Miroir miroir, qui a les plus belles fesses ? [Ft. Nassim]

Tu savais que je mentais à ma mère depuis mon arrivée au Japon ? Je ne lui ai jamais parlé des onsen, ou même du manque de pudeur typiquement japonais quand il s’agit de nudité. Je dois l’avouer, même moi j’étais quelque peu désorienté au premier abord. Le fait que tout le monde se mélange ainsi, sans maillot de bain ni rien… c’était un peu déroutant. J’ai eu du mal à laisser tomber la serviette, ou même à rester naturelle en présence d’autant de gens nus autour de moi. Dans ma culture, on ne perçoit pas la nudité de la même façon, même entre hommes. Même si j’en suis partiellement détaché parce que j’ai énormément voyagé, il reste quand même de lourdes traces de cette dernière en moi. Et ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit, cher journal, je les arbore avec fierté ! Mais disons que certaines barrières sont parfois plus difficiles à franchir.

Par exemple, les douches publiques de l’université. Certes, chaque douche est séparée avec un box et en soi, si je lève la tête, il n’y a rien à voir. J’enroule systématiquement ma serviette autour de ma taille et je m’habille plus loin, dans un coin tranquille.

Après un an de campus, je suis rodé. La nudité ne me met plus autant dans l’embarras qu’avant et j’ai pris l’habitude. Le manque de pudeur des autres m’a plus ou moins vacciné et a presque déteint sur moi, je dirais même. Ce n’est pas plus mal en soi : je suis totalement pour le fait de désacraliser le corps humain, après tout. Mais les vieilles habitent ont la vie dure, dit-on.

Et malgré tout, je ne suis pas prêt quand je vois l’un des étudiants en string au bout du couloir alors que je prends ma douche un peu tardivement. Je suis formel, cher journal : c’est un string. Ne me demande pas comment je le sais, je le sais et c’est tout. Je crains presque pour la vie de cette pauvre ficelle qui tient à peine sur les hanches du jeune homme qui avance vers moi. Et le problème est là : il avance vers moi. Plus il avance vers moi, plus la vapeur de l’eau chaude se dissipe et plus les lignes se dessinent et je vois des choses qui, dans d’autres circonstances, auraient certainement été très plaisantes à voir mais qui dans l’instant présent me laisse juste sans voix. Et je suis d’autant plus pris de court qu’il a l’air fier de lui et tout sourire. C’est la première fois que je vois quelqu’un marcher si fièrement en string dans les douches de l’université.

L’ironie du sort est une pétasse, je n’ai pas honte de le dire, parce que j’en fais glisser mon savon par terre et ce dernier passe entre les jambes de l’inconnu juste derrière. Honnêtement, j’ai juste envie de le laisser là et de repartir. Il est pour toi, cher inconnu. Je te l’offre. C’est cadeau. Pourtant…

« Pardon, je… euh… je dois récupérer mon string. Euh, mon savon. Je voulais dire mon savon. Pas mon string. Je n’ai pas de string. Je n’ai rien contre le tien non plus. Ma langue a fourché. »

Je compte sur la chaleur pour excuser le rouge qui m’est monté aux joues.