface. Sans s'être plongé complètement dans son monde, l'absence de Lou lui a sauté aux yeux. Il en a ressenti la morsure jusque dans ses tripes et pourtant, il n'avait pas mis le doigt dessus avant que Mathéo n'en fasse mention. L'envie de dire quelque chose le tenaille mais il ne se sent pas légitime. Après tout, il ne sait rien de ce qui les éloigne. Sans relever les yeux des ramens, deux mots s'échappent.

« Ne la... »

Il condamne les autres au soupir. Sa lèvre en fait les frais tandis qu'il tente de maîtriser la violence des sentiments qui le malmènent. De cette solitude qu'il croyait évanouie et qui ressurgit plus vivace que jamais. De cette angoisse qu'il croyait terrassée et qui le plonge dans des ténèbres plus sombres que jamais. De cette douleur, enfin, qu'il croyait guérie et qui transperce son cœur plus sauvagement que jamais. Ses doigts se resserrent sur les baguettes. Il est incapable de faire face à Mathéo mais il doit finir sa phrase. Malgré l'absurdité de sa demande.

« Ne la mets pas d'côté. »

Et c'est particulièrement absurde puisque c'est précisément ce qu'il fait avec Megumi. Ses parents l'avaient mis de côté, il avait mis Megumi de côté. Un cercle vicieux duquel n'était ressorti que de la désolation. Vide, un puits vide qui ne peut accepter l'amour dont on le remplit, voilà ce qu'il est devenu. Ses doigts tremblent faiblement. La table absorbe le son des baguettes alors qu'il les pose à côté de son pot à moitié entamé. Ses iris cherchent dans le vide un point d'accroche mais se perdent dans le néant. Il n'y a pas une once de bonheur lorsque, après s'être humidifié les lèvres, il reprend :

« Y'a rien de pire que d'être mis de côté. »

Le silence accueille sa confession. Il aurait pu continuer. Lui avouer connaître cette sensation d'exister mais se persuader qu'il pourrait disparaître sans que cela ne pose problème à qui que ce soit. Mais il se sait plein de larmes et préfère ne pas secouer son être davantage. Ses paupières brisent l'immobilité puis son souffle tremblotant en emporte les éclats. Tout doucement, il reprend ses baguettes et mollement, vient mélanger le bouillon. Les nouilles trouvent le chemin de sa bouche, bouchée après bouchée, le regard rivé dessus.



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